Je vous suggère d’abord cette fois un bel essai portant sur un sujet on ne peut plus actuel : les périls de la mondialisation de l’économie et la possibilité d’imaginer ce que l’auteur appelle une « démondialisation ». Je vous parle ensuite d’un brillant ouvrage qui traite d’un sujet qui est, lui, toujours d’actualité : la musique.

Simon-Pierre Savard-Tremblay, qui est notamment chroniqueur au Journal de Montréal, nous propose une stimulante et solide réflexion sur la mondialisation (Despotisme sans frontières : Les ravages du nouveau libre-échange).

Il commence en rappelant comment, en ce moment, de nombreux indices rappellent que cet édifice de construction récente craque de partout. Parmi eux : Podemos en Espagne, le Brexit au Royaume-Uni, le rejet de l’AECG par la Wallonie, des révoltes populaires éclatant ici et là, ce populisme grandissant, et j’en passe.

Il souligne aussi, avec raison, que les règles de cette mondialisation chantée par les élites sont souvent négociées en secret, qu’elle est génératrice d’inégalités croissantes, qu’elle crée des individus mus par la recherche du « pouvoir de l’argent et de l’intérêt personnel » et qu’elle a conduit à ceci, qui est troublant, qu’en 2016, la liste des « 100 premières entités économiques du monde comptait 69 multinationales contre seulement 31 États ».

Cette mondialisation, qui se donne volontiers pour apolitique, qui se présente dans un vocabulaire d’experts incompréhensible pour le citoyen, a en outre retiré « aux collectivités les moyens d’agir sur leur devenir économique » et est pour cette raison, dit-il, « intrinsèquement antidémocratique ».

Pour comprendre ce qui s’est passé, il rappelle de manière claire et documentée comment cet édifice néolibéral s’est historiquement mis en place, depuis les libéraux classiques (Smith, Ricardo…) jusqu’à leurs descendants plus récents (Buchanan, Hayek…) et à ses incarnations dans ces nombreux accords de libre-échange.

Mais, on l’a dit, des contestations sont apparues, avec ces fissures évoquées plus haut, mais aussi des crises économiques, des inquiétudes quant au sort fait à la culture nationale, tout cela sur fond de darwinisme social façonné par une technologie qui redessine le territoire, les individus, l’éducation, et qui nous incite à ne chercher le bonheur que dans un individualisme économique.

Est-il possible d’inverser ce processus? De « démondialiser »? De raviver l’intérêt pour le politique et de redonner le « droit, pour chaque État, d’adopter les politiques publiques de son choix »?

L’auteur rappelle d’abord les cas de Trump (États-Unis) et de Macron (France), figures caricaturales qui « canalisent la colère des victimes du libéralisme qu’ils soutiennent dans les faits en dépit des slogans ».

Il avance ensuite un projet « d’agencement entre la restitution des souverainetés nationales et un internationalisme intelligent ». Cette avenue lui semble d’autant souhaitable que « sortir de l’obsession de l’accroissement perpétuel de la production est aussi une question d’humanité, de respect des valeurs qui relèvent du sens commun ».

Une lecture roborative.

De la musique avant toute chose (Verlaine)
Vous connaissez sans doute Michel Rochon pour l’avoir vu ou entendu à Radio-Canada vulgariser des nouvelles et de l’information scientifiques.

Comme moi, vous aurez alors certainement été séduit par ses qualités de pédagogue et par sa langue claire et précise.

Ces qualités se retrouvent dans le superbe livre qu’il consacre à une autre de ses passions, la musique (Le cerveau et la musique). Car Rochon est aussi musicien et compositeur.

La musique occupe une très grande place dans les vies de la plupart d’entre nous. Pas tous, cependant : car il existe aussi une étrange condition appelée amusie, qui fait qu’on ne perçoit pas la musique! Elle affecterait 1,5% de la population — ce qui représente tout de même quelque 360 000 personnes au Canada.

Tout aussi étrange est le cas de ces personnes qui souffrent de ce qu’on appelle le syndrome de Williams : leurs visages ressemblent à celui d’un elfe, elles ont un retard mental, vivent comme hors du temps, sont incapables de distinguer minutes, heures, jours, etc.; mais ces personnes possèdent pourtant un grand don musical.

Ce ne sont là que deux exemples de choses (parfois bien étonnantes, comme c’est ici le cas) que vous apprendrez en lisant Rochon, qui raconte savamment, mais de manière très accessible, ce qu’on sait (et aussi ce qu’on ne sait pas encore…) de la perception de la musique par nos sens et par notre cerveau.

Mais son livre, à mon avis remarquable, est bien plus que cela. Il s’ouvre sur le Big Bang, qui brise une sorte de silence originel, s’intéresse à l’émergence et à l’histoire de la musique, aux liens entre musique et divers autres domaines comme la médecine (saviez-vous que c’est à un médecin flûtiste, René Laennec, qu’on doit l’invention du stéthoscope en 1816?), les neurosciences, et même l’intelligence artificielle.

Il déboulonne au passage quelques idées reçues, par exemple ce supposé effet Mozart qui ferait qu’écouter ce compositeur rend plus intelligent. Et il explique pourquoi et avec quelles conséquences, chez les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, « l’écoute musicale et son effet dans de nombreuses régions du cerveau laissent leur empreinte un long moment avant de s’effacer ».

Il s’attarde aussi aux bienfaits de l’apprentissage de la musique, à la musicothérapie et à bien d’autres choses encore, toujours avec ce souci de faire connaître les travaux scientifiques récents sur le sujet abordé, quand il en existe.

Chaque chapitre de ce livre se termine sur des suggestions de textes à lire ou de musique à écouter, pour prolonger votre plaisir.

Voilà une lecture que vous ne regretterez assurément pas.

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