Jean-Philippe Morin : La parentalité, mieux vaut en rire qu’en pleurer

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Toutes les étoiles étaient alignées pour qu’enfin se déploie le projet qui faisait envie depuis longtemps aux artistes Lapuss’ et Jean-Philippe Morin. Ils se sont connus il y a plus de dix ans sur un forum de bédéistes, deux passionnés du 9e art à la recherche d’autres fous de la BD. Ainsi, bien que l’un soit en Belgique et l’autre au Québec, et qu’ils n’aient jamais encore eu l’occasion de se rencontrer en personne, ils ont réussi à réaliser et à publier le premier tome d’une série appelée « La tribu ».

C’est la maison Michel Quintin qui assure le travail d’édition de ce Portrait de famille, titre du premier opus. Rejoint par téléphone, l’illustrateur québécois Jean-Philippe Morin nous parle de l’histoire de cette bande dessinée qui met en scène les péripéties d’une petite fille espiègle et de ses parents empreints d’une touchante naïveté.

Lapuss’ avait déjà écrit et dessiné quelques pages de l’univers de « La tribu » qui servaient entre autres à alimenter sa page Facebook. L’illustrateur Jean-Philippe Morin a rapidement été séduit par le concept puisqu’il est aussi le fier paternel de petites filles. Morin demande alors à Lapuss’ s’il serait intéressé à une collaboration. Il n’en fallait pas plus pour que le duo belgo-québécois se mette au travail. Morin récupère le rôle du dessinateur tandis que Lapuss’ se concentre sur le scénario.

Le dessin de la fillette d’environ 6 ans est basé sur le portrait de Luna, la propre fille du scénariste Lapuss’. Quant au père, il est un amalgame des deux bédéistes, grand et cheveux très courts comme Lapuss, long nez comme Morin.

La bande dessinée Portrait de famille est présentée comme un tome 1, c’est donc dire qu’il y aura une suite. La commande est faite de la part de l’éditeur pour un deuxième tome, les autres albums éventuels dépendront de la réception des premiers. « On sait toujours quand on commence une nouvelle série de bandes dessinées, mais on ne sait jamais combien de temps elle va durer. En tout cas, l’inspiration est bien présente et ce ne serait pas un problème d’en faire plusieurs », avoue le papa expérimenté. Chaque script fait une demi-page et s’inspire des scènes de la vie quotidienne d’une famille on ne peut plus normale. Du haut de ses trois pommes, la fillette est très habile à faire damner ses pauvres parents. Rien de nouveau sous le soleil, mais comme ça fait du bien de constater que nous ne sommes pas seuls!

La réalité du métier
Ce qui amène Jean-Philippe Morin vers la bande dessinée c’est évidemment l’amour du dessin et surtout l’envie de raconter une histoire. « C’est le côté narratif de la chose qui en fait me plaît beaucoup. » Mais comme le métier d’illustrateur de bande dessinée en est un « à risque » pour reprendre l’expression de Morin lui-même, les voies envisagées doivent être plurielles. C’est pourquoi certains projets personnels qui lui tiennent à cœur doivent être mis de côté pour prioriser un contrat qui arrive et qui amène du beurre sur le pain. Il doit également diversifier ses offres. En plus de remplir des contrats d’illustrations, Morin a travaillé en dessin animé, ce qui s’est d’ailleurs avéré une grande école. Pendant les années où il s’est trouvé dans le milieu, il a connu beaucoup de choses qu’il n’avait pas eu l’occasion d’apprendre dans ses cours plus classiques en communication graphique et en arts plastiques. Malgré cet apport inestimable, il délaisse l’animation et préfère retourner à ses planches à dessin. L’envergure des projets d’animation nécessite un travail avec plusieurs intermédiaires, ce qui réduit considérablement l’espace de liberté. Reste qu’il estime beaucoup cette expérience.

 

Comme dans à peu près tous les domaines, celui de la bande dessinée a également beaucoup évolué. « Il y a des avantages avec Internet. On peut ouvrir la porte à plusieurs collaborations qui n’auraient peut-être pas été possibles il y a quelques années. » Et c’est ce qui plaît à Jean-Philippe Morin puisque le métier de bédéiste est en soi plutôt solitaire. Collaborer avec d’autres artistes, à part le fait que deux têtes valent mieux qu’une, donne l’avantage de l’échange et de la confrérie. « Quand j’ai commencé mes premiers pas dans le domaine, j’imaginais faire une seule série pour toujours. Faire mon Lucky Lucke, faire mon Astérix, et penser que c’est ce personnage et cette série-là que je dessinerais pour le restant de ma vie. » Mais les choses n’ont pas tourné ainsi. Non seulement les longues séries d’albums, éditorialement parlant, sont de plus en plus rares, mais Morin trouve en fin de compte beaucoup de plaisir à varier les projets. Et parlant de projets, ce n’est pas ce qui manque au bédéiste. « J’ai probablement plus de projets que j’ai de disponibilité, mais j’ai envie de tous les faire. Évidemment, des choix déchirants vont devoir être faits, chaque nouvel album prend tellement de temps et de travail. »

Question inspiration, il apprécie beaucoup le travail de style cartoon de Tébo, un bédéiste français qui a fait entre autres la série « Captain Biceps » avec Zep et qui fera paraître le 30 novembre prochain chez Glénat La jeunesse de Mickey, dans lequel il reprend le célèbre personnage avec beaucoup d’expression. « J’aime évidemment beaucoup Marc et Maryse (Delaf et Dubuc), ceux qui ont fait « Les Nombrils », deux auteurs d’ici qui sont d’une gentillesse incroyable et qui sont un exemple de professionnalisme au niveau du détail et de la création. » Il est toujours bon de regarder le travail des pairs, mais une autre façon de développer son travail est de parler avec son public. Jean-Philippe Morin adore sortir de son atelier pour aller à la rencontre des lecteurs. Comme jusqu’à maintenant il a publié surtout dans des maisons européennes, il est content cette fois-ci d’être des éditions québécoises Michel Quintin, qu’il qualifie de « dynamiques, passionnées et réactives ». Cela l’amènera probablement à être présent à quelques salons du livre. « Aller rencontrer les lecteurs, c’est la meilleure façon d’avoir le pouls, leurs impressions, de voir ce qu’ils aiment et ce qu’ils aiment moins, d’apporter de nouvelles idées ou des petits changements qui pourraient être appropriés. »

Les bienfaits du rire
L’humour reste l’approche favorite de Jean-Philippe Morin. « J’aime beaucoup le réalisme, mais si je m’essayais, je ne pense pas que ça donnerait un très bon résultat! Il faut reconnaître ses forces et ses faiblesses », dit-il humblement. Et Morin a le cœur jeune. « J’ai le désir de me rapprocher un peu plus de la bande dessinée jeunesse parce qu’étrangement, malgré mon âge, c’est ce qui m’attire beaucoup, me fait rigoler, m’allume. Et les jeunes lecteurs sont tellement spontanés, francs, rafraîchissants qu’on ne se tanne jamais de les rencontrer. »

Pour la suite des choses, Jean-Philippe Morin se penchera sur le quatrième tome de l’« Apprenti sorcier des ténèbres » (A.S.T.) qu’il publie avec le bédéiste Ced chez Sarbacane, une maison parisienne. Et il se mettra au deuxième tome de « La tribu », une série où tous les parents de la Terre se reconnaîtront, car les embarras provoqués par notre chère descendance en apparence angélique sont universels. Cette BD est aussi parfaite pour offrir à de nouveaux parents en guise de clin d’œil à ce qui les attend!

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