Dans mon dernier éditorial de 2019, j’ai évoqué la commission sur l’avenir des médias et j’ai parlé aussi de solidarité afin de faire face aux défis que pose le bouleversement complet des modèles qui tenaient encore la route au début de la dernière décennie.

Au moment de mettre sous presse le précédent numéro, le sort de Groupe Capitales Médias (GCM), qui possède Le Soleil, Le Nouvelliste, Le Droit, Le Quotidien, La Tribune et La Voix de l’Est, n’était pas encore fixé. Depuis, la Cour supérieure a homologué le plan d’arrangement avec les créanciers et de restructuration de GCM, qui a été repris par la Coopérative nationale de l’information indépendante. Celle-ci est composée de six coopératives de solidarité formées par les travailleurs de chaque journal. Elle se présente comme le premier grand groupe de presse de nature coopérative au Québec.

Cette recherche d’un modèle viable et de nature à soutenir des objectifs collectifs fait écho aux motivations des fondateurs de la revue Les libraires, en 1998.

Peut-être vous demandez-vous comment une revue d’actualité littéraire comme la nôtre, distribuée gratuitement au surplus, arrive à tirer son épingle du jeu?

Si elle est offerte gracieusement, son contenu, comme tous les contenus de qualité, a un prix. Depuis les tout débuts, notre modèle d’affaires s’appuie sur le fait que les librairies indépendantes membres de notre réseau achètent les exemplaires qu’elles offrent gratuitement à leurs clients. Les propriétaires de ces librairies investissent (certains achètent jusqu’à 900 exemplaires par numéro) afin de promouvoir les livres et, parce que notre revue remplit sa mission de promouvoir les livres, les éditeurs maintiennent leurs investissements publicitaires pour ce média imprimé. La Société de développement des entreprises culturelles du Québec et le Conseil des arts du Canada soutiennent aussi la revue dans son fonctionnement. Les lecteurs, eux, en se procurant leurs livres chez leur librairie de quartier, insufflent au réseau des librairies indépendantes sa vitalité actuelle et lui permettent d’avoir les moyens de continuer d’investir dans des outils et des activités de promotion et de médiation du livre.

Comprenez-moi bien : je ne dis pas qu’il est facile de maintenir l’équilibre derrière notre modèle. La flambée des coûts d’impression nous donne, à elle seule, de manière quotidienne, mille courbatures. Mais nous persistons et signons. Qui sait le regard que nous poserons en 2030 sur la décennie que nous amorçons aujourd’hui? Sera-t-elle aussi disruptive que celle sur laquelle nous venons de tourner la page? Peut-être que non. On apprenait récemment que Londres n’avait pas renouvelé la licence d’Uber.

Je termine en remerciant tous ceux qui font vivre la littérature en nos pages. Le monde dans lequel j’ai envie de vivre protège les médias indépendants, la responsabilité collective et… les koalas.

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