Emma Donoghue: Une chambre pour deux

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Angoissant, tendu et rigoureusement brillant : le dernier roman de la Canadienne d’adoption Emma Donoghue est inoubliable, pour ne pas dire obsédant.

Vaguement inspiré par l’affaire Josef Fritzl (cet Autrichien qui emprisonna et agressa sa propre fille pendant près de vingt-cinq ans, lui donnant sept enfants, dont trois furent également gardés captifs),Room est un huis clos campé à l’intérieur d’une pièce glauque de 12 pieds carrés, dans lequel une jeune femme a vécu les sept dernières années depuis son enlèvement à 19 ans. Violée à maintes reprises, elle a maintenant un garçon de 5 ans, Jack, et c’est avec sa voix que Donoghue raconte leur histoire : « Le point de vue de Jack est la raison d’être du livre. Je n’ai pas choisi d’écrire une histoire d’enlèvement, puis décidé de la manière dont je souhaitais la raconter; ce que je voulais d’abord, c’était explorer la perspective d’un enfant élevé dans une pièce close », explique celle qui a été sélectionnée au prestigieux Man Booker Prize, en 2010. « Pour arriver à créer la voix de Jack, j’ai beaucoup observé mon fils, qui avait aussi 5 ans à l’époque, mais j’ai dû adapter son discours à de nombreux égards. »

Les compétences linguistiques de Jack, certains de ses comportements, certaines de ses bizarreries enfantines (ses amis sont des meubles, un tapis, une table, de véritables personnages dans le récit) sont modelés par l’éducation que lui offre une mère désespérée de protéger à tout prix son fils dans un contexte d’isolation totale. C’est d’ailleurs ce qui confère au roman, au potentiel initial sinistre et voyeur, une portée beaucoup plus vaste que le simple récit d’un kidnapping. « Je voulais écrire une histoire à propos du rôle parental sur le développement de l’enfance. Au-delà de nombreux faits divers, j’ai été inspirée par les récits filiaux anciens comme celui de Marie et Jésus, et contemporains, comme La route de Cormac McCarthy », illustre Donoghue. Il en résulte une fable moderne, poignante, sur l’amour maternel et ses limites, dont on ne ressort pas, à l’instar de Jack, tout à fait intact.

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