On vous en parle souvent, de cette Julie Rocheleau. Mais c’est qu’elle est l’étoile montante de la nouvelle garde féminine en bande dessinée. Celle qui a fait ses armes dans le milieu du dessin animé a été maintes fois primée pour son travail avec le 9e art, que ce soit pour La fille invisible, sa série « La colère de Fantômas » ou encore son récent Betty Boob. On lui doit également l’adaptation du roman de Claude Jasmin, La Petite Patrie, en BD, ainsi que les illustrations du roman jeunesse Tommy l’enfant-loup, de Samuel Archibald. Avec un don certain, Rocheleau sait raconter une histoire grâce à ses crayons et pinceaux. Petite incursion dans son univers.

Cet été, vos œuvres étaient exposées au Musée d’art contemporain de Lyon. Parlez-nous de cette expérience.
Le projet impliquait d’exposer une cinquantaine d’illustrations et planches de BD originales, plus la création d’une œuvre in situ, soit une fresque de quatre mètres sur cinq. Le résultat illustre une femme gigantesque en tenue de plongée faisant des acrobaties en vélo parmi les poissons. Ça s’intitule Scaphandrier à cheval.

J’ai aussi réalisé une installation-jeu autour de Betty Boob, ma dernière BD parue, et pour finir nous avons aménagé un salon de lecture dans la salle avec des ouvrages choisis. Bref : beaucoup à faire. Le directeur d’expo et l’équipe technique étaient sensationnels, tout était fait avec grand soin et bon goût. C’était une expérience unique et, par les nouvelles que j’ai reçues, les visiteurs semblent avoir bien apprécié!

Pour la coopérative Les libraires, vous terminez un mandat d’illustratrice de saison avec l’illustration de la présente couverture de la revue Les libraires. De plus, vous avez cette année remporté le Prix des libraires. Pourquoi les libraires indépendants sont-ils importants pour vous en tant que bédéiste?
Les libraires indépendants sont des experts et des passionnés avec un savoir et des goûts propres à chacun. Ce sont eux qui savent marier les bons lecteurs avec les bons livres, et faire en sorte que chaque auteur puisse atteindre son public, quel qu’il soit.

Vous avez illustré une série d’œuvres mettant en scène des musiciens et votre BD Betty Boob évolue dans le monde, musical et dansant, du burlesque. En quoi l’univers de la musique vous inspire-t-il?
Je ne suis pas musicienne et je ne sais pas danser. Par contre, j’aime le rythme, le mouvement, l’expression des corps, des formes, des couleurs. Le dessin est juste une autre façon de saisir tout cela. D’ailleurs, beaucoup de gens qui font de la BD sont également musiciens.

Dans quel état devez-vous être pour créer? Avez-vous des manies particulières?
Rien de spécial, vraiment. Ça n’a rien de magique : il faut juste s’asseoir tous les jours à la table à dessin et travailler. Il y a des bons et des mauvais jours, comme pour n’importe quel métier.

On parle pour parler. Quelles œuvres classiques aimeriez-vous avoir la chance d’adapter en bande dessinée?
Beaucoup d’œuvres littéraires m’ont marquée, mais je ne saurais pas forcément en faire une bonne adaptation BD. Il faut que l’œuvre y gagne quelque chose. Mais puisqu’« on parle », je pense à quelque chose de J. D. Salinger, ou Réjean Ducharme, ou Italo Calvino. Ou alors un western.

Qu’appréciez-vous le plus d’un travail de collaboration avec un scénariste?
Ça fait évoluer en tant qu’artiste, mais aussi en tant que personne, comme tout bon travail d’équipe.

Que trouvez-vous le plus difficile dans votre travail?
Certains clients ou collaborateurs mal informés ou carrément malhonnêtes. Garder une bonne posture pour éviter les maux de dos et de poignet. Rester pertinente et éviter de se répéter. Trouver du temps pour faire une pause.

Vous avez illustré la série « La colère de Fantômas », grand classique de littérature policière française des années 30. Comment êtes-vous arrivée à créer un univers unique pour cette adaptation, alors que cette œuvre a été maintes fois adaptée?
Étape numéro 1 : ne pas trop regarder les autres adaptations.
Étape numéro 2 : autant que possible, faire ce qu’on a envie de faire et, surtout, y trouver du plaisir.
Ça peut sembler simple, mais c’est parfois assez compliqué.

Vous êtes issue du milieu du dessin animé. Quelle différence y a-t-il pour vous entre le travail sur une BD et celui pour le dessin animé?
Ce sont deux langages différents, bien que certaines notions se rejoignent : le rythme, le cadrage, la mise en scène… Pour faire vraiment très court, disons qu’un cinéaste peut contrôler précisément le rythme de défilement, la longueur des plans, la trame sonore, etc., alors que le dessinateur doit plutôt proposer, suggérer ou représenter de façon abstraite des choses comme le mouvement, la durée ou le son, et le lecteur complète le tableau dans sa tête.

Quand avez-vous su que votre métier serait celui d’illustratrice?
Je crois que j’ai toujours su que le dessin deviendrait mon métier. J’ai commencé en dessin animé à 20 ans pour me tourner ensuite vers la bande dessinée à l’aube de la trentaine, et j’ai toujours fait un peu d’illustration à travers ces projets de plus longue haleine.

Photo : © Christophe Forget

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