Mariapia Veladiano: Conte de fées moderne

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La Belle et la Bête peut aller se rhabiller. Dans La vie à côté, l’auteure italienne Mariapia Veladiano joue avec la peur de ne pas être aimé, plutôt que celle d’être immonde à regarder. Revient alors toute la profondeur de l’enseignement dictant qu’il ne suffit pas d’être beau pour trouver l’amour, précepte qui, dans le conte ancestral, s’envolait sitôt que la Bête redevenait Apollon.

Lors de sa parution dans sa version originale en 2010, La vie à côté a raflé le prix Italo Calvino en plus de se retrouver parmi les finalistes du prix Strega. « Une belle surprise », explique l’auteure, qui est étonnée d’un tel engouement pour son livre, notamment « en dépit du thème [la laideur] peu populaire dans la littérature contemporaine, laquelle est plutôt portée vers les protagonistes particulièrement belles, qui connaissent le succès et une carrière reluisante ».

Qu’on ne se méprenne pas : La vie à côté n’est pas l’évocation romantique d’un coup de foudre, les intrigues amoureuses n’ayant pas leur place dans ce roman vertigineux. La Bête, ici, c’est la jeune Rebecca, d’une laideur telle qu’on ne peut se la figurer, au point où ses parents la gardent à l’abri des regards, ne la laissant d’abord sortir qu’à la tombée de la nuit. Aucun prince pour venir la délivrer de cette maison vide de vie mais pleine de silence, sauf peut-être une fée, la jeune et loquace Lucilla, que Rebecca rencontrera lorsqu’enfin elle ira à l’école. Et puis, il y a le piano, élément central du roman, par lequel Rebecca, virtuose dès son jeune âge, saura trouver son salut.

Autant la musique aura une place importante dans le récit, autant les silences contenus – sur le vécu de Rebecca, de sa famille, de son village – viendront accentuer l’importance de l’écoute. Alors que les non-dits s’avèrent parfois salvateur et protecteur, comme l’assure l’auteure, il arrive que « dans les familles, ce qui n’est pas dit soit dévastateur. Le mot porte en lui une force réparatrice. Le mal perd son pouvoir s’il est forcé à sortir du silence ». De ces paroles, on comprend la logique narrative de Mariapia Veladiano, sa façon d’ainsi dévoiler la vérité au compte-gouttes.

 

Une question de temps

Afin de s’imprégner de ses personnages, l’auteure, professeure de lettres, diplômée en philosophie et en théologie, aura pris quatre ans pour mûrir son roman : « J’ai écrit toute ma vie sans ressentir le besoin de publier. Cela m’a donné beaucoup de liberté et de temps. Pour rechercher le son des mots qui conviennent le mieux au récit. Pour cerner les personnages et respecter leur vie. Il faut du temps pour cela. » Puis, posée, elle ajoute que « les histoires proviennent de l’écoute du monde qui nous entoure. Elles viennent sous la forme d’émotions, de peurs, de désirs. Ensuite, c’est à l’auteur de mettre ces émotions en mots et de les renvoyer au monde sous forme d’histoire ».

Grande lectrice de poésie, celle qui possède cette plume habile et qui a en aversion les romans bâclés, les clichés ou les platitudes, argue que la langue, riche et variée, permet de comprendre, de remplacer le jugement par la compréhension. Comprendre Rebecca par l’intermédiaire de ses paroles plutôt qu’en se fiant à l’image qu’elle renvoie et qu’elle n’a pas choisie, pourquoi pas? Finalement, La vie à côté, c’est plutôt l’histoire du Vilain petit canard qui, à défaut de gagner la beauté, gagne la sérénité. Beaucoup plus pratique, beaucoup plus philosophique, non?

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