Deux ouvrages sur deux sujets de grande actualité : le réchauffement climatique et le racisme. Il faut en parler. Et ces livres nous y aideront.

La science nous met en garde depuis des décennies, notamment avec les rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), et elle le fait avec des tonalités de plus en plus impérieuses et inquiètes : la crise environnementale planétaire est le grand défi auquel l’humanité fait face en ce moment.

Qu’est-ce que cela signifie concrètement chez nous?

Il est prévu que l’érosion côtière, d’ici 2064, entraînera la disparition de 5 300 bâtiments, de 1 300 terrains, de 300 kilomètres de routes et de 25 kilomètres de chemins de fer. Dès maintenant, 340 000 propriétés sont à risque d’inondation; la pollution atmosphérique et les feux de forêt pourront aggraver de nombreuses maladies chroniques (diabète, insuffisance respiratoire, maladies rénales et autres); et aux nombreuses morts prématurées à prévoir s’ajoutent des coûts astronomiques.

Sylvain Gaudreault a été député (il l’est encore…), ministre, et candidat défait à la direction du Parti québécois. Avec Pragmatique, il nous propose ici une réflexion sur cet incontournable sujet. Celle-ci est inscrite dans son expérience d’homme politique, avec tout ce qu’implique cette arène bien particulière comme horizon d’action.

Bien des acteurs du monde politique et économique se veulent pragmatiques : cela revient bien souvent à ne pas agir comme il convient sur la crise environnementale pour ne pas trop nuire à l’économie. Cette voie est une impasse, rappelle Gaudreault. Pour lui, l’heure est venue d’imaginer un autre pragmatisme par lequel le climat dicte l’action politique et permet une réponse à la mesure du défi auquel nous sommes confrontés.

Gaudreault rappelle certains gestes qu’il a posés ou permis que l’on pose durant ses années comme ministre et député. Mais surtout, il dessine les grandes lignes de ce que nous devons faire et qui est à des lieues de ce pragmatisme qui incite en ce moment le gouvernement Legault à construire un tunnel sous le fleuve au coût de 10 milliards de dollars.

Les actions qu’il préconise et qu’il veut rassembleuses, concrètes et efficaces sont apprises de son expérience politique. Elles s’articulent autour de deux axes. En amont, des politiques publiques ciblées (obligation de résultats avec cibles et reddition de comptes et loi antidéficit climatique, par exemple); en aval, des interventions plus techniques, comme des programmes d’assainissement des eaux, des mesures d’écofiscalité, des règlements sur la décontamination des sols.

La question du nationalisme est bien entendu abordée : Gaudreault pense que la pleine liberté du Québec et la lutte contre la crise climatique sont intimement liées.

L’ouvrage, de lecture passionnante, très documenté et très pédagogique, se referme sur ces mots dont nous avons bien besoin : « J’ai confiance en l’être humain. Mais chacun doit faire sa part. Se convaincre soi-même de l’urgence d’agir. Et passer à l’action. »

En terminant, je veux souligner le fait que Gaudreault raconte ce que sa prise de conscience doit au travail admirable d’Alexandre Shields, du Devoir, sur ces questions environnementales. Hommage mérité.

Racisme
Vous le savez : la question du racisme, de sa définition (est-il systémique, ou pas…), de ses causes et manifestations et surtout de la manière dont, en partant, il faut lutter contre lui, tout cela est plus que jamais à l’ordre du jour chez nous et fait souvent polémique.

Rodney Saint-Éloi, écrivain et éditeur, et Yara El-Ghadban, écrivaine et anthropologue, unissent leur voix pour nous en parler dans Les racistes n’ont jamais vu la mer, un livre remarquable, notamment par le ton avec lequel ces délicates questions y sont abordées.

Imaginez que vous vous retrouvez face à face avec des personnes sympathiques, intelligentes et sensibles que vous venez de rencontrer et qu’il vous semble possible de discuter avec elles d’une question aussi sensible que le racisme. Cela se fera avec respect, chacun évoquant son expérience et enrichissant avec elle la conversation. C’est ce qui se passe dans ce livre, avec en prime le talent des écrivains qui savent raconter et faire comprendre. Les voici évoquant leurs premières rencontres avec le racisme. Pour Yara (je la nomme par son prénom puisque même si je ne l’ai jamais rencontrée, j’ai le sentiment de la connaître), cela se passera à Dubaï, où elle va à l’école et assistera à l’humiliation par une professeure d’un élève soudanais appelé Nour.

Dans ce livre qui se lit comme un roman-essai, la littérature et l’éducation (le père de Yara lui disait : « Personne ne pourra t’enlever ton éducation ») occupent une place centrale. C’est par elles que nous découvrons qui nous sommes, que nous allons vers autrui, le comprenons et pouvons espérer créer un monde commun aussi vaste, beau et changeant que la mer qui donne son titre au livre et qui est une image de notre commune humanité. Yara écrit d’ailleurs : « J’ai seulement commencé à me sentir chez moi au Québec quand j’ai plongé dans sa littérature. » Et Rodney, qui a tant fait pour faire connaître et aimer des écrivains d’ailleurs et d’ici, renchérit : « Les livres nous protègent et voyagent à l’intérieur de nous. »

Voici un livre plus que bienvenu en ces heures où parler de sujets sensibles semble parfois si difficile.

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