S’ouvrir au monde

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Dans ma classe de troisième année, à mon école primaire, il y avait une Sandra, un David, une Marie-France, une Anne-Marie, trois Patrick, un Sylvain, un Bernard, une Josiane, deux Martin, un Michel, un Jean-Frédéric et une Catherine. Parmi tous ces élèves de race blanche, il y avait aussi un Noir: Donovan. Grand, les cheveux hirsutes, excellant dans les sports et la musique, Donovan était apprécié de tous. Jamais il n'a été victime de racisme, jamais il n'est resté seul dans son coin. On se l'arrachait quand venait le temps de composer une équipe sportive, tout comme on s'arrachait Jean-Frédéric quand venait le temps de préparer un travail d'équipe en français. Donovan était drôle, il racontait des histoires farfelues et il avait un magnifique sourire.

Des Donovan, que ce soit à l’école primaire ou secondaire, il y en a tout plein. Ils viennent des quatre coins de la planète, ils ont les yeux bridés ou bien ronds, les cheveux frisés ou bien plats et les lèvres roses ou bien foncées. Ils s’appellent Moudane, Nick, Christopher, Yasmine, Ikrame, Leïla, Leonardo, Pierre-Louis, Sarah, Yann, Loïc ou Jamaelle. Ils ont en commun un passé rempli de souvenirs et de rêves et ils nous apprennent à accepter la différence.

Dis-moi d’où tu viens
Si Donovan a su très rapidement adopter notre québécitude, je suis certaine que ce ne fut pas pour lui tous les jours facile d’être d’ailleurs. Donovan devait sans doute s’ennuyer de temps à autre de son pays chaud et de ses cousins et amis laissés là-bas.

Traduisant avec poésie et une extrême sensibilité les pensées d’enfants semblables à Donovan, Angèle Delaunois livre dans Venus d’ailleurs un magnifique témoignage sur ceux qui ont immigré ici. Aidée des jolies photos croquées par Martine Doyon, l’auteure arrive à interpeller le lecteur pour qu’il se mette dans la peau des enfants venus d’ailleurs: «Je viens de loin. /Je suis d’ailleurs./Avant de venir ici,/Je vivais dans un autre pays./Si tu devais partir ailleurs,/À l’autre bout du monde,/Toi qui es né ici,/Essaie d’imaginer/Ce que tu ressentirais.»

Imaginons, donc. Imaginons la vie de Daryl et de Rony, qui ont laissé leurs grandsparents. Imaginons la vie de Moudane, qui a échangé son lac turquoise contre un grand fleuve aux eaux grises. Imaginons les vies d’Imran, qui adorait sa belle ville blanche, et de Ikrame, Jamila et Sofia, qui possédaient un grand jardin. Que ce soit à cause de la guerre ou de la pauvreté, les enfants venus d’ailleurs dont nous parle Angèle Delaunois sont des battants, souvent endeuillés. Devant entre autres apprendre une nouvelle langue, changer leur alimentation, s’adapter aux fêtes et traditions d’ici et découvrir le rythme des saisons, ces enfants ont coupé leurs racines et affronté la peur de l’inconnu, de l’étranger et du rejet. Pourtant, comme le déclare l’un d’eux, «[p]as plus que toi/Je n’ai choisi le pays où je suis né./Pas plus que toi, je n’ai choisi/La langue qui m’a bercé/Et que je parlerai toujours./Je n’ai pas décidé de vivre ici./En émigrant, mes parents espéraient/Pour nous une vie meilleure».

Si l’auteure présente surtout les pensées d’enfants venus d’ailleurs, elle n’oublie pas les enfants d’ici, blessés, ceux qui étaient là bien avant nous: «Tout autant que toi,/Je suis d’ici./Mes ancêtres occupaient cette terre/Bien avant que les tiens arrivent./Mieux que toi, je connais les secrets/De nos forêts et de nos rivières./Dans mon pays conquis,/J’ai apprivoisé tes coutumes,/Et j’essaie de comprendre tes ambitions./Mais toi, tu ne me vois même pas./Pourtant, la sagesse de mon peuple/Pourrait t’apprendre bien des choses.»

Conviant le lecteur tout au long de l’album à s’ouvrir au monde, Angèle Delaunois résume avec vérité et réalisme le sort de Nathalie, de Litzy et de tous les enfants venus d’ailleurs: «Je partage mon coeur/Entre deux pays,/Entre deux familles, et tu en fais partie./Je ne veux pas oublier mon pays d’avant./Mais je travaille fort pour planter ici/Quelques nouvelles racines./Même si je souris,/Ce n’est pas tous les jours facile d’être/D’ailleurs et d’ici!»

Ce livre, rempli d’émotions et de jolis minois, donne envie de prendre dans ses bras tous les enfants venus d’ailleurs et de leur dire: «Bien venue chez nous!»

Dis-moi qui tu es
Si ma mémoire est bonne, l’ami Donovan venait de Port-au-Prince, en Haïti. Malheureusement, à cette époque, je crois que personne n’a posé de questions au Noir le plus populaire de mon école sur son pays d’origine. Quel temps y faisait-il? Quels mets traditionnels y servait-on? À quels jeux jouait-on? Il existe aujourd’hui une panoplie de livres beaucoup plus importante que dans les années 70 sur les différentes civilisations du monde. Paru dans la collection «Encyclopédie junior», Les peuples du monde présente l’étonnante mosaïque d’êtres humains qui habitent sur terre. Couvrant les peuples de l’eau, de la forêt, des grands espaces et des montagnes ainsi que les peuples nomades et en lutte, l’auteure Christine Causse dévoile les traditions et les cultures qui se perpétuent dans le monde au fil des ans. Le lecteur peut ainsi se familiariser avec les Dogons de l’Afrique, les Moken de Birmanie, les Bororo du Niger et les Pygmées du Congo. Il apprend comment certains pêchent et d’autres chassent, comment certains se vêtent et d’autres fêtent. Bref, grâce à ce livre, le lecteur comprend mieux l’autre.

Pareil, pas pareil
Parce que la tolérance, le respect de l’autre et l’ouverture au monde constituent des valeurs qui s’apprennent rapidement dans la vie, Kroin! Une histoire de cochonnets est tout indiqué pour les petits. Dans un village paisible vivent des cochonnets bien ronds, bien roses et bien gentils. Mais voilà, un jour arrive un cochonnet bien noir qui fait «kroin!» au lieu de «gruik!». On imagine la suite. Après un rejet, le petit cochon différent est intégré parmi les petits cochons roses. Tout comme Donovan, dans ma classe de troisième année, à mon école primaire.

Bibliographie :
Venus d’ailleurs, Angèle Delaunois et Martine Doyon, Hurtubise 48 p. | 16,95$
Kroin! Une histoire de cochonnets, JAM, Broquet, 20 p. | 12,95$
Les peuples du monde, Christine Causse, Fleurus/Géo Ados, 190 p. | 34,95$

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