Deux ouvrages percutants qui nous rappellent l’urgence de la situation climatique.

En février dernier, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat des Nations Unies (GIEC) a publié un (autre) imposant rapport nous mettant en garde contre ce qui nous attend si nous n’agissons pas rapidement pour contrer le réchauffement climatique.

Ce n’est pas gai et c’est même déjà en marche. On a, et on aura, des vagues de chaleur, des inondations, des incendies de forêt, des sécheresses, causant : des migrations massives, une diminution des ressources en nourriture et en eau, des crises de santé publique, et j’en passe.

Arrivent là-dessus deux éclairants ouvrages de chez nous.

La bataille sans fin
Raymond Lemieux, qui a longtemps dirigé la revue Québec Science, pose d’entrée de jeu la question sur laquelle reviendra son livre, Écologie : Une bataille sans fin : « Saccager le monde en toute connaissance de cause n’est rien de moins que honteux, égoïste, grossier et criminel. Comment peut-on oser le faire? »

Car le fait est que nous continuons de le faire, malgré la progressive prise de conscience, les mises en garde, notamment de scientifiques et d’écologistes, les conférences internationales. Que faire, alors? Comment agir et ne pas succomber à un suicidaire fatalisme?

Lemieux, à travers documents d’archives et entretiens avec des personnalités marquantes, propose un rappel de cette prise de conscience écologique chez nous et dans le monde entier, des combats qu’elle a entrepris, de ses avancées et de ses reculs.

On aborde d’abord (première partie) la progressive prise de conscience écologique qui s’installe à partir des années 1960 : des scientifiques commencent à alerter la population, et des groupes, des lanceurs d’alerte, se mobilisent.

On traite ensuite (deuxième partie) de la prise de conscience du lien entre une économie misant sur une infinie croissance et ayant recours aux énergies fossiles, et l’écologie. On constate alors de mieux en mieux que la crise est planétaire. Le politique intervient, par des colloques, des conférences et des ententes diverses.

Puis (troisième partie), on aborde les plus récentes formes de militantisme devant une situation perçue avec raison comme de plus en plus grave, un militantisme porté par une nouvelle et anxieuse génération. Une nouvelle éthique citoyenne se dessine alors et Lemieux rappelle notamment les initiatives de Dominic Champagne.

Le livre contient une foule impressionnante d’informations précieuses sur les sujets qu’il aborde. S’y mêlent quelques tranches de vie de l’auteur, des rappels du rôle qu’ont joué certains grands personnages dans tout cela et une riche chronologie des événements, des découvertes et des initiatives politiques, de 1856 à nos jours.

En conclusion, Lemieux rappelle de précieux gains du mouvement écologiste depuis les actions de ces précurseurs jugés utopistes des années 1960, mais tout en disant qu’il reste beaucoup à faire et que le temps presse. Il cite pour finir la chanson bien connue l’Hymne à la beauté du monde : « La dernière chance de la Terre, c’est maintenant qu’elle se joue. »

Le terrible désengagement de l’État
Ce n’est pas Louis-Gilles Francœur qui le contredira.

Ancien journaliste du Devoir spécialisé en environnement, il a ensuite été vice-président du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE). Avec son collaborateur, l’économiste Jonathan Ramacieri, il passe en revue les actions menées par notre ministère de l’Environnement, lequel fut créé en 1979, et qui s’appelle aujourd’hui le ministère de l’Environnement et de la lutte contre les changements climatiques.

Leur constat est décourageant. Ce ministère est resté « junior », montrent les auteurs, et n’a jamais eu les moyens (notamment financiers) de remplir sa vitale mission. On lui accordait presque 1% du budget de l’État lors de sa création : ce fut 0,39% durant la période d’austérité du gouvernement Couillard, et c’est seulement 0,45% en 2020-2021.

Pire : la mission de ce ministère vital a été dénaturée, amputée, le transformant en une sorte d’accompagnateur de projets protégeant, dans une importante mesure, les intérêts économiques des promoteurs et des industries, leur servant, pour le dire en un mot, et c’est le titre de ce riche ouvrage, de « caution verte ».

Dans La caution verte, on vous démontre tout cela, avec chiffres à l’appui, sur divers sujets comme l’assainissement des eaux, les interventions en milieu agricole, dans le secteur des mines, dans la lutte aux changements climatiques.

Que faire, alors que la situation demande que l’on agisse vite? Les auteurs invitent, « dans le cadre d’un vaste débat public », à revoir « la place et le rôle du ministère de l’Environnement au sein de l’État québécois ». On aimerait que cela se fasse…

Le récent rapport du GIEC est clair : les changements climatiques sont une menace pour le bien-être humain et la santé de la planète et tout retard dans l’action mondiale concertée et anticipée en matière d’adaptation et d’atténuation nous fera passer à côté d’une brève fenêtre d’opportunité qui se referme rapidement pour garantir un avenir vivable et durable pour tous. Dans les mots de Francœur et Ramacieri, pour « notre sécurité et notre bien-être ainsi que pour la sécurité et le bien-être des générations futures ».

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