Avec ses dessins à l’encre et à l’aquarelle, accompagnés d’une touche de crayon de bois, Marianne Dubuc possède depuis plusieurs années déjà sa signature graphique bien à elle. Un ourson mignon, une tortue souriante, un lièvre aux joues rosies : oui, on reconnaît là son univers aux tons doux. Mais cette fois, c’est par la lorgnette d’une bande dessinée pour tout-petits, plutôt que de l’album, qu’elle nous invite à visiter la forêt et les animaux qu’elle abrite.

L’histoire de Chacun son tour! met en scène Tortue, Lièvre, Souris et Ours qui trouvent un œuf dans la forêt. Chacun à leur tour, ils en prendront soin en le réchauffant, l’endormant, le nourrissant, l’amusant. Une histoire qui démontre que tous possèdent des forces — le petit oiseau éclos inclus! — et que l’entraide et l’amitié sont des choses bien précieuses.

Le ton, les thèmes et le traitement de cette BD sont dans le même esprit que vos précédents livres. Qu’est-ce que le médium de la bande dessinée apporte à l’histoire que vous souhaitiez raconter que l’album ne permettait pas?
J’aurais pu raconter cette histoire en album, mais j’avais envie d’utiliser les dialogues, et de découper l’histoire en plusieurs images. Mes albums habituels comptent déjà beaucoup de pages parce que j’utilise naturellement les illustrations pour raconter, plutôt que le texte. Pour raconter une histoire, je dois donc découper le récit et parfois me limiter, sinon mes livres seraient beaucoup trop coûteux à imprimer. Avec le format BD, j’ai pu m’en donner à cœur joie, et découper l’action tant que je le souhaitais (ou presque).

Près de la moitié des pages de votre BD sont des planches pleines (magnifiques, d’ailleurs!), ce qui fait de Chacun son tour! une BD idéale pour passer de l’album au 9e art sans trop de dépaysement pour le lecteur. Était-ce également le cas pour l’artiste derrière le projet?
Dès le départ, je me suis dit que je ferais une BD pour les jeunes lecteurs. D’un côté, c’est mon public habituel, mais d’un autre, ça me permettait de m’essayer à la BD en douceur. Et j’aime beaucoup les pleines pages dans les BD en tant que lectrice, c’était donc naturel de le faire dans mon livre aussi.

Pourquoi aimez-vous tant dessiner des animaux, les mettre en scène?
Il y a plusieurs raisons. La première étant que je préfère dessiner les animaux que les humains. Ils ont de grandes oreilles, une carapace, du poil, des plumes, sont très gros, ou minuscules… J’aime la variété. Utiliser les animaux me permet aussi une certaine neutralité (de genre, de culture, etc.), ce que j’apprécie beaucoup pour que chaque lecteur puisse s’identifier au personnage de son choix. Mais LA raison pour laquelle je dessine principalement des animaux dans mes livres est probablement parce que je suis née dans les années 1980, à Montréal, et qu’à cette époque TOUTES les émissions pour enfants étaient peuplées de personnages anthropomorphiques. Des animaux qui se comportaient comme des humains. Je pense que mon imaginaire s’est peuplé de ces castors à salopette, de ces chiens mousquetaires, de cet ours qui aime les sandwichs à la marmelade et de ce roi éléphant. J’avoue que j’ai aussi un faible pour les fables de La Fontaine ou celles d’Ésope, et ce, depuis que je suis toute petite. Voilà donc pourquoi mes livres sont pleins d’animaux!

Ici, je m’adresse à l’éditrice d’Album plutôt qu’à l’illustratrice. Au Québec, les bandes dessinées jeunesse sont de plus en plus nombreuses, mais ne sont pas encore légion. Pensez-vous que cette BD trouvera son lecteur aussi facilement que vos albums?
Cette BD est dans la même lignée que mes albums. On y retrouve mes thèmes habituels, mes personnages, etc. Je pense donc que les lecteurs vont s’y retrouver, et pourront découvrir une nouvelle façon de vivre mes histoires avec le format BD. L’étiquette jeunesse ne me pose aucun problème, puisque c’est mon public habituel (les 3-8 ans). J’ai écrit cette BD en ayant en tête que je voulais qu’elle soit accessible pour eux. Je trouvais chouette de pouvoir leur offrir une bande dessinée qu’ils peuvent lire seuls, mais qu’ils peuvent aussi lire à leur petit frère ou petite sœur, ou encore se faire lire par leurs parents. J’aime aussi explorer les façons de raconter une histoire. En album, en « histoire dont vous êtes le héros », sans texte, et, comme cette fois-ci, en bande dessinée. Je me trouve chanceuse que mon public me suive dans mes expériences!

Photo : © Mathieu Lavoie
Extraits tirés de Chacun son tour! (Album) : © Marianne Dubuc

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