L’illustratrice et designer graphique Delphie Côté-Lacroix, qui a illustré notamment l’album jeunesse Florence et Léon de Simon Boulerice (Québec Amérique), signe les dessins du roman graphique Jack et le temps perdu (XYZ), écrit par Stéphanie Lapointe. Cette touchante œuvre raconte l’histoire de Jack, un pêcheur qui cherche une baleine grise qui s’est emparée de son fils. Seul et désespéré, il sombre peu à peu au fil de sa quête douloureuse, obsédé par la perte de son fils. Les illustrations de Delphie Côté-Lacroix témoignent avec finesse de la fragilité et de la solitude du personnage.

Vous avez illustré le roman graphique Jack et le temps perdu. Comment avez-vous trouvé cette expérience?
C’est vraiment stimulant d’ouvrir un fichier texte et que tout soit à construire, visuellement. Stéphanie et moi, on s’est entendues rapidement sur le ton et j’ai eu une belle liberté dans l’interprétation. Après, c’est certain que dans un projet de longue haleine comme ça, je passe par toute la gamme d’émotions. Autant certaines pages peuvent couler super bien, autant d’autres me donnent du fil à retordre — mais en fin de compte, on a un résultat tangible dans les mains et c’est vraiment satisfaisant.

Que vouliez-vous mettre de l’avant par le biais de vos illustrations dans Jack et le temps perdu?
Je voulais créer un deuxième niveau de lecture au texte de Stéphanie. Rendre attachant ce Jack pourtant amer. Offrir un regard sensible, empathique envers les épreuves qu’il traverse, tout en exposant cette noirceur qu’il a inévitablement accentuée en choisissant de rester en mer. Je trouve ça intéressant, une histoire avec un antihéros comme Jack. Ça nous rappelle notre fragilité à nous tous, et avec un peu de chance, ça nous permet d’avoir davantage de compassion envers ceux qui souffrent.

Qu’est-ce qui vous a le plus plu dans l’histoire de Florence et Léon que vous avez aussi illustrée?
J’ai beaucoup aimé le ton avec lequel Simon a abordé les différences — non pas comme des handicaps, mais comme des petites parties de notre histoire qui forgent notre caractère et notre unicité, et qui peuvent ultimement être une source de connexion.

Est-ce un grand défi que de mettre en images les mots de quelqu’un d’autre?
Ça doit dépendre beaucoup de la personnalité et des attentes de l’auteur. Dans mon cas, j’ai été très chanceuse dans la confiance et la liberté qui m’ont été données. C’est certain que quand tu reçois un texte, c’est un peu comme un cadeau. L’auteur te confie quelque chose de précieux et c’est à toi de l’interpréter, de te l’approprier, tout en honorant l’intention de l’auteur et du projet. Quand on te contacte parce qu’on aime déjà ton travail, ça se passe habituellement bien.

Quel rapport entretenez-vous avec le matériel avec lequel vous dessinez?
En ce moment, je n’utilise que mon ordinateur, ma tablette graphique et mon iPad (Photoshop et l’application Procreate). Avant, j’utilisais aquarelle, crayons de bois et graphite, mais aujourd’hui, avec les brushs numériques offertes, on peut obtenir des textures assez réalistes, et ça m’apporte beaucoup de liberté. J’aime pouvoir revenir en arrière, jouer avec les teintes et la composition après coup. Ça me permet aussi une plus grande mobilité, les crayons, papier, peinture, scanner, ça se transporte moins bien, disons!

Vous illustrez notamment des livres pour enfants. En lisez-vous beaucoup? Lesquels sont vos favoris?
Je n’ai pas de collection personnelle, mais j’adore explorer les livres que possèdent les enfants des amis que je visite. J’aime aussi beaucoup flâner dans la section jeunesse de la bibliothèque. Parmi mes favoris ces temps-ci : Le facteur de l’espace de Guillaume Perreault (il me fait beaucoup penser au Petit Prince, dans ses aventures spatiales). Sinon n’importe quoi fait par Isabelle Arsenault, ses illustrations sont sublimes.

Avez-vous une autre grande passion que l’illustration?
J’adore les plantes. J’ai une minijungle dans mon appartement, et je cultive un petit potager de balcon durant l’été. En fait, j’adore la nature et le plein air, alors c’est probablement ma façon d’en avoir un peu avec moi, même en ville.

Photo : © Julie Artacho

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