Si vous avez pris part, au cours des deux dernières années, à un salon du livre virtuel ou en mode hybride, vous avez probablement vu les trésors de créativité déployés par les organisateurs pour pallier — pandémie oblige — le bouquinage et les séances de signature in situ avec les auteurs qui sont indissociables de ces grandes fêtes du livre.

La pleine reprise des salons du livre n’exclut pas de conserver certains legs des solutions de remplacement au salon traditionnel nées de l’expérimentation, dont le maintien des rencontres virtuelles dans les écoles et la multiplication des activités hors les murs ou des partenariats locaux pour étendre le territoire où joindre les lecteurs. Ainsi, le directeur général du Salon du livre de Montréal Olivier Gougeon et son équipe proposent désormais un événement en trois volets : le Salon dans la ville et le Salon en ligne dès le 11 novembre, suivis de leur activité phare et fédératrice, le Salon au Palais, qui se tiendra du 23 au 27 novembre au Palais des congrès de Montréal.

Mais au-delà de la promotion pure des nouveautés et de la mise en valeur de la lecture, le volet commercial des foires du livre reprend ses droits, non sans être confronté de façon préoccupante au manque d’effectifs et à la hausse draconienne des coûts. Pour Benoit Prieur, directeur général de l’Association des distributeurs exclusifs de livres en langue française (ADELF), « la reprise des salons est une excellente nouvelle pour tout le monde. En même temps, ça représente un vrai défi pour l’industrie du livre, car les salons se succèdent à un rythme effréné alors que nous manquons tous de personnel. Il faut donc s’ajuster de part et d’autre et imaginer ensemble les salons de l’avenir ». Ça tombe bien, la pandémie a ouvert beaucoup de canaux de communication entre les salons membres de l’Association québécoise des salons du livre (AQSL) et les différents acteurs du milieu du livre.

Les salons rencontrent, comme plusieurs, des défis de recrutement. « Cet enjeu se reflète également dans l’engagement bénévole. En 2019-2020, les salons ont comptabilisé plus de 1 000 bénévoles actifs au sein de leurs organisations. Après un ou deux ans d’activité inhabituelle, il faut à nouveau recruter, puis former, réorganiser le travail », explique Marie-Ève Francœur, directrice de l’AQSL. De plus, à l’exception du Salon du livre de Montréal, les distributeurs se tournaient naturellement vers les libraires locaux afin de créer un partenariat viable pour opérer leurs stands de vente, mais voilà que ces librairies manquent désormais également de main-d’œuvre qualifiée.

L’explosion des coûts de transport gruge par ailleurs les budgets des exposants et complique l’équation de la rentabilité de la saison des salons partout sur le territoire. L’AQSL et ses membres sont d’avis que toutes les régions du Québec devraient avoir un accès équitable aux livres, à la littérature et à la culture en général. « Les salons du livre, surtout en région, ont un rôle crucial à jouer à ce niveau, c’est pourquoi il est important d’identifier rapidement des réponses appropriées à cet enjeu qui va bien au-delà des salons eux-mêmes », précise Marie-Ève Francœur.

Nadine Perreault, directrice générale de Diffusion Dimedia, s’avance sur une piste de solution : « Pour faire face aux défis logistiques qui s’offrent à nous, nous lançons cet automne avec deux éditeurs un projet pilote pour réduire à la fois la manutention et l’empreinte écologique des stocks qui ont à voyager pour les différents salons. Il faut savoir que les stocks qui sont mobilisés pour les salons ne sont pas disponibles pour approvisionner les librairies, alors lorsqu’il fallait garnir les stands de trois salons en même temps, c’est tout simplement le triple des quantités qui étaient habituellement requises. Notre projet pilote consiste en une caravane qui fera voyager les mêmes livres du salon du Saguenay directement à celui de l’Estrie et ensuite directement à Rimouski. »

En plus de la mobilisation actuelle des acteurs de la chaîne du livre autour de tous ces enjeux, la mobilisation locale derrière chaque salon afin que toute une région vive au rythme du livre pendant une semaine demeure belle à voir. Elle participe de manière importante à la promotion de la lecture et de ses bienfaits auprès d’un public avide qui a encore le cœur à la fête du livre.

Photo : © Gabriel Germain

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