Une histoire de l’enseignement de l’histoire nationale

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Quiconque s’est intéressé à l’éducation au Québec au cours des cinquante dernières années le sait : de vifs débats ont eu cours et se poursuivent autour de l’enseignement de l’histoire nationale. Ces débats concernent par exemple les finalités de cet enseignement, les pédagogies auxquelles il est préférable d’avoir recours pour les atteindre, la définition même de l’histoire nationale et la place qu’il convient de lui faire dans le curriculum.

Sur tous ces points, L’histoire nationale à l’école québécoise, l’ouvrage que viennent de publier des historiens et didacticiens, apporte des éclairages vraiment précieux, et même indispensables, en proposant rien de moins qu’une histoire de l’enseignement de l’histoire nationale au Québec. En abordant ce sujet, ce pavé (plus de 500 pages) couvre un territoire curieusement resté peu exploré. Ce territoire est très vaste : il va de la « préhistoire de l’enseignement de l’histoire nationale au Québec », en Nouvelle-France, jusqu’à l’enseignement de cette même histoire dans le cadre d’un programme conçu par compétences et prônant l’éducation à la citoyenneté (1995-2012).

Le contenu du livre se décline en périodes historiques, mais sans négliger de s’attarder à des personnages (Boucher de la Bruère, Lionel Groulx, par exemple), à des congrégations (les Frères maristes, les Clercs de Saint-Viateur et de nombreuses autres), à des législations, à des manuels, à des ordres d’enseignement (le cours classique, ou, plus près de nous, le primaire, le secondaire, le collégial) ainsi qu’à des postures pédagogiques. Il faut également saluer les longs développements consacrés à l’enseignement de l’histoire nationale dans les cinquante-cinq communautés autochtones et le souci de ne pas oublier les Anglo-Britanniques et les Canadiens anglais.

En introduction, Michel Allard et Félix Bouvier disent leur fierté de présenter leur travail. Ils ont toutes les raisons d’être fiers. Ce livre faisait cruellement défaut et il est remarquablement riche et informé. Qu’en retenir? En conclusion du livre, Marie-Claude Larouche et Michel Allard proposent moins un bilan qu’un ensemble de questions qui appellent des réponses. En voici quatre, qui me paraissent mériter qu’on s’y attarde sérieusement.

Au vu de son histoire, on note, pour commencer, que l’enseignement de l’histoire devient de plus en plus normatif, tant sur le plan des contenus que sur celui des stratégies d’enseignement. Est-ce une bonne chose? Cette situation conduit-elle à restreindre abusivement « la liberté d’action des enseignants? »

La place de l’enseignement de l’histoire nationale et celle de la notion de nation dans cet enseignement se posent, au Québec, dans le polémique contexte politique et social que nous connaissons; or cela soulève des questions non seulement politiques, comme on ne cesse partout de le rappeler, mais aussi épistémologiques. Quel est, par exemple, le statut de la vérité en histoire et que s’ensuit-il de la réponse donnée à cette question pour son enseignement, ici et maintenant?

Une autre importante question soulevée a trait à cet apprentissage des modes de pensée de l’historien, et donc de certaines capacités intellectuelles de haut niveau, qu’on veut désormais enseigner dès le primaire, en parallèle avec l’enseignement des faits historiques. Est-ce là, ou non, une décision judicieuse? Comment parvenir à un juste équilibre, le cas échéant?

Finalement, un enseignement de l’histoire « tributaire de visées étatiques » pose de manière aiguë la question de l’enseignement de sujets « politiquement et socialement sensibles ». Comment les aborder, du moins ceux parmi ces sujets dont on aura soutenu qu’il convient de les aborder?

Peu importe où vous en êtes dans votre réflexion sur ces questions — et sur de nombreuses autres, afférentes — je fais le pari que ce désormais incontournable ouvrage, par la quantité de précieuses informations historiques qu’il réunit, vous aidera à approfondir vos idées et peut-être même, qui sait, à les modifier.

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