Vincent Parisien : Bonbonnière littéraire

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Plus que tous les autres habitants du Canada, les Québécois aiment se sucrer le bec. Il suffit de penser au sirop d’érable dont la renommée internationale n’est plus à faire, aux desserts traditionnels du temps des fêtes ou encore aux entreprises Vachon et Leclerc pour réaliser que le secret du succès est bien souvent sucré dans la Belle Province. Dans son livre Le bec sucré, Vincent Parisien trace un panorama de cette passion toute québécoise pour le sucre.

Prenant la forme d’une œuvre documentaire riche de références à la culture populaire, garnie de photos originales (signées Chuck & Twist) ou d’archives alléchantes saupoudrées de kitsch, Le bec sucré est, avant tout, un angle par lequel aborder l’histoire même du Québec. En effet, le sucre a joué un rôle déterminant dans l’évolution de la province. Il n’y a qu’à penser au traité de Paris par lequel la France cédait le Canada aux Anglais pour, entre autres, conserver Saint-Domingue où abondaient les plantations de canne à sucre.

Ayant d’abord envisagé de traiter son sujet dans une trilogie documentaire, Vincent Parisien a dû ajuster le tir pour répondre aux exigences de la collection « Bienvenue au Québec » des éditions Héliotrope, dans laquelle on retrouve entre autres les titres Maudite poutine et Sacré dépanneur. « À l’origine, l’enthousiasme nous conduisait à réaliser des dizaines d’entrevues et à compiler un dossier volumineux concernant l’histoire, si bien qu’en continuant, nous serions arrivés à plusieurs centaines de pages ». L’auteur comme les photographes ont donc dû retrancher une partie de leur matière brute pour se concentrer seulement sur quelques-uns des endroits visités et certaines des entrevues obtenues. « Eh oui! pour tout vous dire, les choix ont été déchirants! », confie celui qui fait du documentaire télévisé depuis plusieurs années (il a réalisé les séries « Les rois de la patate » et « Les saltimbanques du ring » diffusées à Historia).


Des histoires de mélasse
La mélasse, intimement associée au passé du Québec, occupe un chapitre entier de l’ouvrage. En plus d’entrer dans la composition de nombreux plats traditionnels, d’avoir donné son nom à plusieurs lieux, dont le célèbre « Faubourg à m’lasse » de Montréal, ce « sucre des pauvres » est aussi l’ingrédient principal de la tire Sainte-Catherine, que les religieuses distribuaient aux petits Amérindiens dans des visées d’évangélisation, et du pouding chômeur, qui réconfortait les ouvriers sans travail pendant la Grande Crise. Autrefois considérée comme fortifiant en raison de sa teneur en fer, la mélasse est ensuite devenue, sous la plume de pamphlétaires indépendantistes, un symbole de l’asservissement des Canadiens français. Mais pour l’auteur, la mélasse c’est aussi le goût de la tire Bélanger, son bonbon favori entre tous dans un sac d’Halloween.


Un goût d’enfance
On associe bien souvent les bonbons et autres friandises sucrées à l’enfance et Vincent Parisien admet que c’est ce qui l’a amené à aborder ce sujet : « J’avais envie de revisiter des choses qui m’ont marqué, enfant ». Le photographe Charles Boileau (Chuck) abonde aussi en ce sens en parlant de certains lieux qu’il a visités pour faire ses clichés : « C’était un peu comme faire un voyage dans le temps : les pommes dans le sucre, la barbe a papa, les slushs […]. C’était des souvenirs lointains de notre enfance ». Mais qui dit enfance ne dit pas nécessairement nostalgie. Si le regard se tourne souvent vers le passé dans Le bec sucré, c’est surtout parce que les habitudes alimentaires des Québécois ont changé et que l’on fait maintenant la guerre au sucre. Vincent Parisien précise toutefois que l’intention n’est pas de magnifier ce passé, mais de faire un album souvenir afin de « Se rappeler d’où l’on vient, pour comprendre davantage peut-être notre présent et peut-être même pour imaginer un peu où l’on va ».

Crédit photo : © Cyrille Batalla

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