Le Québec se livre: le Gatineau d’Iris Boudreau

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C’est l’histoire de Justine, une orpheline qui débarque dans une ville anonyme parmi les zonards et les paumés. C’est aussi l’histoire d’Iris, son illustratrice originaire de Hull, qui invente des villes fantômes inspirées d’un univers qu’elle connaît bien, celui de Pointe-Gatineau.

Dans Justine, une jeune fille ordinaire partage sa vie entre Manon, sa coloc paraplégique, Guillaume, un garçon lunatique au grand cœur et son patron, un petit escroc amateur d’Elvis. Bien que ce ne soit jamais mentionné dans les pages de ce récit troublant, l’action de Justine se déroule à Gatineau, dont on peut reconnaître certains lieux et commerces sous le trait de crayon d’Iris Boudreau.

«J’ai vécu et travaillé dans cette ville et je serais mal à l’aise de parler de ce que j’ignore. J’avais envie de dépeindre un univers et des lieux que je connaissais. C’est un quartier assez défavorisé, dans lequel les taudis et les piqueries avoisinent des maisons habitées par des gens bien ordinaires, de classe moyenne…»

Pour dessiner les décors de Justine, Iris a pris des centaines de photos de Pointe-Gatineau : «Je n’avais jamais réalisé cela, mais sur pratiquement toutes les photos, il n’y a pas d’âme qui vive et aucune voiture n’y circule. Et pourtant, Gatineau, ça fait quand même 200 000 habitants ! Ça peut te donner une idée de l’ambiance!» plaisante-t-elle.

Selon la talentueuse illustratrice, il s’agissait d’un lieu idéal pour mettre en scène son album. «Comme mes histoires sont ancrées dans le quotidien, c’était pertinent que le récit se situe dans un secteur trash de la banlieue. J’aime beaucoup travailler les personnages et ce genre de quartier abrite une faune assez variée, des gens très « typés »», explique-t-elle.

Comme de nombreux artistes, la hulloise d’origine a fait le grand saut vers la métropole il y a quelques années. «Déménager à Montréal, sur le coup ça a été un échec pour moi. Toutes sortes de circonstances m’ont menées à quitter. Pourtant, à une certaine époque, mon copain et moi tenions à demeurer à Gatineau coûte que coûte, même si tout le monde partait. On était jeunes et idéalistes: on se disait qu’il était possible de changer les choses, développer la vie culturelle de la ville, créer des événements, s’impliquer dans le quartier, etc.», se rappelle la bédéiste qui, en fin de compte heureuse de sa décision, a également logé quelques temps à Paris où elle a signé un contrat avec un éditeur français.

Iris croit tout de même qu’il est possible de vivre de la BD en région : «On est peut-être moins en contact avec d’autres auteurs, ce qui limite la possibilité de se créer un réseau non-virtuel, mais pour ce qui est du travail et des éditeurs, ça revient au même. Je pourrais habiter au pôle Nord et, si j’avais Internet, tout serait OK!»

(Lire la suite du dossier Le Québec se livre dans le numéro 63 du Libraire)

Bibliographie :
Justine, Iris, La Pastèque, 98 p., 24,95$

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