Les émotions à fleur de peau, l’intensité des sentiments, les premières fois, les apprentissages multiples : les changements qu’on vit à l’adolescence étant légion, cette période effervescente s’avère inspirante pour les auteurs. Quatre d’entre eux ont particulièrement bien relevé le défi de s’adresser adéquatement aux 14-17 ans en proposant un roman qui se fait le reflet de différentes réalités auxquelles ils pourront s’identifier. Les voici!

Maryse Pagé : Déjouer la solitude

Malik, 15 ans, a un parcours de vie difficile. Après avoir vécu dans des familles d’accueil, il est de retour avec sa mère, maintenant sobre. Parce qu’il a commis un vol, l’adolescent est contraint de faire du bénévolat dans une résidence pour aînés, où il rencontre Marius, un vieil homme détestable. Mais peu à peu, ces deux êtres esseulés se lieront d’amitié, ce qui permettra peut-être à Malik de retrouver foi en l’existence. Après son diptyque Charlie-Rock, l’auteure Maryse Pagé sonde encore une fois l’adolescence, les relations humaines et les deuxièmes chances qu’offre parfois la vie…

Qu’est-ce qui vous fascine dans l’adolescence?
L’adolescence est une période charnière, peu importe l’époque ou le milieu d’où l’on vient. C’est un moment dans la vie où l’on veut tranquillement se détacher de ses parents, mais, en même temps, acquérir son indépendance. Ce paradoxe d’adulte en devenir, en train de se forger une personnalité est, pour moi, une source d’inspiration infinie.

Les thèmes de la solitude et du deuil semblent vous interpeller. En quoi vous inspirent-ils?
Je suis toujours étonnée de constater la résilience que l’on peut avoir face à la mort d’un être cher. Je crois que cette résilience est due au fait que l’on continue de faire vivre la personne en soi, qu’elle a toujours une influence sur ce que l’on est profondément et sur les gestes que l’on va poser. Et c’est inspirant de parler du deuil, parce qu’il y a autant de façons de le vivre que de personnages qu’on peut créer.

Dans Rap pour violoncelle seul, j’ai décidé de réunir deux solitudes, deux écorchés qui finissent par se faire du bien. J’ai eu envie d’envoyer le message qu’une solitude qui pèse est là pour être brisée.

Comme dans les livres de Charlie-Rock, vous mettez en scène une relation intergénérationnelle dans Rap pour violoncelle seul. Pourquoi est-ce important pour vous d’écrire sur ce sujet?
Je n’ai jamais connu mes grands-parents, et mes enfants ont très peu connu les leurs. Je crois que j’ai envie de pallier ce manque – même si ce n’est pas toujours conscient – en inventant des histoires où deux générations s’apportent mutuellement du beau et du bon.

Rap pour violoncelle seul
Maryse Pagé
Leméac
152 p. | 11,95$

Photo de Maryse Pagé : © Sylvain Plante

Edith Chouinard : Les revers de l’amour

Jessie, un jeune espoir du tennis masculin âgé de 22 ans, éprouve des difficultés dans sa carrière. Il est amoureux d’Emma – qu’il connaît depuis toujours –, qui, elle, se classe au vingtième rang mondial dans cette même discipline. Emma ne semble pas l’aimer en retour, mais ses tergiversions troublent Jessie. Or, ce dernier pourrait bien délaisser la sportive lorsqu’il rencontre une autre fille… Ce roman d’Edith Chouinard explore le sentiment amoureux et le dépassement de soi, le tout avec un ton rafraîchissant et drôle ainsi que de charmants personnages.

Pourquoi avez-vous eu envie de camper votre histoire dans le monde du sport? Et celui du tennis en particulier?
Je ne suis ni sportive ni même très compétitive, mais j’aime les émotions liées au sport. Je pleure toujours en regardant les Olympiques! Le tennis est mon sport préféré, parce que les émotions y sont très intenses, palpables, et parce que j’admire énormément la force mentale des joueurs et joueuses. Je voulais faire rayonner un peu ce sport que j’adore.

Quels sont les principaux défis lorsqu’on écrit sur l’amour?
Je ne m’étais jamais posé la question, parce que c’est le thème qui m’inspire le plus! Mais, au cours de mon écriture, je me suis souvent demandé si les réactions de mes personnages étaient crédibles, surtout lorsqu’ils vivaient des situations que je n’avais pas vécues moi-même. Puis j’ai réalisé que tout le monde réagit différemment, et que c’était peine perdue d’essayer de trouver LA chose à dire ou à faire pour chaque personnage. L’amour, c’est à la fois très personnel et universel. Et je pense que la meilleure façon de toucher tout le monde, c’est de laisser parler son cœur…

Dans le roman, on suit les aventures des héros tour à tour. Pourquoi avoir choisi de présenter cette histoire par le biais de deux voix?
Je voulais raconter l’histoire d’un garçon, parce que je trouve que le point de vue des gars n’est pas souvent exposé dans les histoires d’amour. Et puis je voulais absolument que la fille qu’il rencontre ait son propre cheminement, qu’elle ne soit pas là uniquement pour changer la vie du gars! Aussi, en tant que lectrice, j’ai toujours aimé les romans à plusieurs voix; j’aime découvrir comment chaque personnage perçoit ce qui lui arrive.

Quand on aime la mauvaise personne : Difficile de trouver la bonne
Edith Chouinard
La Bagnole
336 p. | 24,95$

Le tome 2 paraîtra à l’automne 2020.

Photo d’Edith Chouinard : © Melany Bernier

Karine Glorieux : L’étrangeté de l’adolescence

Lou et Théodore, deux adolescents fréquentant la même école, mais ne se connaissant pas de prime abord, voient leur quotidien chamboulé par l’apparition de symptômes étranges semblables à des caractéristiques animales… ce qui s’avère pour le moins déstabilisant. Ensemble, avec l’aide d’autres élèves, ils tenteront de comprendre ce qui leur arrive. Cette histoire originale et captivante sonde les différences, l’amitié, la solitude et les aléas de l’adolescence, une période qui vient avec son lot de changements, de troubles et d’émois. Dans cette série, Karine Glorieuxillustre avec justesse, fantaisie et humour cette phase vertigineuse de la vie.

Quelle a été l’étincelle de départ pour cette série?
J’avais envie d’écrire pour mes enfants, particulièrement pour mon plus jeune, qui ne trouve pas toujours les livres très intéressants. Alors, chaque jour, je rédigeais un bout de roman et je le lui lisais en soirée. Ça a été une expérience exceptionnelle pour nous deux; comme si ce livre était notre monde à nous, spécial, unique.

Aussi, comme j’ai deux grands adolescents à la maison, j’avais envie de parler de toutes les étapes qu’ils ont franchies et que mon dernier va bientôt traverser. Je voulais raconter de façon humoristique le passage entre l’enfance et l’adolescence, qui n’est pas toujours facile, mais qui reste un moment très particulier de la vie : l’imagination débordante de l’enfance est encore vive, et, en même temps, l’esprit rebelle, baveux et téméraire de l’adolescence s’installe peu à peu. C’est un bel âge, je trouve!

Les transformations étranges que subissent les personnages représentent-elles une métaphore de l’adolescence? Ces symptômes bizarres avaient-ils une autre signification pour vous?
Une métaphore de l’adolescence : c’est exactement ça! Je me rappelle encore comment on se sent quand son propre corps se met à pousser trop vite, à changer, sans qu’on puisse maîtriser quoi que ce soit. On ne comprend plus trop ce qu’on est en train de devenir; on se regarde dans le miroir et on se trouve devant un étranger. Moi, ado, j’avais toujours l’impression d’être bizarre! Et le pire, c’est que même si la majorité des adolescents vivent des changements semblables, ils sont souvent convaincus d’être les seuls à se transformer de cette manière-là… jusqu’au moment, évidemment, où ils rencontrent d’autres personnes qui leur ressemblent. Mutants, c’est un roman sur l’amitié, aussi, qui est si importante à cette période de la vie.

Dans le roman, Lou et Théodore se racontent tour à tour. Pourquoi avoir choisi de présenter cette histoire par le biais de deux voix?
J’ai toujours aimé les histoires où l’on présente une variété de points de vue. Ça permet aux lecteurs d’avoir un portait plus global d’une situation et de se sentir proches de plusieurs personnages. Dans le cas de Mutants, c’était aussi une manière d’exploiter différents traits de l’adolescence : Lou est plutôt lumineuse, rebelle et spontanée, tandis que Théodore est plus réservé et drôle, mais aussi sombre par moments. En plus, j’ai envie que les lecteurs sentent qu’ils font partie de la petite bande, d’une certaine manière. Lou et Théodore leur racontent leur histoire, leur font partager leur intimité; du coup, ils sont inclus dans ce cercle d’amis.

Mutants (t. 1) : Les amitiés sauvages
Karine Glorieux
Québec Amérique
344 p. | 17,95$

Le tome 2 paraîtra à l’automne 2020.

Photo de karine Glorieux : © Martine Doyon

Laurent Chabin : Dans les affres des gangs de rue

Il n’y a pas que le format de la nouvelle série de Laurent Chabin qui soit original (10 courts « épisodes » qui se lisent d’un trait; à peine le temps de reprendre son souffle!), mais également le sujet : l’histoire d’un adolescent qui, après avoir abandonné l’école, voit sa vie basculer en raison des gangs de rue. Intimidation, dépendance, agressions et prostitution sont quelques-uns des thèmes graves qui sont abordés, avec tact – mais aussi avec une transparence crue. Une véritable série coup de poing qui permet de mieux comprendre un univers où gravitent malheureusement trop d’adolescents.

Pour écrire cette série, vous avez rencontré non seulement plusieurs jeunes délinquants, notamment dans des centres jeunesse ou de détention, mais aussi des victimes. Comment expliquez-vous que ces jeunes aient décidé de faire part de leur vécu à un auteur?
Les jeunes des gangs de rue, contrairement à d’autres délinquants ou criminels plus « professionnels », aiment afficher leur statut. Ils exhibent volontiers leurs signes de reconnaissance. Au départ, en effet, c’est sans doute moins le crime qui les attire dans les gangs que le sentiment d’appartenance à une « famille »; le fait d’accéder à une sorte de statut social qui, selon eux, leur était jusqu’alors dénié. Ces jeunes parleront donc plus facilement de leur expérience, même s’ils insistent surtout sur le sentiment de liberté – totalement illusoire, d’ailleurs – que leur procure cette appartenance. Le fait que ce soit un écrivain qui les écoute valorise peut-être aussi cette attitude.

Pourquoi vous semblait-il important de parler de la réalité des gangs de rue?
Le thème des gangs de rue m’intéresse parce que la réalité m’intéresse. Je ne considère pas le récit « policier » comme appartenant à ce qu’on appelle assez curieusement les littératures de l’imaginaire. Le véritable roman noir doit, au contraire, être profondément inscrit dans le réel, et l’auteur doit savoir de quoi il parle, et pourquoi il en parle. Les gangs de rue sont une réalité et n’ont rien d’exceptionnel, contrairement aux tueurs en série ou aux sociétés secrètes, dont les histoires font frissonner le lecteur à bon compte, avec des récits qui tiennent davantage du fantasme que d’autre chose. La criminalité de rue existe et n’est pas marginale, même si on la connaît très mal.

Chiens de rue (t.1) : La nuit de la honte
Laurent Chabin
Héritage
32 p. | 6,95$

Photo de Laurent Chabin : © Martine Doyon

Les ados aimeront aussi…

La vie compliquée de Léa Olivier (t. 0)
Catherine Girard-Audet (Les Malins)
Ce nouvel opus se déroule avant le début de la série télévisée, inspirée des deux premiers tomes. On se trouve donc dans l’univers de Léa, quelques mois avant son déménagement à Montréal, qui l’éloignera de sa meilleure amie, Marilou, et de son amoureux Thomas. Dix personnages principaux de la série – dont Sarah, Félix, Katherine, Maude, Alex, Jeanne et Éloi – se racontent tour à tour lors d’un séjour à Montréal qu’entreprend Léa afin de se familiariser avec sa future nouvelle ville. Ils se croiseront sans le savoir, avant même leur rencontre avec Léa pour certains. Voilà un livre incontournable autant pour les fans de la série que pour les jeunes qui veulent la découvrir.

L’Académie (t. 2) : L’été d’après
Sarah-Maude Beauchesne (La Bagnole)
Ce livre s’attarde aux destins d’Agathe, Marie et Wendy après les trois saisons de la série télévisée L’Académie. Que leur arrive-t-il l’été qui suit la fin de leur secondaire? Comment vivront-elles cette nouvelle liberté? Agathe s’interroge sur ses passions et sur son amour pour Clément. Toujours follement amoureuse de Théo, Marie jongle encore avec ses insécurités. Wendy voit la vie en couleur et désire faire une différence dans le monde. Comme dans le premier tome, les lettres d’Agathe, le journal intime de Marie et la poésie de Wendy forment un kaléidoscope des sentiments de ce trio pétillant.

Tourterelle
Eve Patenaude (Québec Amérique)
Tourterelle, une jeune femme timide et introvertie de 22 ans qui vit presque recluse, se fait engager comme porte-bonheur après qu’une série d’événements a fait croire à un père de famille qu’elle portait chance. Emmitouflée dans plusieurs couches de vêtements – comme si ces tissus pouvaient l’apaiser et la protéger du monde extérieur –, elle crée des broderies pour un homme politique. Fignolée avec douceur, cette histoire mélancolique hors du temps, qui entremêle tendresse et cruauté, se déroule pendant deux hivers où Tourterelle est à la recherche d’elle-même, attribuant plutôt cette chance qu’elle attire à des hasards. Une chance qui ne semble d’ailleurs pas souvent lui sourire…

Entre réalités (t. 1)
Johanne Dion (Hurtubise)
Comme son année de quatrième secondaire vient de se terminer, Jordane, 16 ans, entreprend ses vacances estivales avec enthousiasme. Elle pourra profiter de son temps libre avec sa meilleure amie et s’adonner à ses passions que sont le soccer et le cinéma. Or, ses plans sont chamboulés lorsqu’elle tombe amoureuse d’un garçon mystérieux qui travaille dans un club vidéo. Le jeune homme semble cacher un secret, tout comme la nouvelle coéquipière de Jordane. Que se passe-t-il? Suspense, mystère et romance sont au programme de ce roman qui flirte avec le fantastique, et où la réalité n’est peut-être pas celle que l’on croit.

L’ogre et l’enfant
Magali Laurent (Bayard)
Que feriez-vous si, en route pour rejoindre votre amie d’enfance — et votre premier amour —, vous découvriez, cachée sur la banquette arrière de votre voiture, une fillette en fugue portant une ecchymose sur la joue? C’est ce qui arrive à Nathan, personnage de ce roman troublant et fort de Magali Laurent, qui sera alors entraîné dans un road trip de Portneuf à Shawinigan, tout cela pour venir en aide à la petite fugitive… Un roman impossible à lâcher!

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