Paul Bordeleau a relevé le défi de transposer avec brio du 6e au 9e art une pièce de Fabien Cloutier. Pour réussir un poulet, œuvre sombre d’une violence muette constante, avec néanmoins ses éclats de lumière, est un texte où les rires au quotidien prennent pourtant le dessus — car sans l’humour, la vulnérabilité de chacun serait invivable. C’est donc l’histoire de deux gars qui acceptent une jobine sans se douter que celle-ci les mènera là où ils n’avaient vraiment pas envie de mettre les pieds. Tout de bleu dessinée, cette BD est un tour de force d’adaptation, une plongée dans un univers qui n’a besoin, au final, que de beaucoup de douceur.

Pourquoi avoir choisi de transposer cette pièce de théâtre en bande dessinée? Qu’est-ce que ce nouveau format apporte au texte?
Je voulais parler des gens qui n’ont pas toujours la vie facile, les plus vulnérables. Dans mes lectures, je suis tombé sur Pour réussir un poulet, ça m’a fait un électrochoc. Tout ce que je cherchais était là, et avec une finale coup-de-poing. J’ai été inspiré tout de suite. Je savais qu’un défi m’attendait, de passer du format théâtre à celui de BD. Le décor de la pièce, créé par Maude Audet, était très dépouillé : une scène en bois teint en jaune et trois chaises jaunes. De son côté, la version BD amène les personnages dans Saint-Roch, sur le boulevard Sainte-Anne et même dans le spa de Mario Vaillancourt!

Quel a été le plus grand défi de ce projet pour l’illustrateur que vous êtes?
Le découpage! Il a été le moment le plus crucial, car je tenais à garder la totalité des dialogues de la pièce. Fabien Cloutier possède un langage si fort, si coloré, incisif! Le caractère des personnages se devait d’être respecté. J’ai donc fait en sorte qu’ils soient aussi expressifs que les comédiens. J’ai aussi repris le concept de la chaise, elle revient tout le long de l’album, qui est un symbole très fort. Le livre a été découpé en actes, comme la pièce. Je voulais garder l’aspect théâtral, je lui ai même donné l’appellation « théâtre graphique », vous comprendrez quand vous lirez la finale du livre.

Quel passage avez-vous eu le plus de plaisir à travailler? Pourquoi?
Il y en a plusieurs, mais la scène du souper d’huîtres a été très drôle à dessiner. J’ai bien rigolé en esquissant le visage de Carl, dégoûté par l’odeur des mollusques trônant devant lui et observant avec dédain Steven et Mélissa qui, eux, se délectent. Fabien m’a donné carte blanche et a été très généreux tout au long de la conception du livre; j’ai donc pu dessiner les scènes comme je les imaginais. Un bon exemple est le passage du salon mortuaire qui devient, dans la BD, presque une scène d’action!

Photo : © Maison de la littérature

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