Nouvelle plume dans le paysage des livres, Amélie Charron propose une vulgarisation des méthodes scientifiques policières. Loin des mythes dessinés par les séries des plus populaires, elle explique comment la rigueur, la méticulosité et la science viennent à bout des énigmes les plus coriaces. Aidée de son criminaliste de mari, cette professeure de sciences au secondaire maîtrise son sujet sur le bout des doigts – n’y voyez aucune référence au chapitre sur la dactyloscopie.

Profitant de la parution du livre Le crime, l’empreinte et la science, nous lui avons posé quelques questions par courriel.

On trouve des citations insérées au début de chaque chapitre de votre livre, des extraits tirés de Sherlock Holmes, Les rivières pourpres ou encore du Couteau sous la nuque d’Agatha Christie. Que lit une professionnelle de science? Sont-ce seulement des policiers/romans de détective?
Dans mon cas, je suis une enseignante en sciences au secondaire. En plus de mon bac en enseignement, j’ai aussi obtenu un bac en biologie, donc je me considère évidemment comme une professionnelle de science. Ainsi, au niveau du travail, je dois lire beaucoup de publications à connotation scientifique pour me tenir le plus à jour possible dans mon domaine d’activité, ce qui est aussi le cas pour mon coauteur. Mais lorsque vient le temps de se détendre, je préfère sortir du rationnel (et parfois du réel), et me diriger vers des romans d’espionnage, de fantaisie et de science-fiction. Mon coauteur et moi sommes de grands fans du « Seigneur de Anneaux » par exemple (ayant lu la plupart des livres reliés à l’histoire, comme Les Contes et légendes inachevés et le Silmarion). Et j’ai pu constater que mon coauteur, pour sa part, dévore littéralement tous les livres de science-fiction d’Isaac Asimov, pouvant même les relire en boucle avec autant de plaisir que la première fois (il doit avoir lu le « cycle de la Fondation » au moins 4 fois!)

Avez-vous déjà eu des contacts avec des auteurs de roman policiers (ou autres) vous demandant des informations sur certaines techniques ou habitudes afin d’être crédibles?
Pas vraiment. Il semble que les auteurs de romans policiers aient déjà des registres plutôt bien garnis d’information à ce sujet. Mais peut-être que notre livre deviendra un incontournable pour le romancier policier!

Quelle est l’erreur ou quel est le cliché le plus redondant, à la télé ou dans les livres, qui vous fait bondir en termes d’enquêtes policières?
Je dirais les fausses représentations scientifiques… Il arrive souvent que, pour la beauté télévisuelle, on présente au téléspectateur des méthodes scientifiques tape à l’œil, qui donnent un effet WOW! Mais au final, au niveau scientifique, il s’agit probablement de la pire façon de rechercher une preuve. Mais comme la meilleure technique présente un visuel plutôt banal, la décision est vite prise en faveur du facteur WOW. Parfois aussi, on nous explique une technique, mais ce qu’on nous montre ne fait aucun sens scientifiquement parlant. Je me souviens avoir écouté un épisode d’une série qui nous expliquait le fonctionnement d’une méthode utilisant du zinc évaporé. Ce qui était vraiment drôle, c’est lorsque l’acteur versait une poudre grise, prétendant qu’il s’agissait de zinc évaporé, alors que tout le monde sait qu’une matière évaporée est sous forme de gaz, et non de poudre… Au niveau policier, on remarque aussi qu’à la télé, les enquêteurs sont experts dans toutes les spécialités, devenant presque des hommes orchestres… Dans la vraie vie, les spécialités sont plutôt divisées en champs d’expertise qui sont très pointus. Il y a aussi la pensée magique que l’ordinateur a réponse à toutes les requêtes, et accès à toutes les bases de données du monde, ce qui n’est pas le cas dans la vraie vie.

Pourquoi souhaitiez-vous partager avec le grand public, par le biais d’un livre, les dessous des technologies liées aux enquêtes policières?
Nous sommes tous deux passionnés de science, et nous aimons expliquer et vulgariser cette information. Je considère une science non expliquée comme une sorte de magie mystique qu’on ne comprend pas. La compréhension des sciences nous permet d’avancer et d’innover. Le prétexte policier est parfait pour intéresser les gens, car plusieurs personnes veulent comprendre comment ça fonctionne dans ce milieu souvent méconnu. Il s’agissait d’une belle opportunité de rapprocher la science et la police des gens. C’est aussi une façon de montrer aux jeunes l’importance des sciences qu’ils voient à l’école pour leur métier de demain, même dans la police qui est parfois perçue comme un milieu exempt de science. En fait, il y en a énormément!

Vous citez plusieurs affaires criminelles plus ou moins anciennes, telles « l’affaire du Boucher de Saint-Eustache » de 1989 ou « l’affaire Delorme » en 1922. De toutes celles que vous connaissez, quelle est l’affaire qui vous fascine le plus?
L’affaire Delorme [Le cas d’un abbé accusé du meurtre de son frère. En dépit des nombreuses preuves à charge, il fut innocenté en raison de son poste ecclésiastique, ndlr] est vraiment intéressante, puisqu’il s’agit d’un cas qui touche la science (plusieurs techniques novatrices de criminalistique furent utilisées lors des nombreux procès de l’abbé), mais aussi l’impact du milieu socio-culturel de l’époque, qui ne permettait pas vraiment d’attaquer en justice un notable. De plus, cette affaire ayant lieu aux balbutiements de la criminalistique, les enquêteurs ont dû innover afin de récupérer de la preuve solide et démontrable scientifiquement. 

Après cet ouvrage de vulgarisation, comptez-vous écrire de la fiction policière, ensemble ou non? Sinon, un autre projet d’écriture à quatre mains est-il en route?
Ce n’est pas dans les cartons pour l’instant, mais nous avons bien apprécié l’écriture à quatre mains. Peut-être envisagerons-nous une telle aventure suivant l’intérêt qu’aura suscité cette expérience de vulgarisation.

 

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