Le nombre de supports sur lesquels est décliné son art est impressionnant : magazines, journaux internationaux, emballages, jeux de société, murales, étiquettes de vin et de bière, etc. Que la Montréalaise Cécile Gariépy soit également illustratrice de livres paraît donc logique. D’autant plus que ses personnages, reconnaissables dans leurs courbes et couleurs, font d’excellents protagonistes pour les livres muets qu’elle illustre ou encore pour le documentaire récemment paru qu’est Drôles de sports, écrit par le journaliste sportif de La Presse Simon Drouin. Ci-dessous, découvrez-en plus sur l’artiste qui a choisi de mettre en scène sur notre couverture des orignaux visiblement intéressés par la lecture!
Œuvre produite pour les nouveaux bureaux de Google à Montréal.

La plupart de vos illustrations représentent des bonhommes qui ont tous un même air de famille et qui rendent vos œuvres immédiatement reconnaissables. Avez-vous toujours dessiné ce type de personnages depuis vos débuts? Cette « signature » est-elle réfléchie ou naturelle?
J’aimerais dire que cette signature est longuement réfléchie, mais ce serait mentir! J’ai toujours dessiné de cette manière, c’est en quelque sorte ma calligraphie. Bien sûr, mon style évolue, tout dépendant de ce que j’ai envie d’explorer. Mais même si j’essaie vraiment fort, je ne m’éloigne jamais très loin de cette famille de bonhommes. Ils me ressemblent, et vice versa.

Votre travail est principalement constitué de couleurs en aplat. Qu’est-ce que cette technique vous permet, et en quoi cette approche est-elle celle qui vous convient le mieux?
Ce qui m’allume dans le médium de l’illustration, c’est sa capacité à capter l’attention rapidement, à faire comprendre une idée en un clin d’œil. Les formes en aplat me permettent de garder l’image très simple et de laisser la place au concept. En ce qui concerne la couleur, je l’utilise surtout pour donner de la nuance aux émotions que je veux transmettre.

Illustration tirée de Coup de vent (La Pastèque)

La liste de vos clients est impressionnante, belle et terriblement variée. On parle du New York Times, du Washington Post du Monocle Magazine et du Devoir, mais aussi de Hello Fresh, d’une compagnie en France de cours en ligne et d’une, canadienne, qui fabrique notamment des jerseys de vélo. On parle aussi d’emballage de paquets de café, de papier peint, d’illustration pour un restaurant en Norvège et un autre à Singapour, d’étiquettes de bière et d’autres de vin, de cartes Visa et de bien d’autres supports encore. De tous ces types de contrats, lesquels vous passionnent le plus et pourquoi?
J’adore quand on me donne un paquet de trouble! Régler un problème, trouver une solution visuelle, c’est ce qui me branche le plus. Les projets que je préfère sont ceux pour lesquels je suis directement impliquée dans le processus créatif, et où je travaille de concert avec les directeurs artistiques pour pousser des idées plus loin ou dans d’autres directions. Le métier d’illustrateur peut être parfois très solitaire, donc travailler en équipe avec des gens de divers horizons basés un peu partout dans le monde m’apparaît d’autant plus stimulant.

Vous avez illustré Devine qui m’inspire, un jeu créé avec l’entreprise québécoise Des Enfantillages, en partenariat avec le magazine Beside et Fabrique 1840. Il s’agit d’un jeu de déduction pour les 6 ans et plus, un peu à la manière du populaire Qui suis-je de notre jeunesse, à la différence que, plutôt que de présenter des inconnus, Devine qui m’inspire met en scène des personnalités inspirantes présentées sur des fiches détaillées. On y découvre notamment Boucar Diouf et Colombe St-Pierre. Est-ce que ce fut un défi que d’illustrer la binette de toutes ces personnalités qui œuvrent à bâtir un monde meilleur?
Pour être très honnête, le processus de sélection de ces personnes inspirantes a été plus ardu que de les illustrer! Nous avions une longue liste de candidats, tous plus inspirants les uns que les autres. J’ai fait le portrait de plusieurs d’entre eux avant que l’on décide des finalistes. On aurait voulu tous les inclure! C’était un beau défi de représenter une partie de leur personnalité et de simplifier leurs traits sans les défigurer. J’espère secrètement qu’ils aiment leur portrait et que personne ne s’est exclamé : « Voyons donc, j’ai quand même pas un si gros nez! »

Image produite pour le New York Times pour un article sur la solidarité entre femmes dans le milieu de la restauration.

Dans le superbe Tout nu! Le dictionnaire bienveillant de la sexualité (signé Myriam Daguzan Bernier) que vous avez illustré, vos personnages sont très souvent nus. Quelle approche aviez-vous en tête lors de la création de ces images? Comment dessine-t-on du nu pour des enfants?
Qu’il soit pour des adultes ou des enfants, je dessinerais un nu de la même manière. Après tout, il n’y a rien d’obscène ou de pornographique à représenter un corps humain sans ses vêtements! L’idée derrière le Dictionnaire était justement d’impliquer tous les types de corps, sans honte ou tabous. C’était important pour nous d’illustrer la sexualité sous différents angles pour faire écho au texte très inclusif. Je souhaite que quiconque ouvre le livre puisse s’identifier à mes personnages.

Illustration réalisée pour le Washington Post sur le retour au travail post-pandémie.

Objet perdu et Coup de vent sont deux tout-cartons destinés aux jeunes lecteurs. Il s’agit de livres sans paroles, uniquement portés par le dynamisme des images qui, à elles seules, racontent une histoire facile à suivre en plus d’être amusante. Faire des livres a-t-il toujours été un souhait pour vous? Et pourquoi ce choix d’histoire sans mots?
J’ai toujours été fascinée et interpellée par les livres pour enfants. Je les collectionnais bien avant de devenir illustratrice! Quand La Pastèque m’a offert de créer ces livres, j’ai tout d’abord pensé que ça devait être une blague, puis j’ai littéralement explosé de joie.

C’est peut-être paradoxal, mais je crois que les histoires sans mots sont une manière de développer le langage de l’enfant, étant donné qu’elles le poussent à créer sa propre ligne narrative. Certains lecteurs de Coup de vent, par exemple, vont simplement souffler sur toutes les pages pour créer la bourrasque. D’autres vont s’inventer une histoire de village. J’ai assisté à plusieurs lectures du livre et je m’émeus chaque fois de voir l’interprétation que chacun en fait.

 

Illustration tirée de l’album Drôles de sports (La Pastèque)

Votre plus récente parution est Drôles de sports, un ouvrage documentaire signé Simon Drouin qui retrace quelques sports pour le moins… inusités de nos jours, et qui ont eu cours aux Olympiques. Quelles contraintes avez-vous rencontrées lors de la création de ce projet et quelle folie y avez-vous trouvée?
Il y a énormément de recherche derrière Drôles de sports, tant au niveau visuel qu’au niveau du contenu. On y a mis beaucoup de temps, d’amour et d’énergie! J’adore illustrer des sportifs et des gens en mouvement, mais ce projet me posait un défi double : celui de représenter adéquatement les sports au niveau technique et aussi de mettre en valeur le caractère assez farfelu de certains sports. J’ai encore le nez trop collé sur le projet pour savoir si j’ai relevé le défi!

Je tiens à dire que de travailler avec Simon Drouin a été un vrai plaisir. Étant journaliste sportif, il a non seulement réussi à résumer en quelques lignes l’essentiel de ces sports, mais a inséré plusieurs anecdotes sportives qui nous ramènent à l’humanité des athlètes. Au final, je crois que mes bonhommes et ses mots forment une belle symbiose.

C’est quoi, le rêve d’une illustratrice et artiste telle que vous?
Je suis très consciente que le milieu de l’illustration est impermanent, qu’il est soumis aux modes du moment. Je rêve simplement de pouvoir continuer à faire ce métier le plus longtemps possible!

Murale réalisée pour le Club de curling de Montréal.

Photo de Cécile Gariépy : © La Pastèque 
Illustrations : © Cécile Gariépy 

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