Le retour à l’école

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Par chance, j'ai toujours aimé l'école. Surtout le retour à l'école. L'instant d'un week-end, je passais du temps dans les grands magasins avec ma mère. Elle m'achetait des pantalons, des chandails, une robe ou deux. Suivaient les bas, les chaussures propres, les chaussures sport et les chaussures de tous les jours. Puis venaient le coupe-vent, le parapluie et les bottes de pluie. On s'arrêtait une demi-heure pour manger et on repartait choisir des cartables, des feuilles mobiles, des crayons à mine et de couleurs, un étui pour les ranger, une règle, une efface, un sac à dos et une boîte à lunch. De retour chez moi, assise sur mon lit, je déballais mon trésor. Ça sentait le neuf! Ça sentait l'impatience d'étrenner ces nouveaux vêtements. Ça sentait la hâte d'écrire avec ces nouveaux crayons. Ça sentait l'empressement d'user ces cahiers vierges. Ça sentait bon le retour à l'école…

La première fois
Vous souvenez-vous de votre première fois? Pas la première fois que vous avez fait l’amour! La première fois que vous êtes allés à l’école? Dans l’album Le premier jour, Julien est sur le point de vivre sa première fois. Une première fois bien inquiétante, à en croire ses deux frères: «Tu vas voir, dit Max, l’école, c’est épouvantable! Surveille toujours ton casier. Il y a des petits voyous de 6e année qui pourraient bien mettre des grenouilles, des sangsues ou des couleuvres dans tes bottes de pluie. […] Mais à midi, mon cher Juju, c’est encore pire. Il y a des extraterrestres laids et gluants qui vont vouloir voler ton lunch et le bouffer d’un coup sec, raconte Léo.» Devant tant de danger, Julien décide de s’armer. Dans son sac d’école tout neuf, il cache son étoile de shérif, ses lunettes à rayons paralysants et sa cape de superhéros. Mieux vaut prévenir! Cette histoire signée Robert Soulières est tout à fait délicieuse. Le texte, bien écrit comme toujours, se lit avec un grand bonheur puisqu’il est, à l’exception d’une seule fois, interrompu par des jeux de mots ou des réflexions personnelles auxquels l’auteur nous a habitués. Qui plus est, Soulières attend le lecteur avec un revirement de situation qui fait sourire grand comme ça! Sur le plan des illustrations, Christine Battuz propose des images colorées et des personnages aux bouilles bien expressives. Si ce n’avait été du texte imprimé sur un motif ligné et donc difficile à lire, cet album aurait obtenu un 10/10!

Avant la première fois
Avec la panoplie de livres pour tout-petits disponibles en librairie, certains parents prennent un peu d’avance sur l’école en enseignant à leur progéniture des notions de base, comme les chiffres et les lettres. Parmi ces livres, les abécédaires font bonne figure.

Paru à la fin du printemps dernier, L’abécédaire abracadabrant est saisissant d’inventivité et d’originalité. Fruit de l’imagination de trois grands-mères éprises des mots, ce livre écrit à six mains, à trois têtes et à trois coeurs jongle avec des allitérations et joue avec les sons de manière très dynamique. À la lettre D, en plus d’observer des dragons, un donjon, des dents et un drapeau, on lit:

«Dans les histoires, il y a des dragons/ Des dragons dangereux dorment dans le donjon. DANGER! / Que faire pour se débarrasser des dragons dangereux? / Les dépecer?… DANGER! / Les désosser?… DANGER! / Les déchiqueter?… DANGER! / Les dénicher?… BONNE IDÉE! Dehors dragons!»

Deux pages plus loin, alors que la forêt incarne la lettre F et qu’on s’amuse à découvrir, dans l’illustration, des framboises, des feuilles, des fourmis, des fleurs, un faon et un feu de camp, le texte ne présente que des sons inquiétants: «Dans les histoires, il y a la forêt. / Ffrrr, ffrrr, ffrrr, ffrrr, ffrrr, ffrrr… / Flll, flll, flll, flll, flll, flll… / Flitt, flitt, flitt… / Fsch, fsch, fsch, fsch, fsch, fsch… / Flap, flap, flap… / Ffftt! / Froum froum froum…»

Plus loin, pour illustrer la lettre T et le temps, qui n’est jamais nommé, on remarque un tapis, des tomates, de la terre, un tambour, une tasse, une tisane, une table, une tétine, une tuque, un téléphone et une télévision, et on lit: «Dans les histoires, il y a le Tic! Tac! Tic! Tac! / Tic! Tac! Tic! Tac! / Tout de suite! / Tic! Tac! Tic! Tac! / Trop tôt! / Tic! Tac! Tic! Tac! / Trop tard! / Tic! Tac! Tic! Tac! / Tant pis! / Tic! Tac! Tic! Tac!»

Pour accompagner les vingt-six textes un peu fous et ô combien intelligents des trois grands-mères, Bruno St-Aubin a créé des illustrations où tout vole, fourmille, bouge, gigote, saute, bondit et danse. Il y fait aussi chercher des mots sérieux, farfelus ou hors contexte au jeune lecteur. Franchement, si cet album, qui mérite plus que la note parfaite de 10/10, ne donne pas envie aux enfants d’aller à l’école, aucun autre ne le fera!

Après la première fois
En fait, c’est faux. Bien d’autres livres peuvent donner le goût aux enfants de reprendre le chemin de l’école et d’apprendre. La collection «Savais-tu?», publiée chez Michel Quintin, a depuis ses débuts séduit bien des parents, des enseignants et des enfants. Alliant humour et connaissance, la quarantaine de titres de cette collection est consacrée aux animaux les moins populaires de la planète, comme les rats, les vautours, les serpents, les coquerelles, les sangsues, les guêpes et les acariens. À ces intéressants documentaires vient de s’ajouter une nouvelle collection: «Connais-tu?». Traçant le portrait de grands personnages qui ont marqué l’histoire et l’imaginaire collectif, comme Cléopâtre, Barbe Noire, Marco Polo et Erik le Rouge, la collection reprend la formule qui a fait le succès de «Savais-tu?»: la bande dessinée pour rire et le texte en bas de page pour s’instruire. D’ailleurs, comme il vaut mieux lire d’abord le texte pour savourer ensuite les gags de la bande dessinée, une note à cet effet aurait pu être ajoutée en début de chaque livre. Là, on aurait obtenu un 10/10. Mais comme les habitués connaissent déjà l’ordre de lecture, ce détail ne cause aucun problème. Bon retour à l’école!

Bibliographie :
Le premier jour, Robert Soulières, Les 400 coups, 32 p. | 16,95$
L’abécédaire abracadabrant, Muriel Comeau, Carole Filion et Jeanne d’Arc Martin, De la Bagnole, 52 p. | 21,95$

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