Je vous propose deux ouvrages qui parlent d’éducation. Ils sont bien différents : l’un est de nature plus philosophique, l’autre raconte d’intéressantes histoires de vie. Mais tous deux prennent très au sérieux leur sujet et ont des choses importantes à proposer à notre réflexion.

Yvon Rivard est depuis longtemps déjà célèbre dans les milieux de l’essai et de la littérature. Ce professeur d’université aujourd’hui retraité a toujours eu l’enseignement et l’éducation au nombre de ses préoccupations et de ses centres d’intérêt.

Le chemin de l’école réunit de ses textes déjà parus ou inédits qui traitent de divers aspects de l’éducation, tant scolaire qu’universitaire, mais dans lesquels on trouvera une forte unité qui tient à la haute, généreuse, mais aussi exigeante conception qu’il se fait de l’éducation et de l’enseignement.

Ce livre riche et passionnant ne se laisse toutefois pas facilement résumer en quelques paragraphes et on me permettra donc de souligner trois thèmes particulièrement stimulants qui le traversent : j’espère qu’ils vous donneront envie de le lire.

Le premier est son analyse, à mon sens juste et importante, et qui irrigue tout le livre, de la relation pédagogique. Celle-ci est décrite comme la rencontre entre étudiant et professeur dans la durée, à l’abri des bruits du monde, autour du savoir aimé. Elle se déploie en un monde commun par « le désir de découvrir et de partager » et avec le souci de ne perdre ni le savoir ni le monde, faute de quoi deux formes de barbarie peuvent se manifester, par ignorance du savoir, dans un cas, par défaut de le relier au monde, de l’y faire vivre, dans l’autre. Cette liaison est justement faite sur ce chemin de l’école, qui donne son titre au livre. C’est là un lieu de flâneries, d’émerveillement, d’émotions et d’amour. Sur ce thème, l’auteur écrit certaines de ses plus belles et de ses plus émouvantes pages.

Le deuxième est une méfiance à l’endroit d’une froide et mutilante réduction à une simple technique de la relation pédagogique, voire de toute l’éducation. « J’ai eu la chance de ne pas être formé par des pédagogues », écrit Rivard.

Ce « pédagogisme » qu’il dénonce prend parfois la forme d’une sorte de « surthéorisation » de ce qui reste en bout de piste aussi un art et ce mal peut aussi toucher la littérature, et même, en un sens, affliger la vie académique elle-même.

Ce qui me conduit au troisième grand thème de ce livre que je veux rappeler.

Il concerne cette inquiétude de l’auteur devant une certaine récente transformation, elle aussi techniciste, de l’université, de l’enseignement et de la recherche. Je ne saurais trop dire à quel point me semble juste et importante sa mise en garde contre les périls des « tracasseries administratives » jointes à « l’évaluation des pairs, l’obligation de produire ou de périr, la course aux colloques et aux subventions sous peine d’être méprisé ou congédié ».

Toutes les personnes intéressées par l’éducation, et en tout premier lieu les enseignants et les professeurs, trouveront dans ce livre de quoi non seulement mieux comprendre leur profession mais aussi l’aimer, en en mesurant l’importance et en comprenant mieux certains des ennemis, pas toujours faciles à déceler, qui la menacent aujourd’hui.

Parcours de garçons sur le chemin de l’école
Dans Lâchez pas, les gars!, François Cardinal a eu l’heureuse idée de demander à des hommes qui ont eu des difficultés à l’école de raconter leur parcours, de dire comment ils ont fini par le compléter, tout en rappelant les leçons apprises ce faisant.

On retrouve ainsi dans ce livre une douzaine de témoignages d’« anciens cancres », des témoignages certes différents, mais qui tous, chacun à leur manière, rappellent l’importance de l’éducation et incitent les garçons à ne pas décrocher. Celui qui témoigne raconte justement comment il est parvenu à le faire.

On sera sans doute surpris des noms de bien des signataires. Le Dr Stanley Vollant est un ancien cancre ; tout comme le ténor Marc Hervieux, l’artiste et écrivain Marc Séguin, l’entrepreneur Alexandre Taillefer, sans oublier celui qui a dirigé cet ouvrage, François Cardinal, aujourd’hui éditorialiste à La Presse.

Les raisons qui font qu’on a « mal à l’école », si je peux dire, sont nombreuses et variées (ennui, hyperactivité, pratique d’un sport de haut niveau, et bien d’autres) tout autant que les raisons qui font qu’on s’accroche ou qu’on raccroche (le hasard d’une rencontre, la découverte d’une passion, la reconnaissance d’un manque, etc.) et c’est un des mérites de cet ouvrage de nous faire découvrir tout cela.

Prenez le cas de Steve Bégin. Celui-ci a connu de 1996 à 2014 une belle carrière dans la LNH. À la fin de celle-ci, conscient qu’il lui « manque quelque chose », comme il dit, il décidera courageusement de compléter son secondaire, ce qu’il n’avait pas fait plus jeune alors qu’il était tout entier dévoré par son désir de jouer au hockey. Il rappelle d’ailleurs, et on s’en félicite, que les ligues de hockey obligent maintenant les jeunes à poursuivre leurs études. « Mes filles sont fières de leur père, dit-il, et ça me touche, parce que je veux être un exemple. »

Ce livre fournit de nombreux et inspirants exemples à connaître et à faire connaître pour faire « persérêver », comme disent malicieusement des enseignants…

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