Katherine Pancol : Tout prendre

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Avec plus de 6 millions d’exemplaires vendus en France et des traductions dans vingt-neuf pays, les romans de Katherine Pancol connaissent un succès phénoménal. L’auteure de la trilogie comprenant Les yeux jaunes des crocodiles, La valse lente des tortues et Les écureuils de Central Park sont tristes le lundi signe encore une fois avec Muchachas une fresque familiale foisonnante, parsemée d’amour, d’amitié, de rêves, de secrets, d’épreuves, de trahisons, de doutes, de rires, de larmes : « La vie, quoi! »

« Il y a toujours une étincelle qui démarre un livre », révèle Katherine Pancol. Pour cette nouvelle saga, Muchachas, qui s’avère en fait un seul livre de 1500 pages divisé en trois tomes, tout a commencé par une scène à laquelle l’écrivaine a assisté sur la terrasse d’un restaurant : une femme s’est fait battre par son mari devant leurs enfants. Katherine Pancol a suivi la victime pour l’aider, mais l’homme s’est interposé et l’a contrainte au silence. De cette scène est née une histoire dans la tête de la romancière et, surtout, de nouveaux personnages : Léonie, une femme battue par son mari Ray Valenti, qui suscite la terreur et règne dans leur village, leur fille Stella, et plusieurs autres qui gravitent autour d’eux. Après la trilogie aux prémisses plus légères, une trame plus brutale se met donc en scène cette fois : la maltraitance, les abus, le silence lourd et dommageable qui entoure ces drames, des êtres brisés.

« La vie est un roman », dévoile Pancol à la fin du deuxième tome. Il suffit donc de grappiller ici et là des détails qui comptent. Comme cette scène marquante et traumatisante au restaurant, porteuse d’une histoire puisque « l’écriture sert à voir ce qu’on voudrait oublier ». L’écrivaine s’est déjà définie comme un « Sherlock Holmes » de l’âme : « C’est très compliqué, l’écriture. C’est beaucoup de choses. Il faut avoir de bons outils. Il faut avoir du vocabulaire pour exprimer exactement ce que l’on ressent. Si vous avez trois mots de vocabulaire, vous ne pouvez pas écrire. Parce que vous n’expliquez pas toutes les nuances de l’âme, du cœur et de l’humeur. […] Ensuite, je pense qu’il faut avoir beaucoup lu pour avoir, sans s’en rendre compte, appris beaucoup de manières de raconter une histoire. […] Il y a la structure qui est importante, le vocabulaire, et l’observation des gens. Parce que vous vous nourrissez des gens, c’est là où il faut être un Sherlock Holmes. Pour observer les gens. Ce qui leur échappe. Et après, il faut avoir un don pour lier tout ça. »

Pendant que Katherine Pancol écrivait le récit de Léonie, la voix d’Hortense, une fille à l’assurance implacable découverte dans Les yeux jaunes des crocodiles, s’est manifestée. C’est ce qui explique pourquoi les nouveaux personnages côtoient ceux de la précédente trilogie : « Ils existent tellement, ces personnages, que je me retrouve toujours avec eux. » Mais l’auteure n’avait pas prévu qu’ils reviendraient : « En fait, je ne sais jamais rien. Honnêtement, je ne sais pas. Je laisse faire le hasard et, d’habitude, il fait plutôt bien les choses. »

Danser avec la vie
Les fort jolis titres de Katherine Pancol surgissent également en cours d’écriture, généralement : « Les titres s’imposent, d’un coup ça vous tombe dans la tête, comme dans une boîte à lettres. […] C’est un mystère, les titres. » Pourtant, Muchachas semble un titre prédestiné, avec toutes ces femmes qui y déambulent. Des femmes courageuses, résilientes, fortes, qui se démènent, luttent, espèrent, s’enflamment et aiment, malgré tout. Des femmes qui cherchent à être heureuses. « Le bonheur, il ne faut pas lui courir après, il faut le fabriquer soi-même », déclare le personnage d’Hortense dans le deuxième tome. Une façon de considérer le bonheur que partage l’auteure : « Le bonheur, c’est quelque chose entre soi et soi, il faut qu’il vienne de l’intérieur de vous et qu’il ne dépende de personne. »

Ce sont donc les femmes qui mènent la danse dans Muchachas. C’était le cas également dans cet extrait du roman Les yeux jaunes des crocodiles : « C’est une personne, la vie, une personne qu’il faut prendre comme partenaire. Entrer dans sa valse, dans ses tourbillons, parfois elle te fait boire la tasse et tu crois que tu vas mourir et puis elle t’attrape par les cheveux et te dépose plus loin. Parfois elle t’écrase les pieds, parfois elle te fait valser. Il faut entrer dans la vie comme on entre dans une danse. […] Valser, valser, valser. Franchir les épreuves qu’elle t’envoie pour te rendre plus forte, plus déterminée. » Est-ce la perception de l’écrivaine? « Parfois, la vie vous marche sur les pieds, et vous fait mal et parfois, elle vous emporte et vous fait valser de bonheur. C’est une succession de moments de grand bonheur, des moments de moins grand bonheur, des moments de tristesse. C’est un tourbillon, il faut tout prendre. On ne peut pas prendre que les bonnes choses. Ce n’est pas possible. »

Vivre les bras ouverts
Katherine Pancol prend tout également dans l’écriture : « Écrire, c’est ouvrir grand les bras et laisser la vie s’engouffrer ». C’est aussi ce que le lecteur ressent en lisant ses mots : la vie des personnages s’engouffre en lui et il ouvre les bras pour leur faire une place parce que leur histoire le touche, lui va droit au cœur et, surtout, parce que les personnages deviennent réels, attachants; ils existent.

Son succès, Katherine Pancol le doit donc probablement à ses formidables personnages, à son talent pour sonder toutes les nuances de l’âme, au regard qu’elle pose sur le monde et à sa façon d’ouvrir grand les bras, en étreignant la vie, en prenant tout. Malgré les coups durs qu’il faut parfois affronter…

Et voilà, à vous maintenant de plonger dans ce tourbillon…

 

Crédit photo : © Sylvie Lancrenon

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