Immanuel Wallerstein : le système-monde entame une transition fondamentale

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Sociologue et théoricien bien connu du « système-monde », Immanuel Wallerstein dirige le centre Fernand-Braudel à l'Université de Binghamton (États-Unis). Sa contribution majeure, Le capitalisme historique, constitue une somme inégalée à ce jour. Son dernier ouvrage paru en français, L'utopistique ou les choix politiques du XXIe siècle (de l'Aube), se veut un apport au débat sur les alternatives au cours actuel du capitalisme.

Comment les dimensions économiques du phénomène de la mondialisation affectent-elles la définition actuelle du système-monde ? Quelles sont, dans ce cadre, les rivalités économiques qui s’annoncent ?

Les éléments de la soi-disant mondialisation qu’on cite régulièrement – production mondiale pour un marché mondial, libres flux financiers, pouvoirs limités des États -, ne sont pas du tout nouveaux. Soit ils ont existé depuis 500 ans, soit on désigne des phénomènes cycliques. Par contre, il existe des choses véritablement nouvelles dans l’économie-monde capitaliste qui sont très importantes et insuffisamment discutées. Premièrement, la déruralisation du monde, qui crée une tendance forte pour un accroissement de la part des salaires et le pourcentage que cette fraction représente dans la valeur nouvellement créée à l’échelle mondiale. En second lieu, l’accroissement des coûts d’intrants, à cause de la montée des coûts dus aux torts écologiques survenus à travers des siècles par l’externalisation (sic) des coûts d’entreprise. Et, finalement, la montée de la fiscalité globale, résultant de la pression qui démocratise la masse des populations en quête de santé, d’éducation et de garanties de revenus. Ensemble, ces trois réalités créent une pression forte sur les possibilités d’accumulation du capital.

Sur le plan politique, quels sont les rapports de force qui s’aménagent sur la scène internationale parallèlement au processus de mondialisation ? Comment comprendre les rôles de l’ONU et de l’OTAN dans la situation actuelle ?

Politiquement, l’acteur dominant – les États-Unis – est en déclin relatif et concentre tous ses efforts à retarder le processus. Relatif à quoi ? D’abord relatif à l’Europe qui est en train de se séparer, lentement mais sûrement, des États-Unis. Et puis, relatif au tiers-monde (Sud, monde non occidental) qui va accroître sa puissance militaire et insurrectionnelle dans les deux décennies à venir. L’OTAN ? Elle va disparaître. L’ONU ? Elle reste marginale comme acteur pour le moment, mais pas inévitablement.

Quels sont les choix politiques qui se présentent à nous ? Une alternative est-elle possible ?

Nous sommes entrés dans une ère de transition du système actuel, l’économie-monde capitaliste, à une autre, que nous ne sommes pas en mesure de définir.. Cette transition va durer 25 à 50 ans. Elle sera chaotique et difficile à vivre, même affreuse. L’issue ? Cela dépend de nous, de ce que nous faisons. Il faut penser les choix historiques avec lucidité. Il faut bâtir des alliances populaires souples et intelligentes. Il faut surtout ne pas se laisser leurrer par les fausses alternatives que vont nous offrir les classes privilégiées, des alternatives qui seraient revêtues d’une apparence progressiste.

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L’utopistique ou les choix politiques du XXIe siècle, Immanuel Wallerstein, de l’Aube
L’après-libéralisme, Immanuel Wallerstein, de l’Aube
L’histoire continue, Immanuel Wallerstein, de l’Aube

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