Sous le lecteur en kimono de son logo, la maison d’édition Picquier s’est rapidement imposée comme spécialiste de qualité en matière de littérature asiatique, en proposant depuis 1986 autant des auteurs japonais confirmés qu’émergents. En effet, on trouve à cette enseigne Ryū Murakami, Hiromi Kawakami, Kōtarō Isaka ainsi qu’Edogawa Ranpo, et on compte parmi leurs incontournables La tombe des lucioles d’Akiyuki Nosaka et Soundtrack d’Hideo Furukawa. L’approche de cette maison s’éloigne de toute glorification d’exotisme et s’appuie sur de solides traducteurs : voilà probablement la clé de son succès. L’homme qui a créé une passerelle entre les littératures orientales et le paysage littéraire francophone a accepté de répondre à nos questions.

De quelles façons sélectionnez-vous les ouvrages qui sont traduits pour le compte des Éditions Picquier? Est-ce essentiellement des grands vendeurs au Japon, des coups de cœur de vos lecteurs maison, des livres qui promettent de trouver écho sur le marché francophone?
C’est une question de patience, de confiance et de travail. Patience pour prendre le temps d’aller à la rencontre d’écrivains au Japon ainsi que de leurs livres; confiance dans les réponses apportées à nos questions par les éditeurs japonais, les traducteurs, les conseillers et les directeurs de collection de la maison d’édition; travail, enfin, fait de lectures croisées et de questions posées, de rapports de lecture et de traductions pour comprendre d’un texte ce que nous ignorons de lui, d’autant plus s’il est écrit dans une langue étrangère que je ne lis ni n’écris.

Qu’est-ce qui vous attire particulièrement dans la littérature japonaise, au point d’avoir décidé d’en faire un pan principal de votre maison d’édition?
À l’origine — il y a de cela trente-cinq ans —, une curiosité gourmande de découvrir une littérature dont je pressentais que sa richesse et sa diversité n’avaient jamais été suffisamment explorées. La certitude d’un continent quasi vierge à visiter en raison de son abandon par les autres maisons d’édition. La certitude, aussi, que la littérature japonaise possède de grands écrivains qui peuvent se mesurer aux grands écrivains du monde entier. Ajoutons à cela que, à cette époque (je travaillais déjà dans le monde de l’édition), les lecteurs étaient pour ainsi dire enfermés dans un malentendu entretenu par les éditeurs qui ne donnaient à lire que des livres « exotiques » quand ils n’étaient pas orientalistes.

Qu’est-ce que la littérature japonaise a à apprendre aux Occidentaux?
Je crois que la littérature japonaise n’a rien à apprendre à d’autres littératures. L’inverse est tout aussi vrai. Il n’y a pas non plus de « spécificité » de la littérature japonaise. Comme il n’y a pas de « spécificité » de la littérature française. Ce sont des regards parfois différents sur le même monde, car les écrivains japonais sont bien plus proches de nous qu’il n’y paraît et leurs préoccupations sont aussi les nôtres. Elles témoignent d’un foisonnement de personnalités : les romans japonais n’ont plus vraiment de patrie, ils ont leur génie propre, une voix chaque fois différente et singulière et qui peut entrer en résonance avec leurs lecteurs par-delà leur propre pays.

Quel livre, récemment publié chez vous, mériterait une attention toute particulière du public québécois, selon vous?
Voici quelques livres récemment parus et qui devraient conquérir naturellement les lecteurs québécois : La péninsule aux 24 saisons de Mayumi Inaba, L’été de la sorcière de Kaho Nashiki, qui vient de paraître en France et qui connaît un succès soudain, La papeterie Tsubaki d’Ito Ogawa, un best-seller qui paraît en poche à la fin du mois de juin et L’ode au chou sauté d’Areno Inoue, premier titre d’une collection mêlant fiction et gastronomie, dirigée par Ryōko Sekiguchi.

Photo : © Éditions Philippe Picquier

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