Un ministre de l’Éducation qui partage sa vision de l’éducation; une députée atypique qui raconte son parcours et qui dit ses espérances : voilà ce que vous découvrirez dans ces deux livres dont je vous parle cette fois.

Il est rare, au Québec, que nos politiciens écrivent des livres.

Parmi les raisons qui l’expliquent, je ferais volontiers une grande place à notre réticence à débattre : or les sujets politiques, par définition, sont aussi, très souvent, des sujets polémiques.

Il faut donc saluer le courage de Sébastien Proulx, ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport, et de Manon Massé, co-porte-parole de Québec solidaire, qui ont pris le risque de mettre par écrit leurs idées.

Proulx et l’éducation
S’il est un sujet qui divise l’opinion, c’est bien l’éducation. Quoi enseigner? Pourquoi? Par quelles méthodes? Quel rôle pour l’État? Pour le privé? Les réponses à ces questions (et d’autres) font rarement l’unanimité, mais elles sont pourtant d’une extrême importance sociale, politique et économique.

D’emblée, Proulx explique qu’il a voulu « faire part de [sa] vision de l’éducation » et, à l’écart de tout programme électoral, « engager un dialogue », en invitant les gens du milieu à « poser de nouvelles bases de collaboration » en vue de la réussite éducative des enfants.

Le ministre avance ensuite des idées qu’on est heureux d’entendre venant de qui occupe ses fonctions : l’impérieuse nécessité pour l’État d’atténuer les inégalités devant l’école; l’importance du sens et du goût de l’effort; l’importance du travail parental autant durant la petite enfance, qui prépare à l’entrée à l’école, que lorsque les enfants sont à l’école; l’importance de soutenir les parents dans ces tâches; ce qui fait qu’enseigner n’est pas une profession comme les autres, pourquoi il nous faut la valoriser et pourquoi – j’ai applaudi! – il faut améliorer la formation des maîtres.

Il expose ensuite et défend trois actions qu’il a à cœur : le lab-école; repenser l’architecture scolaire; la révision nécessaire, pour cela, du cadre de construction du ministère.

Le livre défend bien d’autres idées sur lesquelles je ne peux m’attarder ici. Par exemple, une vision internationaliste de l’éducation, faite de partage entre nations et de diffusion des succès de notre école; il avance des réflexions sur la place et le rôle des commissions (et commissaires) scolaires et du ministère; traite du financement de l’école privée; des programmes particuliers de l’école publique; réfléchit sur les notions de compétence et de connaissance; sur l’enseignement de l’histoire; insiste sur l’importance de la culture générale et de la lecture; et traite de bien d’autres sujets encore. Au total, il défend des idées sur nombre de questions qui sont au cœur de nos débats actuels en éducation.

Vous ne serez pas d’accord avec Proulx sur tout, bien entendu. Moi non plus. Mais je salue cet effort, rarissime, pour un ministre titulaire d’un dossier chaudement débattu, de se mouiller et d’exposer publiquement ses convictions.

Soulignons que l’ouvrage est illustré de dessins de l’auteur, qui remet en outre tous ses droits à la Fondation pour l’alphabétisation.

Le parler vrai d’une politicienne atypique
Manon Massé, de son côté, raconte dans son livre son parcours, depuis l’enfance jusqu’à la carrière politique qu’elle poursuit et que l’on connaît assez bien. Le ton adopté, très agréable, est celui de la conversation et de la confidence amicale.

L’ouvrage s’ouvre sur la victoire électorale du 7 avril 2014 remportée par Massé dans Saint-Marie–Saint-Jacques : puis, flashback jusqu’à l’enfance à Winsdor, puis à Boucherville, dans une famille catholique de culture populaire.

Suivent, en rafale : le secondaire, le Cégep Edouard-Montpetit, puis les études de théologie à l’Université de Montréal et la découverte, en lisant un passage de l’évangile de Saint-Mathieu, que son chemin « est avec le monde, le monde des exclus ».

Son parcours passe alors par les milieux communautaires et l’éducation populaire et s’inscrit dans la lutte concrète contre la pauvreté et l’exclusion. La marche Du pain et des roses, la rencontre déterminante avec Françoise David le 17 mars 1994, le travail à la Fédération des femmes du Québec et la Marche mondiale des femmes sont des jalons qui la conduisent à entrer en politique, avec Québec solidaire, un parti fondé le 2 février 2006.

Le livre revient bien entendu sur les positions adoptées par ce parti et par Massé elle-même sur des questions débattues dans l’opinion depuis une dizaine d’années : la grève étudiante de 2012, la Charte des valeurs, la situation des peuples autochtones, le nationalisme, l’aide sociale, le réchauffement climatique et la transition énergétique, les pétrolières et d’autres encore.

Massé consacre aussi de belles pages à des sujets plus personnels ou à des affaires dans lesquelles sa personnalité a été plus en vue du public : son apparence physique, son orientation sexuelle, la controverse autour du mot patrimoine, l’affaire du « pogo le plus dégelé de la boîte ».

Mais ce qui ressort surtout du livre, c’est le courage d’une politicienne différente, qui défend exclus et démunis et qui affirme ses valeurs et ses espérances. Les deniers chapitres les déclinent en matière de santé (il est notamment question de couvrir la santé dentaire par la RAMQ), d’éducation et de souveraineté portée par un projet de création d’une assemblée constituante.

Est-ce faisable, tout cela? Massé conclut en assurant que « seul.e, on n’arrive jamais à rien. Ensemble, on est capable de beaucoup. La suite est entre nos mains ».

Cette fois encore, vous ne serez pas d’accord avec l’auteure sur tout. Moi non plus. Mais je salue cet effort, rarissime, de qui aspire à diriger notre province, d’exposer ainsi ce qu’elle pense et souhaite.

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