Le 23 avril dernier, à l’occasion de la Journée mondiale du livre et du droit d’auteur, la Table interprofessionnelle Livres Québec1 a interpellé les différents partis politiques afin qu’ils ajoutent à leur plateforme électorale un engagement à faire de la lecture une priorité nationale pendant une année, au minimum.

Pour arriver à élever la lecture à ce rang de priorité, Livres Québec recommande principalement la mise sur pied d’un comité spécial, pluridisciplinaire et interministériel, qui décidera des actions à mener et des sommes conséquentes qu’il faudra y consacrer. Le genre d’action qui conduit aux retombées qu’on a connues dans d’autres sphères : « Aujourd’hui, grâce à des campagnes et des actions régulières et adaptées, nous savons ce que nous devons mettre dans nos assiettes pour une alimentation équilibrée. Aujourd’hui, nous savons que faire au moins 30 minutes d’activité physique par jour est nécessaire pour nous maintenir en forme. Pourtant, au Québec, il n’est pas reconnu qu’un temps consacré à la lecture est tout aussi bénéfique pour notre développement et notre équilibre2. »

Le microsite lectureprioritenationale.ca dresse un inventaire des bienfaits de la lecture, qui permet notamment de s’épanouir individuellement et de prospérer collectivement. On conçoit aisément qu’elle contribue au développement des enfants et à la réussite scolaire. On mesure peut-être moins bien le lien entre lecture et littératie ainsi que son incidence économique : il en coûte en moyenne 200 000$ à la société québécoise en revenus potentiellement perdus, dont 35% en retombées fiscales, pour un jeune adulte sur le marché du travail ayant de faibles compétences en littératie3. Et si le Québec décrochait les mêmes résultats que l’Ontario en littératie, on assisterait à une hausse du PIB de 1,4% puisque 2 milliards de dollars seraient injectés dans notre économie québécoise chaque année4. Dès lors, en pleine pénurie de main-d’œuvre, l’idée que la lecture devienne une priorité de société ne semble pas saugrenue. Ni dans une fin de pandémie qui a fait la vie dure aux fonctions cognitives et à la santé mentale. Lire a non seulement un effet thérapeutique, mais augmente la participation civique; parfait pour contrer la désinformation et la dépendance aux écrans de notre ère!

Lorsque Marie-Louise Arsenault a annoncé récemment mettre fin à l’émission Plus on est de fous, plus on lit!, son auditoire et le milieu du livre l’ont chaleureusement remerciée pour les bienfaits de ces onze saisons au cours desquelles l’animatrice a démocratisé la littérature. Il faudra ce type de talent rare pour remettre en ondes le plus vite possible une célébration des livres aussi jouissive.

Lorsque la députée du Parti québécois Véronique Hivon a annoncé dernièrement quitter la vie politique à la fin de son mandat actuel, plusieurs ont souligné son exceptionnelle capacité à s’élever au-dessus des lignes de partis pour contribuer à des réalisations politiques importantes. Il faudra ce type de force de conviction pour que le projet de Livres Québec transcende les ministères — la lecture ne devrait pas être considérée comme la responsabilité seulement des ministères de l’Éducation et de la Culture et des Communications — et, pourquoi pas, les formations politiques.

Photo : © Gabriel Germain

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1. Livres Québec réunit des représentants de l’Association des bibliothèques publiques du Québec (ABPQ), de l’Association des libraires du Québec (ALQ), de l’Association des distributeurs exclusifs de livres de langue française (ADELF), de l’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL), de la Fédération québécoise des coopératives en milieu scolaire (Coopsco), du Réseau BIBLIO du Québec et de l’Union des écrivaines et des écrivains québécois (UNEQ).
2. Lettre ouverte de Livres Québec transmise le 23 avril 2022 aux partis politiques et aux médias et regroupant de nombreux signataires d’horizons variés.
3. Pierre Langlois. La littératie comme source de croissance économique. Analyse économique réalisée par Pierre Langlois, M.Sc. Sciences économiques pour la Fondation pour l’alphabétisation et le Fonds de solidarité FTQ, Montréal, 21 février 2018, p. 19.
4. Ibid., p. 20

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