Les fruits de l’été

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L'été mérite mieux qu'un statut de saison frivole. On le sous-estime si on le réduit à un temps de lectures épidermiques, de coups de cœur syncopés, de bouquins qui conservent dans leurs pages grinçantes le sable des plages. Certes, l'été permet toutes ces détentes, mais il préférerait nous conduire aux portes des mois fébriles avec un bagage de projets, de résolutions, de questions. Rien ne l'oblige, en tout cas, à imiter l'exemple de la «semaine de lecture» qui s'est évaporée en «semaine de relâche» et des «journées pédagogiques» dépréciées en «congés pédagogiques». Vérifions les fruits de notre été.

Si l’on a été un peu ou beaucoup touriste, le désir s’est précisé de découvrir d’autres décors ou des éclairages plus pénétrants d’univers familiers. Pourquoi, dès lors, ne pas planifier pour l’an prochain Le Tour du Lac en 21 jours? On saura, en mettant sa roue dans celle d’auteurs cultivés, rieurs, vidés de frénésie, où arrêter, qui rencontrer, quels colloques de camionneurs éviter. Si l’Abitibi a secoué l’imaginaire, on préparera la visite de l’été prochain en lisant Sauvages de Louis Hamelin, en affrontant le tumultueux Matin de guerre de Marcel Saucier, que préface le compère en tumulte Richard Desjardins, ou en vivant les mêmes peurs qu’Yves Beauchemin dans Une nuit à l’hôtel. Si la Côte-de-Beaupré est devenue routinière, pourquoi ne pas en préparer la redécouverte par L’Art sacré en Amérique française? Prolonger l’été en étoffant ce dont il a donné le goût, cela dispense de compter les jours qui séparent des prochaines vacances!

Changeons de registre. L’été, surtout quand l’actualité le surchauffe, impose souvent une humilité désagréable. La chronique parle des Palestiniens dont on ignore tout, du Liban dont on oublie les cèdres et les Phéniciens, d’un Bagdad dont Harun Al-Rachid fuirait les nuits, d’un Iran qui a cessé d’être la Perse il y a moins de cent ans, d’un G-7 (8?) dont les dîners comprennent, on ne sait pourquoi, dix personnes. Si, tout en bronzant idiot, on n’a pas aimé le défilé énigmatique de nouvelles inintelligibles, l’heure est peut-être venue d’une mise à jour sans laquelle le prochain été nous trouvera aussi légumineux.
Les Palestiniens, Genèse d’une nation présente un historique qui, bien sûr, s’est un peu empoussiéré; il demeure cependant fondamental. Le classique Exodus (épuisé), toujours prenant, toujours partial, ressuscite l’époque où les terroristes israéliens portaient le doux nom de « combattants de la liberté ». On s’y fait rappeler le rôle du Canada dans la naissance de ce pays. De même, quiconque s’étonne de l’intrusion israélienne au Liban remédiera à l’amnésie en lisant un livre-reportage pourtant récent déjà cité : On les disait terroristes sous l’occupation du Liban-Sud. Quant à ceux qui ne connaissent de Lawrence d’Arabie que ses traits cinématographiques, le classique Les Sept piliers de la sagesse rappellera les promesses faites jadis aux Kurdes par l’Angleterre et qui, faute d’avoir été tenues,
compliquent toujours la politique de la Turquie, de l’Iran, de l’Iraq…

Prolonger l’été, c’est en tirer un farouche besoin de comprendre.

Bibliographie :
Matin de guerre , Marcel Saucier, Les 400 coups, 96 p., 27,50$
L’Art sacré en Amérique française, Madeleine Landry et Robert Derome, Septentrion,
208 p., 59,95$
Sauvages, Louis Hamelin, Boréal, 296 p., 18,50$
Les Dessous d’Asbestos, Suzanne Clavette, PUL, 594 p., 40$
Le Tour du Lac en 21 jours, Danielle Dubé et Yvon Paré, XYZ éditeur, 248 p., 20$
Une nuit à l’hôtel, Yves Beauchemin, Québec Amérique, 176 p., 17,95$
On les disait terroristes sous l’occupation du Liban-Sud, Josée Lambert, Sémaphore, 188 p., 35$
Les Sept piliers de la sagesse, T.H. Lawrence, Folio, 944 p., 22,95$
Les Palestiniens. Genèse d’une nation, Xavier Baron, Points/Histoire, 832 p., 24,95$

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