Solidarités

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Pas moins d’une trentaine de personnes appartenant à trois générations ont mis en commun leur expertise et leur expérience pour produire Passer de la réflexion à l’action, cet ouvrage consacré « aux grands enjeux de la coopération et de la solidarité internationale ». Le résultat est un livre stimulant et particulièrement riche par l’abondance et la qualité de l’information qui y est présentée.

L‘ouvrage proposé ici pourra se décrire comme un véritable et très pédagogique compendium de la solidarité internationale telle qu’elle s’exprime aujourd’hui au Québec et, chose très précieuse, comme une déclinaison de pistes et de suggestions concrètes permettant, comme le suggère le titre, de passer « de la réflexion à l’action ». La coopération internationale, on le sait, traverse en ce moment – du moins au sein des gouvernements qui ont trop souvent trahi leurs promesses et des grandes institutions qui l’ont typiquement portée depuis quelques décennies – une période de questionnement, de crise et de redéfinition. Un premier mérite de ce livre est d’aider à le comprendre en replaçant la solidarité internationale dans une perspective historique et en rappelant les défis qui se posent dans le contexte actuel où sévissent notamment de graves crises (économiques et écologiques), de violents conflits, de la famine et des fractures sociales qui s’aggravent sur fond de « politiques de prédation » endossées par les principaux États du monde. L’ouvrage se divise ensuite en quatre grandes parties, suivies de trois textes donnés comme autant de manières de ne pas conclure.

Radiographie
La première partie décrit les grandes tendances qui traversent notre monde, à la fois uni « par l’économie et les puissances qui la manipulent » et divisé « par les immenses fractures qui polarisent les sociétés tant au Nord qu’au Sud ». Raphaël Canet explique d’abord, de manière très claire, ces transformations macroéconomiques survenues depuis quelques décennies (mondialisation, néolibéralisme, privatisation, accords de libre-échange, etc.) puis en expose, avec minutie, les conséquences sur le développement en termes d’inégalités croissantes et de pauvreté. Il rappelle ensuite comment, dans le contexte des crises survenues depuis une dizaine d’années, le monde se redessine, avec de nouvelles lignes de fracture et des rapports de force inédits. Pierre Beaudet ferme cette première section en tirant de tout cela les leçons pour le Canada et en notant en particulier la substantielle diminution de l’aide gouvernementale canadienne au développement, mais aussi ce nouvel élan de la société civile en faveur d’une solidarité internationale, lequel s’inscrit dans le plus vaste mouvement de l’altermondialisation.

Par l’autre bout de la lorgnette
La deuxième partie du livre donne des exemples concrets de peuples qui résolvent à leur manière les problèmes auxquels ils sont confrontés. Canet ouvre cette section en rappelant ce qu’est l’altermondialisme et les formes qu’il prend. On est ensuite amenés par Pierre Beaudet au Brésil, en Inde, au Mali, en Bolivie, en Afrique du Nord et au Proche-Orient pour y observer ce qui se passe dans ces laboratoires où s’inventent des solidarités et des outils de lutte. Chacun de ces chapitres se referme sur une liste de ressources permettant à qui le désire d’en savoir plus.

Nouvelles solidarités
La section suivante donne la parole à des militantes et militants engagés dans l’action et dresse un portrait des nouvelles relations qui se construisent grâce à leur action entre le Québec et les pays du tiers-monde. La réflexion de François Audet sur l’humanitaire contemporain qu’il décrit comme une « pensée qui cherche une nouvelle légitimité d’action », sur ses mérites, mais aussi ses limites, voire ses dangers (notamment en raison de sa possible instrumentalisation politique), a particulièrement retenu mon attention. Il est aussi question dans ces pages, entre autres, des fameux bateaux pour Gaza dont on a beaucoup entendu parler à l’été 2011, des femmes, du mouvement Occupy et de bien d’autres manifestations de la solidarité exprimée par des actions de la société civile.

Agir
La dernière partie du livre suggère des pistes concrètes d’action. Sa lecture fait un bien immense parce qu’on y rappelle que des gens admirables s’engagent et font des choses. Surtout, on y apprend comment faire comme eux si on le désire. Parmi les nombreux sujets abordés : la coopération volontaire, les stages, l’économie sociale, l’art d’influencer les gouvernements, la défense des droits de la personne en Amérique latine, la lutte contre la guerre et la militarisation, les combats pour la souveraineté alimentaire, et j’en passe.

Après Louise Beaudoin et Paul Gérin-Lajoie, qui partagent leur vision du développement international, Gervais L’Heureux et Amélie Nguyen ferment l’ouvrage sur ces mots qui me semblent particulièrement justes : « Chaque lutte sociale contre l’injustice, la violence, pour le respect de l’environnement ou des droits de la personne, peu importe où elle se déroule, est en fait une lutte pour l’ensemble de l’humanité, en vertu de notre commune dignité. La solidarité internationale passe indubitablement par une remise en question de ce que nous percevons comme l’altérité et ce que devraient être les biens communs de l’humanité. »

Il me faut insister sur les grandes qualités pédagogiques de ce beau livre où on trouvera, en abondance, tableaux, illustrations, cartes, graphiques et encadrés qui aident grandement à assimiler la masse d’informations proposée. L’ouvrage se termine sur un carnet d’adresses où se retrouvent les organismes membres de l’Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI) : de quoi aider les personnes que ce livre aura rendues désireuses de s’engager à faire leurs premiers pas dans la solidarité internationale.

On ne peut que souhaiter qu’elles soient de plus en plus nombreuses.

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