Je vous propose deux livres passionnants qui aident à mieux comprendre deux tragédies de notre époque.

Nous traversons en ce moment, avec la grave crise du coronavirus, un épisode tragique de notre histoire. Il a de terribles répercussions sur nos vies et on mesure mal les effets qu’il aura sur nous à long terme.

Ce n’est pas tout. Car depuis quelques décennies déjà, n’en déplaise aux sceptiques et aux négationnistes, l’humanité traverse une autre grave crise — même si ses conséquences dramatiques, plus lointaines, ne se font pas encore beaucoup sentir sur nous tous : celle du réchauffement climatique.

Ces deux crises sont les sujets des livres que je vous propose cette fois.

Êtes-vous écoanxieux?
Noémie Larouche, géographe, est très impliquée dans la vulgarisation scientifique destinée aux jeunes — à travers de belles revues comme Curium, Les Débrouillards, Les Explorateurs.

Scientifique, elle connaît donc bien, et depuis longtemps, le dossier du réchauffement climatique anthropique. Mais, comme beaucoup, elle n’avait pas prévu les douleurs psychologiques qu’il causerait chez les jeunes.

Son livre nous propose donc d’explorer avec elle et de chercher à comprendre cette nouvelle et dramatique réalité qui a désormais son nom : l’écoanxiété.

Dans Écoanxiété, des psychologues, des psychiatres, des sociologues, des scientifiques sont convoqués pour tenter de comprendre cette singulière peur, ses causes, ses effets (nous sommes tous et toutes « coupables et témoins » d’un drame) et comment il conviendrait de réagir face à elle, individuellement et collectivement.

Ces analyses plus théoriques sont entrecoupées de réflexions personnelles de l’auteure racontant l’écriture de son livre ainsi que d’histoires de vie qui nous mettent en face du phénomène. En voici une.

Elsa Kasi, Montréalaise née dans une famille originaire du Bangladesh, n’ira pas dans ce pays : il lui faudrait pour cela franchir en avion 12 000 km et ajouter bien du CO2 à l’atmosphère terrestre. Cette seule idée lui est insupportable, plus encore quand elle voit les inondations et cyclones qui surviennent là-bas. Elle en a le souffle coupé et fond en larmes. Elle souffre d’écoanxiété, ce fardeau légué aux jeunes générations, notamment par des années de négligence environnementale et par une vaste et profonde coupure avec la nature qui caractérise notre monde presque entier.

Tout cela fait de ce livre une lecture instructive qui réussit à maintenir notre intérêt.

En le refermant, passablement secoué, je suis revenu sur la belle préface que signe le médecin et écrivain Jean Désy pour y relire ces mots : « Osons croire en demain. »

Les pandémies et celle que nous traversons
Sonia Shah est elle aussi une réputée journaliste scientifique.

Dans le livre Pandémie, paru en 2016 mais publié ici avec une préface datée d’avril 2020 qui porte sur l’arrivée du coronavirus, elle se penche sur les pandémies, leurs causes et leurs effets ainsi que sur nos tentatives pour les vaincre. Elle aborde le sujet du double point de vue des sciences médicales et des sciences sociales et tout le monde y apprendra beaucoup de choses, des choses passionnantes, mais aussi souvent inquiétantes.

Son premier chapitre s’ouvre en Chine sur ce qu’on appelle un « marché humide », c’est-à-dire un marché urbain en plein air où on vend des animaux sauvages vivants pour consommation. Celui-ci sera la source du SRAS qui, en 2002, a failli causer une pandémie. L’auteure y raconte justement dans ce chapitre ce saut des agents pathogènes, qui passent d’une espèce à l’autre et du monde non humain au monde humain, qu’ils infestent. On y parle notamment du choléra, du virus du Nil et de l’Ebola.

Les trois chapitres suivants expliquent comment nos conditions de vie sont propices à la propagation des virus. Shah traite tour à tour du rôle que jouent les transports à l’échelle planétaire, qui sont de plus en plus rapides; de nos conditions de vie où se multiplient les déjections (« Les excréments humains regorgent de bactéries et de virus […] dans chaque gramme il peut y avoir jusqu’à un milliard de particules virales »), le tout étant encore aggravé par l’effet multiplicateur de l’entassement dans nos villes à très haute densité humaine.

Les trois chapitres suivants racontent les efforts pour lutter contre les pandémies et ce qui les freine. Ces chapitres seront une précieuse lecture en ces heures tragiques que nous traversons, tout particulièrement les passages où l’auteure explique ce qui peut freiner ou retourner contre nous ces efforts. Des intérêts privés jouent parfois ici un rôle, tout comme divers facteurs pouvant freiner ou scléroser la recherche scientifique.

Le chapitre 8 pourra, si besoin était, donner de quoi aggraver votre écoanxiété. On y traite en effet des changements climatiques, en racontant comment ils vont accroître les dangers d’épidémie. Par exemple, les zoonoses (les maladies transmises de l’animal à l’humain) tendent à provenir d’animaux qui aiment les températures chaudes, comme les moustiques, les tiques et les chauves-souris.

Le chapitre final de ce livre est une réflexion sur notre place dans un monde microbien, sur l’importance, puisque nous ne pouvons prévenir complètement les pandémies, de les détecter le plus rapidement possible et pour cela de « renforcer et élargir le système actuel de surveillance des maladies ».

L’actualité nous rappelle à quel point la leçon doit être prise très au sérieux.

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