C’est en 1965, et non en 2005 (année de publication du premier tome de la trilogie « Millénium », de Stieg Larsson), qu’il faut faire remonter les véritables origines de la vague de polars nordiques actuelle. Entre 1965 et 1975, le reporter criminel suédois Per Wahlöö, et son épouse Maj Sjöwall ont écrit une série de dix romans policiers, série intitulée « Roman d’un crime ».  

Peu intéressés par les polars jugés trop bourgeois publiés en Suède à cette époque, les deux romanciers marxistes se lancent dans un projet littéraire politique dont le but est de mettre sous surveillance « le paradis suédois », considéré à l’époque comme un modèle de société idéale, afin d’en dénoncer les travers et les dysfonctionnements. Selon Maj Sjöwall, le couple voulait « imaginer un roman policier social qui montrerait comment la police travaillait réellement ». À cet effet, les enquêtes du commissaire Martin Beck et de son équipe sont des modèles de romans de procédure policière qui vont inspirer de nombreux écrivains de la génération suivante, dont Henning Mankell et Stieg Larsson en Suède, Gunnar Staalesen et Jo Nesbø en Norvège, ou Arnaldur Indridason en Islande. Loin de proposer des histoires de mystère convenues, écrites dans le seul but de divertir, leurs émules publient des œuvres originales dans lesquelles ils font une critique acerbe de leurs sociétés respectives, mettant en lumière les failles du système et s’attachant à démonter les mécanismes du crime (trafic de stupéfiants, crime organisé, prostitution, etc.) pour en identifier les racines sociales.

Parmi ceux qui se réclament ouvertement de l’héritage littéraire du couple, on retrouve Anders Roslund et Börge Hellström, deux Suédois dont les thrillers mettant en vedette le commissaire Ewert Grens comportent d’importants éléments de critique sociale. Par exemple, dans La bête (2009), ils dénoncent le laxisme du système judiciaire face à la délinquance sexuelle, et la tentation pour un citoyen ordinaire de se substituer aux défaillances de la loi et de se faire justice soi-même. L’honneur d’Edward Finnigan (2011) est un drame poignant sur un cas d’erreur judiciaire et un vibrant plaidoyer contre la peine de mort, alors que La fille des souterrains (2012) illustre une fraude à l’action humanitaire permettant à des individus sans scrupules d’encaisser des subventions de l’État roumain pour prendre en charge des enfants mendiants. Enfants qu’ils se contentent de ramasser dans les rues de Bucarest pour les abandonner à l’étranger, notamment à Stockholm.

3 secondes, leur thriller le plus récent, est le premier volet d’une trilogie construite autour d’un personnage de criminel infiltré, et le cinquième polar de la série « Ewert Grens ». Dans une note, les auteurs précisent que ce livre est « un roman sur les criminels de notre époque et les deux autorités — la police et l’administration pénitentiaire — qui en portent conjointement la responsabilité ». Pendant de nombreuses années, les autorités policières suédoises ont utilisé des criminels comme infiltrés et informateurs tout en niant la chose. Pour mieux enquêter sur des crimes graves, d’autres crimes ont été marginalisés et un certain nombre d’enquêtes préliminaires et de procès se sont déroulés sur la base d’informations inexactes. Piet Hoffmann est un de ces criminels infiltrés, un indicateur qui mène une double vie de père de famille et d’agent secret ayant infiltré la mafia polonaise. Son épouse ignore tout de ses activités. Sa mission est périlleuse : enfermé dans une prison à haute sécurité, il doit s’imposer comme le nouveau dealer, identifier et neutraliser les trafiquants du réseau polonais. Mais quand, pour des raisons politiques, il est trahi par ses commanditaires, il devient une cible. Désormais, il doit tout faire, y compris le pire, pour sauver sa peau. Le résultat sera explosif! 3 secondes est un thriller formidable avec un suspense d’enfer, des scènes d’anthologie et une finale totalement inattendue particulièrement jouissive!

En 2010, Ragnar Jónasson s’est fait connaître avec Snjór, premier polar d’une série de quatre dont l’action se passe à Siglufjördur, la ville la plus au nord de l’Islande où le jeune flic Ari Thór est confronté aux secrets et aux mensonges d’une petite communauté en apparence sans histoires. La dame de Reykjavik, premier volet d’une nouvelle série, met en scène l’inspectrice Hulda Hermannsdóttir. Âgée de 64 ans, Hulda est une policière d’élite de la police de Reykjavik. Passionnée par son métier, dans lequel elle excelle, elle redoute plus que tout l’arrivée de la retraite. Mais son supérieur désire la remplacer au plus vite par quelqu’un de plus jeune et la force à une retraite prématurée. En échange de son départ précipité, elle obtient de travailler sur une dernière affaire : la mort suspecte d’Elena, une jeune demandeuse d’asile russe retrouvée noyée. Alors que ses collègues, peu intéressés par le sort de cette immigrée, ont vite classé l’affaire comme étant un suicide, l’inspectrice est persuadée qu’il s’agit d’un meurtre et se lance dans une enquête à haut risque qui connaîtra une issue dramatique. Héroïne tragique, elle illustre le sort peu enviable réservé aux femmes dans la police. Hulda a beau être une des meilleures enquêtrices du commissariat local, elle n’a jamais obtenu la reconnaissance à laquelle elle aurait dû avoir droit. Par ailleurs, son enquête met en lumière un cas flagrant de discrimination : parce qu’elle était une étrangère sans statut légal, venue en Islande dans l’espoir d’avoir une vie meilleure, Elena est morte dans l’indifférence générale. On retrouvera Hulda dans deux autres romans, mais pour ce faire l’auteur devra remonter dans le temps.

L’usurpateur est le troisième roman de l’auteur norvégien Jørn Lier Horst. Il met en scène l’inspecteur William Wisting et sa fille, la journaliste Line. Cette dernière s’intéresse au cas d’un individu dont le cadavre bien conservé a été retrouvé devant sa télé allumée. L’homme était mort depuis quatre mois! La jeune femme décide d’enquêter sur cette fin de vie tragique et sur ces personnes solitaires dont personne ne se préoccupe. Par ailleurs, William et son équipe traquent un tueur en série américain réfugié en Norvège. Avec un sens aigu du suspense, l’auteur fait évoluer ces deux affaires, deux enquêtes méthodiques riches en rebondissements, dont les liens se précisent lentement jusqu’à la finale des plus dramatiques.

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