Je vous propose deux livres racontant autant de parcours bien singuliers : celui du nouveau chef du Parti québécois; et celui d’une nouvelle adepte du véganisme.

Au moment où j’écris ces lignes, Paul St-Pierre Plamondon (PSPP) vient tout juste d’être élu chef du Parti québécois.

Peu auparavant, il avait publié son deuxième ouvrage, Rebâtir le camp du Oui.

Ses thèses centrales sont que « l’indépendance du Québec est une question de survie linguistique et culturelle »; que d’avoir voté non en 1995 a contribué à affaiblir nos institutions avec les gouvernements de Charest et de Couillard; et qu’en « situation de crise, le fait que le Québec ne dispose pas de tous les pouvoirs nécessaires à la gouverne de son État comporte des risques importants pour notre santé, notre sécurité et notre prospérité ».

PSPP raconte d’abord (chapitre 1), de manière captivante, son étonnant parcours de jeune homme qui le destine à être fédéraliste, mais qui deviendra indépendantiste. On vit tout cela en sa compagnie, de l’intérieur des organisations et des partis concernés, avec en prime des éloges pour certains (comme Jacques Parizeau) et des critiques, parfois sévères, pour d’autres (comme Mélanie Joly).

Les chapitres suivants vont au cœur du sujet : rebâtir le camp du Oui, préparer et faire l’indépendance.

L’ouvrage aborde alors de très nombreuses et incontournables questions. Il traite aussi de ce qui s’oppose à ce projet : les politiques fédérales qui conduisent au déclin du français et le Québec bashing, sans oublier le modèle d’intégration canadien et son multiculturalisme, qui incite l’immigrant à s’identifier « à sa communauté religieuse, culturelle ou nationale d’origine dans un premier temps et au Canada dans un second temps ».

Il réfléchit ensuite sur ce qu’il convient de faire pour réactiver ce projet national et enfin « sortir de trois siècles de colonialisme et d’injustice ». C’est ici, à mon sens, que le livre est le plus riche et actuel, et qu’il donne le plus à méditer. Faute de pouvoir les rappeler toutes, voici quelques-unes des avenues qu’il explore et des questions qu’il soulève.

Beaucoup pensent qu’il est aujourd’hui urgent que soient faits un travail de démondialisation et la reconstruction de la démocratie par les frontières nationales et la nation qui les dessine : le projet d’indépendance n’est-il donc pas plus opportun que jamais? Permettrait-il l’indépendance alimentaire? La fin des paradis fiscaux? Une économie différente, avec des PME québécoises? La lutte aux bulles immobilières?

L’auteur aborde aussi des questions très sensibles, comme le racisme et les accusations de racisme (parfois systémique) lancées par plusieurs; la laïcité; les accords économiques internationaux; l’écologie.

Immenses questions. Et pour les affronter, en bout de piste, PSPP propose de créer au PQ un « incubateur de recherche à la permanence du parti où étudiants, chercheurs et militants travailleraient de concert sur l’indépendance, le nationalisme et le Québec ».

Tout cela permettra-t-il une renaissance du PQ? On verra.

Végane, avez-vous dit?
Il est impossible de ne pas l’avoir observé, par exemple en fréquentant le grandissant rayon des produits végétariens au supermarché, ou en voyant se multiplier les restaurants du même genre. Quoi donc? Une nouvelle sensibilité, une nouvelle philosophie, une nouvelle manière de manger, de consommer, de penser la condition animale, et même, au fond, de vivre. Tout cela, encore marginal il n’y a pas si longtemps, se déploie à présent dans l’espace public et touche de plus en plus de gens.

Eve Marie Gingras est massothérapeute et on devine combien le toucher est important pour elle. Elle a justement son douloureux moment de révélation alors que de ses mains elle travaille du bœuf haché pour une recette d’empanadas. Un cadavre. Le haut-le-cœur qui s’ensuit.

Le texte qui raconte cet épisode est fort, mais les images le sont aussi. Car ce livre, Comment (et pourquoi) je suis devenue végane, est un essai en bande dessinée. Ce type d’ouvrage représente un gros défi et il est superbement relevé ici.

On suit donc le parcours par lequel l’auteure devient végane, ce qui est plus qu’être simplement végétarien : non seulement Mme Gingras ne mangera plus de viande ou de poisson, mais elle cessera de consommer des produits que l’on tire des animaux. « Si je ne voulais plus me nourrir d’animaux, je ne voulais pas non plus m’en vêtir ou m’en badigeonner le corps », écrit-elle.

Son parcours nous fait réfléchir et apprendre avec elle. Sur le traitement, la vie et la mort des animaux d’élevage ou de divertissement; sur la production de laine, de duvet, de fourrure, de lait et d’œufs, sans oublier le foie gras; sur les réactions de son entourage face à ses convictions et à son mode de vie; sur les façons qu’elle découvre de combler de manière satisfaisante ses nouvelles habitudes alimentaires; sur les implications et les significations politiques qu’elle découvre dans tout cela.

Il faut souligner les belles qualités pédagogiques de ce livre clair, informé et didactique. Et qui ratisse large, en traitant notamment, comme il se doit ici, de philosophie, d’éthique, de primatologie et de psychologie.

Vous ne serez peut-être pas d’accord avec tout ce que défend l’auteure. Mais son ouvrage vous fera réfléchir. Je fais le pari que vous visiterez désormais le rayon végé de votre supermarché. Et que vous ne verrez plus de la même manière ces camions qui transportent des animaux. Et plus encore. Qui sait?

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