Le Québec et la guerre

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Pendant que les É.-U. inventent la guerre préventive et la guerre éternelle, le Canada et le Québec maintiennent en matière militaire leurs durables divergences. Seule change la stratégie visant à réduire les réticences québécoises. Là où la conscription imposait au Québec la décision arrêtée ailleurs, la manipulation et les relations publiques ont pris la relève.

Un classique rappelle la thèse québécoise: La Crise de la conscription d’André Laurendeau.
Y défilent des personnages comme Jean Drapeau et Michel Chartrand, que rapprochait leur opposition à l’embrigadement. Un autre classique, Nos soldats – L’histoire militaire du Canada de 1604 à nos jours de George F. Stanley, reconnaît en trois lignes la différence entre l’opinion québécoise et le choix canadien avant de conclure: «Par conséquent, il appartient au gouvernement d’agir avec prudence pour éviter un réveil des rancunes de 1917» (p. 312).
Bon conseil!

Maints bouquins, faisant ou non de la guerre un thème majeur, évoquent l’armée canadienne. Serge Mongeau exprime une opinion tranchée dans Pour un pays sans armée. Dans Bourgault, le journaliste du Devoir Jean-François Nadeau raconte l’entraînement militaire du tribun pendant ses années de collégien. Malgré l’appui de Dollard Ménard, décoré de l’Armée canadienne, Bourgault se heurte à l’unilinguisme de l’institution. Marcel Chaput, dans son Pourquoi je suis séparatiste (réédité en 2007 par la BQ), écrivait en 1961: «Durant la guerre, j’ai fait du service militaire, ce qui me permit une autre fois de mesurer la stupidité de notre situation à nous Canadiens français qui sommes obligés de servir notre pays dans une armée unilingue anglaise, copie servile de l’armée britannique» (p. 21).

Tous les francophones n’ont pourtant pas boudé l’armée. Hélène Pelletier-Baillargeon consacre à ce sujet un tome complet de sa magistrale biographie d’Olivar Asselin. Jean-Louis Gagnon, une guerre plus tard, défendra avec fougue la participation du Canada. Les soldats eux-mêmes ont souvent écrit sur la guerre et les camps. Courageux récit que celui de Charly Forbes, Fantassin pour mon pays, la gloire et… des prunes. «J’ai vécu la guerre», déclare quant à lui Ronald Cormier au nom des soldats acadiens après la guerre de 1939-1945. Le volontaire Georges Verreault raconte dans Journal d’un prisonnier de guerre au Japon 1941-1945 l’enfer vécu après la défaite du corps expéditionnaire à Hong-Kong en décembre 1941. Verreault impute aux camps de concentration japonais une violence sans égale. Si on a le cœur bien accroché, il faut lire, après Verreault, le terrible Rouge décanté de Jeroen Brouwers.

Et puisque, pour ne jamais la banaliser, il faut tout savoir sur la guerre et ses risques, on doit se vacciner contre la torture en lisant la honteuse justification qu’offre de ses méthodes d’interrogation le général Aussaresses dans Pour la France – Services spéciaux 1942-1954.

Tout cela incite à employer avec parcimonie les termes de «héros» et de «causes sacrées». Quoi qu’en dise longuement Pierre Vennat, Les Héros oubliés sont moins nombreux que les uniformes.

Bibliographie :
La Crise de la conscription, André Laurendeau, Éditions du Jour, 158 p., épuisé.
Nos soldats – L’histoire militaire du Canada de 1604 à nos jours, George F. Stanley, Éditions de L’Homme, 620 p., épuisé.
Pour un pays sans armée, Serge Mongeau, Écosociété, 186 p., 17$
Bourgault, Jean-François Nadeau, Lux, 580 p., 36$
Pourquoi je suis séparatiste, Marcel Chaput, BQ, 224 p., 11,95$
Olivar Asselin et son temps : Le volontaire (t.2), Hélène Pelletier-Baillargeon, Fides, 328 p., 24,95$
Les Apostasies : Les coqs de village (t.1) , Louis Gagnon, Les Éditions La Presse, 296 p., 4,95$
Fantassin pour mon pays, la gloire et… des prunes, Charly Forbes, Septentrion, 456 p., épuisé.
J’ai vécu la guerre, Témoignages de soldats acadiens 1939-1945, Ronald Cormier, Éditions Arcade, 248 p., épuisé.
Journal d’un prisonnier de guerre au Japon 1941-1945, Georges Verreault, Septentrion, 314 p.,
épuisé.
Rouge décanté , Jeroen Brouwers, Gallimard, coll. Folio, 166 p., 12,95$
Pour la France – Services spéciaux 1942-1954, Général Aussaresses, Éditions du Rocher,
272 p., 32,50$
Les Héros oubliés – L’histoire inédite des militaires canadiens-français de la Deuxième Guerre mondiale
(tomes 1 et 2), Pierre Vennat, Méridien, 300 p., 29,95$

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