Écrivaine, journaliste et comédienne, Dawn Dumont est aussi scénariste et humoriste stand-up à ses heures. Membre de la nation crie d’Okanese, elle est l’autrice des romans On pleure pas au bingo (en lice pour le Prix du Gouverneur général en 2020), La course de Rose et Perles de verre, tous publiés aux éditions Hannenorak et traduits par Daniel Grenier. L'œuvre originale Glass Beads a été lauréate du prix Fiction aux Saskatchewan Book Awards (2017) et sélectionnée pour la campagne One eRead Canada (2019). Dawn Dumont y explore un autre genre littéraire, présentant son récit en plus d’une vingtaine de nouvelles. 

Perles de verre - Dawn DumontVotre écriture étant empreinte d’humour et d’intelligence, vous avez le don de soulever avec finesse divers enjeux politiques, culturels et historiques. Dans Perles de verre, vous racontez les histoires de quatre jeunes Autochtones en Saskatchewan entre 1993 et 2008. Pouvez-vous nous décrire en quoi leurs destins sont interconnectés?
Ils sont tous connectés géographiquement et en raison de leur origine, ils partagent l’histoire des Premières Nations et du colonialisme. Trois des quatre personnages principaux se connaissent au préalable, car ils proviennent de la même Première Nation et sont allés à la même école. Everett était le garçon populaire, Julie était la fille mignonne et Nellie, l’intello. Taz est arrivé du Nord et a rencontré les trois autres de manières différentes en ville, en partie par coïncidence, en partie en raison de la force des choses et de sa personnalité forte.

Ils sont aussi connectés par l’histoire – ils représentent la première génération des Premières Nations qui vit en dehors d’une réserve pour la majorité de sa vie. En effet, depuis la fin du XIXe siècle et jusque dans les années 1950, à certains endroits, plusieurs membres de Premières Nations étaient toujours prisonniers du Pass System. Ils représentent cette génération qui a enfin pu partir, explorer et revenir dans sa réserve, même si le retour fut souvent brutal.

Les perles de verre étaient étrangères à la culture des Autochtones jusqu’au XVIe siècle, alors que les Européens les utiliseront comme monnaie d’échange. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce choix de titre?
Les quatre personnages représentent les perles de verre – différentes des générations précédentes, mais aussi belles malgré les manières dont le colonialisme a changé la trajectoire de leurs vies. Je suis optimiste de nature et même si j’ai vu et vécu les politiques dévastatrices du gouvernement canadien et leur impact sur nos vies, je crois tout de même que chaque génération apprend, grandit et peut guérir. Même si nous ne sommes pas les mêmes, nous sommes encore aussi beaux et forts.

La maison est un symbole fort; y retourner ou y rester, la quitter, l’avoir « sur les bras ». Comment Nellie, Julie, Taz et Everett grandissent-ils et évoluent-ils en dehors de leur réserve?
Ils proviennent tous les quatre de familles brisées et se sont donc bâti une famille qui les représente dans la ville. Ils ont dû faire des sacrifices et oublier des parties d’eux-mêmes afin de pouvoir survivre dans leur nouvelle famille, en incluant ce membre de leur famille qui ne pourra jamais guérir.

Écrite en vingt nouvelles, cette œuvre peut se lire tel un roman. Sa chronologie est claire, mais ses thématiques d’actualité nous font voyager entre le passé, le présent, et le futur aussi bien. Quels messages ou quelle expérience espérez-vous que chaque lecteur en retire?
De regarder plus loin que les stéréotypes. J’ai récemment lu le chapitre « Les tantes » en public et beaucoup m’ont demandé pourquoi les tantes de Julie ne l’ont pas accueillie à bras ouverts. Beaucoup de gens ont vu les stéréotypes à la télévision concernant les sages et bienveillants aînés des Premières Nations, mais peu de gens réalisent que le colonialisme ainsi que le racisme internalisé et les traumatismes que ceux-ci entraînent ont brisé des liens familiaux et, dans ce cas-ci, poussé les membres de la famille de Julie à agir avec elle de manière détachée, pire que des étrangers.

La guérison est la clé, mais elle prend beaucoup de temps et ce n’est pas tout le monde qui est prêt à s’engager de cette manière. Souvent, les nouvelles générations doivent faire la paix avec tout ça. Peut-être aussi que les Canadiens non indigènes peuvent réaliser grâce à mon livre à quel point le racisme a une force destructrice. Il résulte encore en des politiques qui créent des tensions entre les membres des Premières Nations. Chaque petite blague ou commentaire, aussi banal ou insignifiant peut-il paraître, doit être confronté. Aucun racisme déguisé derrière une blague ne devrait être toléré.

Photo : © Thistledown Press

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