La première question que l’on pose souvent aux auteurs de livres pour enfants est la suivante: quel genre d’enfance avez-vous vécue? Petite, Mélanie Watt adorait dessiner, surtout des personnages comme Garfield et les Schtroumpfs. Elle aimait aussi bricoler et jouer à l’école (bien entendu, sa plus jeune soeur était l’élève et elle, le professeur!). Adolescente, Mélanie a commencé à faire des portraits des membres des Beatles et des Rolling Stones ainsi que de Marilyn Monroe, qu’elle illustrait au crayon à mine. C’est au cégep seulement qu’elle a commencé à explorer d’autres médiums, comme l’acrylique et l’aquarelle.
D’ailleurs, si on examine le style des premiers livres qu’a illustrés Mélanie Watt, comme Augustine et Léon le caméléon, on se rend compte qu’il ne ressemble pas du tout à celui qu’on découvre dans les albums publiés dernièrement. Mélanie explique que son parcours d’études en graphisme laisse des traces dans ses livres: «Lorsque je travaille sur des textes drôles, comme ceux des séries «Frisson» et «Chester», j’évite les détails. Mais lorsque j’illustre un livre tendre et rempli d’émotions comme Augustine, je crée une ambiance texturée avec plusieurs détails à découvrir. J’aime que mes livres soient tous différents. Je souhaite toujours découvrir de nouvelles options graphiques.»
Évidemment, avec son talent, Mélanie Watt aurait pu se tourner vers la publicité ou l’illustration dans les magazines. Mais elle a choisi la littérature jeunesse. Choisi? Pas tout à fait: «À l’UQAM, alors que j’étudiais en design, mon professeur d’illustration, Michèle Lemieux ― que j’admire beaucoup, tout comme Marie-Louise Gay, Stéphane Jorisch et Mo Willems ―, m’a suggéré d’envoyer mon projet de fin de session à une maison d’édition. Le projet en question s’intitulait Léon le caméléon. À ma grande surprise, l’album a été publié pendant ma dernière année d’études. Dès ce moment, j’ai eu la piqûre du livre jeunesse! J’aime écrire, illustrer et contrôler l’ensemble de l’oeuvre. C’est une grande liberté.»
Et comment procède Mélanie Watt sur le plan de la création? Part-elle d’un dessin, d’un texte, d’une idée? «Tout est mélangé!, reconnaît-elle. Mais souvent, c’est le message qui vient d’abord, puis le personnage et le style s’imposent. J’aime travailler avec le moins de texte possible pour laisser parler les images. Je suis avant tout une illustratrice, mais je me considère comme une personne d’idées.»
C’est d’ailleurs une idée, soit un questionnement sur la peur et le risque, qui a donné naissance au sympathique Frisson: «À une époque, je réfléchissais beaucoup sur mes choix de vie et sur les conseils que je recevais de tout un chacun. Puis je me suis demandé: comment pouvons-nous connaître nos talents et nos capacités si nous ne prenons jamais de risques?» Il faut dire que Mélanie Watt a grandi dans une famille où la sécurité occupait beaucoup de place. Il était important de prévenir les coups et d’être alerte. Un peu à l’image de Frisson: «Or, Frisson pense trop au lieu d’agir. Quand il pense, il angoisse. Mais quand il agit, il lui arrive toujours quelque chose de merveilleux!»
Et Chester, comment est-il né? «Chester est l’opposé de Frisson: il ne pense pas, il agit!» Ayant grandi avec un chat, Mélanie Watt sait que les félins ont tendance à prendre beaucoup de place. C’est pourquoi Chester lui vole littéralement la vedette dans ses albums, comme il le fait aussi avec la petite souris: «Je compare la relation entre Chester et la souris à celle que j’ai vécue avec ma soeur. Dans de nombreuses familles, il y a une rivalité bien installée entre l’aîné et le plus jeune enfant pour obtenir l’attention des parents. Frisson et Chester sont très différents l’un de l’autre, mais très semblables aussi, car les deux veulent contrôler toutes les situations. J’ai réalisé ce fait lorsque j’ai reçu un projet d’école par la poste: les enfants avaient énuméré les qualités de Chester et de Frisson, et leur seul point en commun était control freak!»
Au top de sa forme, Mélanie Watt a bien sûr des projets d’avenir: «J’ai créé un tout nouveau personnage, Al Leruzé, qui tient la vedette de l’album J’ai tout un livre pour toi!» Vendeur professionnel, Al peut faire acheter n’importe quoi à n’importe qui. L’album est une parodie des publicités télévisées qui passent tard le soir et qui durent trente minutes. Qu’est-ce qui a bien pu donner envie à l’illustratrice d’aller dans cette direction? «Avant de faire le saut dans les arts, je voulais travailler en publicité. J’ai donc étudié en marketing pendant trois ans. Tous les aspects de la vente me fascinaient, surtout la manipulation d’un futur acheteur. La vente et l’enfance peuvent, au premier regard, sembler deux sujets distants, mais je crois que les enfants sont très conscients de l’influence des médias, de la télé, des infopubs. Ils savent ce qu’est la vente ― on leur demande bien de faire du porte-à-porte pour vendre des barres de chocolat! ―, et s’ils peuvent jeter un regard ironique sur les vendeurs, tant mieux…»
Parmi ses autres projets, Mélanie Watt affirme qu’une petite souris lui a dit qu’il y aura sûrement un troisième album signé Chester. De plus, elle prépare présentement une série télé qui mettra en scène Frisson et plein de nouveaux personnages. On a bien hâte de tous les rencontrer!
Bibliographie :
Chester, Scholastic, 32 p. | 9,99$
J’ai tout un livre pour toi! Scholastic, 32 p. | 9,99$
Frisson l’Écureuil se fait un ami, Scholastic, 40 p. | 9,99$