Si quand on vous parle méditation, vous imaginez immédiatement un moine bouddhiste en robe orange assis dans la position du lotus, détrompez-vous! Il existe bien des façons de méditer, et à travers son livre Méditer à cœur ouvert (NiL) le philosophe et sociologue Frédéric Lenoir se propose de vous accompagner dans la découverte de cette pratique ancestrale qui vise à développer son attention, et à être plus présent à soi-même et au monde. 

En Occident, la méditation a le vent en poupe. La méditation de la pleine conscience (mindfulness) notamment — pratique laïque focalisée sur le souffle et les perceptions sensorielles — compte un nombre d’adeptes toujours plus croissant. Ses bienfaits en matière de réduction du stress et de l’anxiété, maintes fois démontrés par des études scientifiques, n’y sont sans doute pas étrangers.

Mais la mindfulness vise avant tout à atteindre le calme mental, et le philosophe français Frédéric Lenoir estime qu’on peut aller bien plus loin grâce à la méditation. C’est pourquoi Méditer à cœur ouvert propose, après une instructive histoire de la méditation à travers les âges, une dizaine de méditations guidées (que l’on retrouve sur le CD inclus dans l’ouvrage) visant à développer une qualité ou un état : confiance, gratitude, amour, acceptation… « À travers la méditation, on peut concentrer toute son attention sur une chose que l’on souhaite développer. C’est ce que font les bouddhistes, qui méditent sur une qualité, et ce que faisaient les stoïciens, qui méditaient sur une sentence ou une maxime de vie », explique-t-il.

Le choix des différentes qualités sur lesquelles Frédéric Lenoir vous invite à méditer n’est pas anodin. « Ce sont celles qu’il est le plus nécessaire de développer, estime-t-il. Aujourd’hui, ce dont on a le plus besoin, c’est de guérir notre cœur, de dépasser nos difficultés à nous aimer et à aimer les autres. Méditer à cœur ouvert, c’est avoir confiance en la vie, avoir envie de grandir, de guérir, d’être plus humain. »

Méditation : mode d’emploi
C’est en Inde, à l’âge de 20 ans, que Frédéric Lenoir a été initié à la méditation par des lamas tibétains. Plus de trente-cinq ans plus tard, le philosophe français continue de pratiquer quotidiennement la méditation. « Je médite en moyenne trois à quatre fois par jour, quand je le peux, par exemple dans les transports. Pendant ces quelques minutes, parfois pas plus de deux, je n’écoute plus mes pensées. Je suis présent à mon souffle, à mon corps, je me reconnecte à mon silence intérieur », explique-t-il.

Vous l’aurez compris, il n’y a pas de position particulière à adopter lorsqu’on médite. Assis, debout, en marchant, en faisant du yoga… L’important est de se concentrer sur les sensations de son corps, notamment sur sa respiration, de ne pas chercher à arrêter le flot de ses pensées — c’est impossible — mais simplement à les laisser couler. « Méditer, c’est lâcher les pensées, les observer sans s’y attarder, comme lorsqu’on regarde défiler un paysage dans un train, commente Frédéric Lenoir. Un sport comme la natation — où l’on est complètement dans les sensations de l’eau sur le corps, du mouvement — est une forme de méditation. »

Si parvenir à cet état de calme, ce détachement vis-à-vis de vos pensées, n’est pas facile au début, une pratique régulière (car mieux vaut de courtes séances rapprochées qu’une longue séance de temps en temps) vous permettra de progresser rapidement. La méditation, comme la course à pied ou le piano, demande de l’entraînement.

Quel bénéfice retire Frédéric Lenoir de ses méditations quotidiennes? « Cela me permet de cultiver un détachement, d’observer sereinement la pensée ou l’émotion quand elle survient. La méditation m’offre un espace de liberté intérieure — non parasité par le mental ou l’ego — et me donne donc les capacités de réagir de manière appropriée aux événements. »

Exercice spirituel
La méditation n’est qu’un des exercices spirituels que proposaient les écoles de sagesse antiques à leurs adeptes, aux côtés de l’examen de conscience, de l’apprentissage des maximes de vie, de la thérapie des passions, des souvenirs de ce qui est bien… Autant d’entraînements de l’esprit qui ont été enterrés par l’avènement des grandes religions monothéistes, nous apprend Frédéric Lenoir dans un autre ouvrage, La sagesse expliquée à ceux qui la cherchent (Seuil).

Présenté sous forme d’un dialogue imaginé avec le lecteur, ce livre nous transporte auprès des grands penseurs de la sagesse : Épicure, Spinoza, Montaigne, le Bouddha… Objectif : nous accompagner dans la quête d’un bonheur durable et profond, reflet de celle de l’auteur. « La question du bonheur — ce que signifie être heureux, comment faire pour s’améliorer… — me préoccupe depuis mon adolescence », confie-t-il.

Frédéric Lenoir cite notamment le philosophe (le terme signifie littéralement « amoureux de la sagesse ») grec Épictète pour lequel une des clés de la sagesse était d’accepter l’inéluctable pour concentrer son attention sur ce qui dépend de nous. « C’est une attitude de vie, estime l’auteur. Il s’agit de changer ce qui dépend de nous quand on le peut — quitter un travail qui nous déplaît, se soigner si on est malade… — et d’accepter joyeusement, dans un vrai consentement, ce sur quoi on ne peut rien. Il vaut mieux l’accepter plutôt que d’être dans la colère et le déni, car on ajoute alors à la difficulté vécue une souffrance morale et psychologique. »

Attention toutefois : si la sagesse est un chemin d’acceptation de ce qui est, cela ne signifie pas pour autant qu’il faille être indifférent face à l’injustice ou à l’horreur. « Ne pas être impliqué émotionnellement sur une chose sur laquelle on n’a pas de prise n’empêche pas la compassion. Une distance, une forme de détachement, est nécessaire pour nous permettre de continuer à vivre, à agir, à soutenir les autres autour de nous. C’est pourquoi, par exemple, un chirurgien n’opère jamais un membre de sa famille », souligne Frédéric Lenoir.

Parvenir à ce détachement est toutefois plus facile à dire qu’à faire. L’auteur lui-même peut en attester. « Hypersensible, très empathique, j’ai dû apprendre à mettre de la distance, à travailler mes émotions. Et j’ai beaucoup changé : il y a une trentaine d’années, je pouvais me mettre dans des colères noires, ce qui n’arrive plus du tout aujourd’hui, confesse-t-il. La sagesse est un art de vivre, de jouir sereinement de la vie dans toutes les dimensions de notre être. C’est le chemin de toute une vie, mais c’est pour moi le plus beau qui soit. »


Photo : © Pascal Ito

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