Amazon ouvrira un entrepôt à Montréal à l’aube des fêtes 2020. Aux États-Unis, le géant peut maintenant vous livrer une minimaison que vous assemblerez vous-même.

À la voix des commerçants au détail – déjà très affectés par ces piles de colis au bureau de poste estampillés d’un sourire qui leur enlève le leur – s’ajoute celle, interpellée ou inquiète, de constructeurs d’ici, comme Industries Bonneville, Groupe Pro-Fab ou Maisons Laprise. Où tout cela s’arrêtera-t-il donc?

En novembre dernier, les médias ont rapporté le souhait du premier ministre François Legault de voir se mettre en place un « Amazon québécois ». Formulé ainsi, ce désir faisait écho à la place de marché des détaillants québécois imaginée il y a quelques années par Alexandre Taillefer. La coopérative des Librairies indépendantes du Québec compte parmi les membres fondateurs du projet grand.io, qui vise à rapatrier une partie des 3,3 milliards de dollars que représentent les achats en ligne hors Québec en jouant un rôle actif dans la transformation numérique des entreprises d’ici. Les quatre piliers stratégiques de cette plateforme sont les suivants : créer une place de marché intégrée, bâtir une efficacité logistique, valoriser l’achat local et monétiser éthiquement l’intelligence d’affaires qu’il est possible de tirer des données de la clientèle. Plus concrètement, qu’est-ce que cela veut dire pour vous? À titre d’exemple, vous seriez détenteur d’un identifiant unifié, qui simplifierait vos achats chez les divers commerçants intégrés à cette place de marché. Des routes logistiques seraient mises au point afin de maximiser et de mutualiser les opérations de livraison des commerçants; une livraison voulue rapide et écoresponsable.

Les premiers balbutiements de ce projet se retrouvent dans le Panier Bleu (lepanierbleu.ca), une vitrine pour l’ensemble des détaillants québécois grâce auxquels on peut favoriser l’achat local, lancée début avril 2020 pour faire face aux conséquences économiques de la COVID-19 pour notre province.

Dans les discussions entourant ce type de projets collectifs, le site de vente en ligne leslibraires.ca, qui constitue la place de marché des librairies indépendantes du Québec, est souvent cité comme une inspiration.

Toutefois, à ce jour, l’un des commentaires les plus fréquents des lecteurs fidèles à l’adresse leslibraires.ca est : « J’adore votre site, mais il me faut encore maintenir un compte chez un grand compétiteur pour compléter mes achats de livres en anglais ». Voilà que nous y remédions.

En intégrant les livres publiés en anglais, nous visons à engager le lecteur canadien de manière durable envers un écosystème de vente local. Plus les lecteurs décideront d’acheter sur leslibraires.ca (plutôt que sur une plateforme étrangère), plus ils contribueront à l’animation de notre milieu littéraire et au tissu social de leur collectivité.

Notre initiative favorisera aussi une plus grande découvrabilité des titres canadiens de langue anglaise que ne le permettent les grandes plateformes internationales, puisque notre mission première n’est pas de déployer des actions de promotion autour de la littérature anglophone mondiale.

Selon l’étude Increasing Canadians’ Awareness and Reading of Canadian Books (de More Canada), parue à la toute fin de l’année 2018, les changements dans la manière dont les Canadiens découvrent, achètent ou empruntent des livres érodent la présence de l’expression canadienne dans notre paysage littéraire. Si la baisse enregistrée pour ce qui est de la lecture de livres canadiens est une tendance propre au Canada anglais, il faut convenir qu’il existe aussi des conséquences identitaires et culturelles à ce que les citoyens francophones, surtout les jeunes, soient exposés de façon répétitive à des histoires et à des contextes étrangers à leur expérience (j’inclus les écrans, dont Netflix, ici). Pour combler le fossé qui se creuse, la librairie indépendante peut assumer deux rôles clés complémentaires : sensibiliser les lecteurs et garantir l’accès aux livres canadiens. Cette occasion d’être un moteur de premier plan pour développer et stimuler un lectorat pour ces livres est d’autant plus grande que le réseau des librairies indépendantes connaît un regain, marqué par l’ouverture ou la reprise d’établissements par une nouvelle génération un peu partout au pays.

L’appui reçu du ministère du Patrimoine canadien nous permettra d’offrir plus de visibilité aux livres canadiens, ce qui créera un cercle vertueux : plus le nombre de titres proposés sera important, plus la sensibilisation des lecteurs sera grande, ce qui stimulera la vente de livres canadiens par les librairies indépendantes. Le soutien également apporté au projet par la Société de développement des entreprises culturelles du Québec est venu sceller le désir de voir nos librairies membres défendre – comme des guerrières; des… amazones – une plus grande diversité.

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