En se questionnant sur les valeurs que l’on souhaite transmettre à la prochaine génération, l’autrice Sarah Poulin-Chartrand, dans son essai Nos enfants auront le dernier mot, en plus de nous faire part d’exemples issus de sa propre expérience familiale, donne la parole à différents interlocuteurs et interlocutrices qui offrent des pistes pour penser notre monde. Ce livre convie tous les membres de la famille à la discussion, pour ensuite la prolonger au-delà de la sphère intime, de sorte qu’elle puisse grandir collectivement et mener à l’action. L’éducation est ici vue sous un angle politique où tous et toutes sont amenés à participer aux échanges et à prendre conscience des défis qui nous occupent et des besoins de chacune et de chacun au sein de notre société.

Votre livre Nos enfants auront le dernier mot se présente comme un dictionnaire sur l’éducation, mais il va aussi au-delà en prenant position sur plusieurs enjeux de notre société. En observant le monde tel qu’il est aujourd’hui, quels sont les plus grands défis auxquels feront face les adultes de demain et comment pouvons-nous les outiller en conséquence?
C’est moins un ouvrage sur l’éducation qu’un livre qui nous invite à réfléchir en famille, à alimenter notre dialogue avec nos enfants. Dans ces espaces de réflexion se profilent assurément la crise climatique et quelques-unes de ses causes : surconsommation, capitalisme. La génération qui nous suit vivra durement les conséquences de notre inaction. Un autre grand défi qui guette nos enfants est le repli identitaire qu’on observe un peu partout et qui exige que nous demeurions à l’affût du respect des droits des minorités. Mais une fois qu’on a nommé ou décortiqué ces enjeux, que reste-t-il? J’avais envie d’aller plus loin et de parler, par exemple, de militantisme, de colère, de bien commun. Il faut sortir notre désir de changement de sa sphère individuelle et le présenter ainsi aux enfants, sinon la montagne est trop grosse à gravir.

Qu’est-ce que l’expérience de la parentalité vient modifier en nous?
Je pense que la parentalité nous oblige à détacher notre regard de notre nombril. Je suis devenue féministe et en général plus engagée à la naissance de mon premier garçon, et mes questionnements sur le monde que je leur léguais n’ont jamais cessé d’évoluer, parce que je pose un regard sur l’avenir qui va au-delà de mon passage ici. La parentalité m’a aussi donné un regard plus… tendre sur mes semblables. J’ai envie que mes enfants vivent dans un monde juste et bon, et si je veux être conséquente, je n’ai pas le choix de leur montrer un modèle d’adulte bienveillant (j’échoue parfois, hein! je ne suis pas une sainte…).

En s’investissant dans l’éducation des enfants, il faut souvent reconsidérer la nôtre et faire l’examen de nos propres mythes, croyances et lieux communs, ce qui n’est pas toujours une mince affaire. Par où commencer?
Ça exige une bonne dose d’humilité et, en même temps, de confiance en soi. Les nouvelles générations de parents sont bombardées de conseils, d’avis, d’informations parfois contradictoires. Se remettre en question est nécessaire, car les connaissances évoluent, mais je suis convaincue que tous les parents font du mieux qu’ils peuvent. Une famille a ses propres codes, ses intuitions, sa couleur. Il faut faire attention avec les dogmes qui nous disent qu’il n’y a qu’une seule façon d’élever son enfant.

Selon vous, quelles sont les trois qualités les plus importantes à cultiver par rapport à son rôle de parent?
Je dirais que l’écoute est l’une des plus belles qualités d’un parent. Elle se complexifie lorsque les enfants vieillissent et il faut savoir décoder leurs humeurs, leurs non-dits, etc. De la même manière, j’essaie de cultiver ma curiosité à leur égard. Je veux savoir ce qui les intéresse, ce qui leur fait peur, ce qui les fait rire, même si je roule parfois des yeux devant leurs niaiseries consommées sur YouTube. Et puisque j’aime donner la parole à mes enfants, comme je l’ai fait à quelques reprises dans le livre, je leur ai demandé de me suggérer une troisième qualité de parent. Les trois ont répondu : l’amour.

Photo : © Marie Marine Photographie

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