Enjeux lourds et actuels

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«À quelque chose, malheur est bon», dit le proverbe. À quelque réveil, crise est utile, rétorquera l'actualité. Si ce calcul est fondé, les hoquets boursiers conduiront à des lectures sur l'énergie, la démocratie, la morale internationale et même la foi.

«À quelque chose, malheur est bon», dit le proverbe. À quelque réveil, crise est utile, rétorquera l’actualité. Si ce calcul est fondé, les hoquets boursiers conduiront à des lectures sur l’énergie, la démocratie, la morale internationale et même la foi.

Quand le prix du pétrole bat les caprices du yoyo, le doute surgit. Comment expliquer l’instantanéité des hausses et la timidité des baisses? Et si le baril se vend à cinquante dollars plutôt qu’au triple, pourquoi le consommateur n’est-il gratifié que de quelques sous de diminution? Ces interrogations à fort indice de colère, le spécialiste Gaétan Lafrance les éclaire dans Vivre après le pétrole: Mission impossible?, un survol éclairant sur l’éolien, le gaz et le nucléaire.

La politique canadienne, rarement fébrile, a vécu une fièvre, mais sans saisir ce qui lui tombe dessus. Aucun parti n’obtient aujourd’hui 50 pour cent du suffrage, mais nos dinosaures politiques estiment que 38 ou 40 pour cent du vote donne droit à 100 pour cent du pouvoir. Un bambin torpillerait leurs prétentions: «Si tu as payé le tiers de la tarte, tu n’as pas le droit de la manger toute!» Lorsque les idéologues maquillés en défenseurs du peuple tordent les règles démocratiques, il est temps de relire Alain Touraine. Un extrait: «Parce que le Parlement est entraîné dans l’action gestionnaire de l’État, il faut que le centre du système politique se déplace de la représentation parlementaire vers l’opinion publique.» Une coalition fondée sur 62 pour cent de l’opinion promet une meilleure démocratie qu’un parti issu d’une minorité.

Si l’on cherche la démocratie réelle plus que sa contrefaçon, on se scandalisera du silence tonitruant dont notre classe politique entoure un livre aussi nécessaire que Noir Canada. Pas un mot à ce sujet pendant la campagne électorale. Bénir de loin un projet de loi contre les poursuites-baîllons ne suffit pourtant pas. L’enfer, friand de bonnes intentions, pourra parfaire son pavage.

L’Afrique, qui attendrit parfois les Chrétien, Martin, Chirac et autres Sarkozy, nous intéresse aujourd’hui par sa piraterie maritime plus que par les récurrents conflits nourris par les intérêts impérialistes. Un pétrolier rançonné fait oublier que rien n’est réglé entre Hutus et Tutsis. Pourrait-on, au moins, faire l’effort de lectures parallèles? Scholastique Mukasonga, après son évocation du génocide perpétré sous nos yeux par les Hutus, rend hommage à sa mère et à son héritage dans Inyenzi ou les cafards, et La femme aux pieds nus. La mémoire, toujours la mémoire. De son côté, à partir des mêmes témoignages, Jean Hatzfeld préconise non pas l’oubli, mais la suspension des souvenirs dans La stratégie des antilopes. Quel humain, si nord-américain soit-il, peut se dispenser d’une réflexion sur la mémoire et le pardon? Qu’on pense à Nelson Mandela.

Et puisque, dans ce Québec encore mal laïcisé, Dieu retient toujours l’attention, deux bouquins nourriront l’analyse. L’un, Le Dieu cosmique de Jacques Languirand et Jean Proulx, porte sur l’idée qu’Einstein se faisait de Dieu. Il n’est pas dit que le génie scientifique d’Einstein en fasse un bon théologien. L’autre, Ceci est mon corps de Jean-François Beauchemin, donne la parole à un Jésus âgé de 84 ans et qui a perdu la foi par excès de souffrance. Écriture magnifique, thèse décapante.

Bibliographie :
Vivre après le pétrole: Mission impossible?, Gaétan Lafrance, MultiMondes, 434 p. | 39,95$
Qu’est-ce que la démocratie?, Alain Touraine, Fayard, 300 p. | 45,95$
Noir Canada, Alain Deneault, Écosociété, 354 p. | 34$
Inyenzi ou les cafards, Scholastique Mukasonga, Gallimard, 166 p. | 25,50$
La femme aux pieds nus, Scholastique Mukasonga, Gallimard 146 p. | 26,50$
La stratégie des antilopes, Jean Hatzfeld, Points, 320 p. | 14,95$
Le Dieu cosmique, Jacques Languirand et Jean Proulx, Le Jour, 284 p. | 27,95$
Ceci est mon corps, Jean-François Beauchemin, Québec Amérique, 200 p. | 19,95$

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