Je vous invite cette fois à lire Marie-France Bazzo, qui voudrait que nos médias fassent mieux.

Tout le monde, au Québec, connaît l’animatrice et productrice Marie-France Bazzo, qui est depuis très longtemps présente et très appréciée dans nos médias.

Avec Nous méritons mieux : Repenser les médias au Québec, madame Bazzo nous propose, sur cet univers qu’elle connaît bien, un essai à mon sens brillant et important dans lequel elle s’efforce de cerner les actuels défauts des médias, mais aussi de proposer des moyens de les corriger afin de faire en sorte qu’ils fassent mieux — en étant notamment « plus préoccupé[s] par le bien commun ».

Son premier chapitre retrace son parcours et situe le lieu d’où elle parle. Elle y rappelle l’importance qu’a eue pour elle celui qu’elle désigne comme son mentor, Pierre Bourgault.

Les chapitres suivants? En espérant vous donner le goût de lire ce bel essai, je vous propose des idées que l’auteure y défend et qui donnent à méditer.

Des idées
Le diagnostic. Celui qu’elle pose sera sans doute partagé par beaucoup. Déçue de son milieu, celui des médias, et même de plus en plus fâchée avec lui, Bazzo juge que « ces dernières années, ce terrain semble se rétrécir, des miradors s’érigent, des camps se dessinent. Il y a mésinformation, désinformation, guerre des tranchées, abondance de babillage et raréfaction du travail de fond ».

La télévision. Malgré la parenthèse de la COVID, qui a ramené un vaste auditoire aux émissions d’information, la télévision se porte mal et recule devant le numérique. Mais n’est-elle pas en partie aussi responsable de ses malheurs, en misant trop sur des recettes connues, sur du vécu, sur du babillage et du chialage, sur des vedettes (les fameux A), sur la facilité, plutôt que d’élever le débat et de parler de ce qui préoccupe réellement (ou devrait préoccuper) les citoyens?

La chronique. Des médias devraient chercher à créer, par le haut, du lien social. Mais il arrive souvent qu’ils divisent, notamment par « ces chroniques incendiaires et répétées, par exemple à propos de l’immigration, du port du voile, du racisme systémique, et ce, à gauche et à droite ». Cela contribue à installer un climat social déplorable.

Le jeunisme. À la télévision et de plus en plus à la radio, cette forme d’âgisme sévit. Elle a du bon, bien entendu, et la confrontation dans les médias des idées de toutes les générations est souhaitable. Mais cela se passe souvent en excluant les personnes plus âgées, surtout les femmes, et entraîne un manque de fluidité et une perte mémorielle.

La pureté et la censure. Jeunesse et obsession de pureté, qui semblent se conjuguer dans les médias et dans la société civile, font de nouveaux censeurs et amènent à préférer l’absolu plutôt que le mieux, à perdre le sens des nuances, et même à s’autocensurer, à ne plus oser dire en public ce qu’on pense réellement — par exemple de la rectitude politique sur les campus. Et sur d’autres sujets.

Le règne de l’opinion. Celle des chroniqueurs, bien entendu, mais aussi celle de tous ces invités, de ces vedettes, dont les humoristes, qui se prononcent sur tout. Elle ne coûte à peu près rien à produire, peut être spectaculaire et faire de l’audimat. Mais sa maigre valeur fait souvent qu’on la jette aussitôt.

Bazzo raconte avec humilité sa propre participation à ce jeu, avec Mario Dumont au micro de Paul Arcand, ou encore comme animatrice ou comme productrice.

L’humour. Ce n’est pas d’hier que l’humour est roi chez nous, et cela a bien entendu du bon. Mais l’humour et le divertissement qu’il procure, omniprésents, sont devenus le petit frère de l’opinion, une des mamelles des médias québécois. Mais ne pourrions-nous pas « faire preuve d’élévation en divertissant », avec des contenus joyeux et plaisants qui élèvent le niveau?

Les réseaux sociaux. L’opinion y prolifère également, mais ils alimentent aussi, notamment avec les algorithmes, outre des fake news, une forte et déplorable polarisation. Il est dangereux de voir de grands médias reproduire cet état de fait. « Ce qui en résulte est du bruit. Beaucoup de bruit. Des insultes en majuscules, des invectives. » Le libre penseur, de nos jours, se fait rare.

La bien-pensance médiatique. Le Québec se fracture : riches et pauvres; Montréal et les régions; diversitaires et identitaires. Avec, en sous-thème, la rectitude politique, les débats sur le racisme systémique et des extrémistes de tous les bords. Ici, « la gauche radicale bénéficie peut-être d’un sauf-conduit par rapport à la droite ».

D’autant qu’il y a dans la société québécoise un clash. « Il s’agit du fossé qui se creuse entre une minorité militante, plutôt urbaine, très organisée, très articulée, disposant de tribunes nombreuses et diversifiées, et la majorité de la population, disséminée sur l’ensemble du territoire et qui vote pour la CAQ, qui est plutôt silencieuse et qui ne se reconnaît pas dans ces discours branchés. »

Des voies de sortie. Que dans les médias on nous parle clairement, qu’on nous explique les choses, qu’on prenne le temps de discuter, de débattre, qu’on s’intéresse à autre chose qu’à nos préoccupations immédiates, qu’on cesse de nous prendre « pour des sous-doués qu’on gave ». Cela se fait parfois, prend-elle le soin de dire.

Bazzo donne de nombreuses idées concrètes pour faire mieux. Parmi elles, programmer des émissions sur les livres et sur la philosophie. J’appuie!

Envie d’en savoir plus? Lisez le stimulant essai de Marie-France Bazzo. Il vous fera réfléchir sur des questions vitales pour notre société.

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