La mémoire est multiple, complexe, étrange, fascinante. Mémoire olfactive, affective, infidèle, mémoire courte, sélective, collective, puis oublieuse. Parfois involontaire, elle rappelle à nous des moments qu’on préférerait chasser, tandis que le regard amoureux de l’être aimé disparu, qu’on voudrait tant retenir, s’efface, lui, de jour en jour. Les souvenirs, bons ou mauvais, friables ou impérissables, se rappellent à nous souvent sans crier gare, et contribuent à épaissir le mystère des chemins tortueux de la mémoire. Elle qui fait rager l’étudiant qui peine à retenir ses leçons, elle qui range dans un coin interdit les images insupportables, elle qui part et revient au gré du vent, qui ramène l’odeur d’une fleur particulière et qui nous fait retourner vingt ans en arrière, le coeur gonflé et le sourire aux lèvres.

Dans ce dossier

Liane Moriarty : Souvenirs effacés

Si vous pouviez effacer de votre mémoire les dix dernières années, le feriez-vous? La romancière australienne Liane Moriarty ne va pas laisser le choix à l’héroïne de son dernier livre, À la recherche d’Alice Love (Albin Michel). Alice va perdre d’un coup tout souvenir de sa trentaine et constater avec stupeur qu’elle ne se reconnaît pas, mais alors pas du tout, dans la personne qu’elle est devenue. Son objectif dès lors : tenter, coûte que coûte, de ressusciter ses rêves de bonheur.

Éléonore Goldberg : Revisiter ses maisons

Dans Maisons fauves (Triptyque) — premier roman d’Éléonore Goldberg —, Macha revisite ses souvenirs et se remémore les lieux qu’elle a habités au cours de sa vie, que ce soit les maisons de Vineuil et de Kinshasa, l’appartement de Paris, la maison en Normandie ou à Orléans, puis l’appartement bancal à Montréal. Ses souvenirs, qui se déroulent entre le Zaïre, le Congo, la France et Montréal, la forgent, témoignent de son histoire et lui permettent de se retrouver.

Jean-François Beauchemin : Puiser dans la mémoire

L’écrivain Jean-François Beauchemin livre une œuvre méditative, poétique et sensible qui explore notamment l’enfance, les souvenirs, l’existence humaine ainsi que la beauté et la complexité du monde. Parmi ces titres marquants, nommons Le jour des corneilles, La fabrication de l’aube, Une enfance mal fermée, Garage Molinari, Les choses terrestres, Cette année s’envole ma jeunesse, Le temps qui m’est donné et Quelques pas dans l’éternité. Il décrit son dernier livre, Archives de la joie, comme « une sorte de bestiaire de la mémoire ». On a donc voulu connaître ses réflexions à propos du thème de la mémoire dans son œuvre.

Palingénésie et rémanence : Paul Auster dans les dédales de la contingence

Si le très célébré septuagénaire new-yorkais a récemment publié un roman mettant en scène quatre vies potentielles pour une seule et même personne (4321, Actes Sud/Leméac), cela n’est certes pas le fruit du hasard, un mot que par ailleurs il abhorre, mais bien plutôt la démonstration romanesque de ce qu’il conviendrait peut-être d’appeler une philosophie, à savoir la mise en évidence de l’infini des possibilités offertes par la vie elle-même au premier venu, lequel par contre se doit toujours de composer avec un ensemble de données primordiales qui n’ont quant à elles rien d’évident. 

Les souvenirs de l’enfance : Le pays perdu

Fantasque ou discrète, difficile ou tranquille, l’enfance fait partie des souvenirs les plus entêtés qui soient.