La première cuvée québécoise 2018 met à dure épreuve les relations amoureuses et la passion dévorante qui peut nous habiter pour un être ou une vocation. Qu’elle nous soutire le rire ou les larmes, la présente sélection de titres fait indéniablement mouche.

L’infidélité
Dans la foulée du ralentissement des activités éditoriales de la première incarnation de Mécanique générale – structure fondée en 2000 par un collectif d’auteurs qui fit l’objet d’un rachat par les éditions Les 400 coups et qui offrit la chance à une nouvelle génération d’auteurs d’être publiés –, le graphiste de profession et jeune auteur des Rapports annuels Luc Bossé lance en 2010 les éditions Pow Pow, question de pallier ce vide. Ainsi, il jette les bases de son catalogue avec les titres Apnée de Zviane et Yves, le roi de la cruise d’Alexandre Simard au scénario et dont il signe les illustrations. Les deux titres firent sensation, récoltant quelques nominations et prix. Mais la vie d’éditeur occupe, et dans le cas de Bossé, elle prit le pas sur celle d’auteur. Il aura donc fallu attendre huit années avant de renouer avec ce cher Yves, un Don Juan déglingué qui tient plus de Woody Allen.

Dans Le roi de la cruise, Yves tente désespérément de séduire. Rien à faire, la gent féminine le mortifie. Même les stratagèmes de son meilleur ami expert en drague ne parviennent à l’aider. Il finit – un brin par dépit – avec Danielle, cette fille qui, au mieux, réussit à se tailler une place dans la catégorie « plan B ». Voilà qu’on le retrouve dans Fidèle à lui-même, quelques mois seulement après la fin du premier volet. Alors qu’il est enfin en couple et qu’il emménage avec sa douce, les femmes lui font de l’œil. De la voisine sexy à la serveuse septuagénaire, elles succombent toutes à son inexplicable et soudain charme. Ainsi débutent les emmerdes, pour notre plus grand plaisir. De la fidélité à son amoureuse ou à ses propres aspirations, le bourreau des cœurs devra trancher.

Lafleur et Bossé livrent une brillante comédie romantique douce-amère dans laquelle on reconnaît des parcelles de notre propre lâcheté. Tout est méticuleusement dosé, tant dans les dialogues, d’une justesse exemplaire, que dans le trait et la mise en scène, économes et d’une redoutable efficacité. Malgré les huit années écoulées entre les deux tomes, rien n’y paraît. Le récit coule de source. Les auteurs trouvent même le moyen d’y mettre une dose d’inattendu. Outre l’inversion de situation, ils y vont d’une finale qui nous laisse pantois. L’attente aura largement valu le coup.

La passion
En 2013, Renaud Plante reprend les rênes de Mécanique générale, laissée à l’abandon par ses prédécesseurs à la suite du départ en 2008 de Jimmy Beaulieu, l’un des six membres fondateurs et directeur de collection. S’il ouvre son catalogue à de nouveaux talents, il continue d’en développer, comme c’est le cas avec Catherine Ocelot. Après un premier album en 2006, elle revient au médium de la bande dessinée en 2013 avec Talk-Show, étonnant album qui suscita la surprise et un grand intérêt. Et voilà qu’elle récidive avec La vie d’artiste, qui la hisse au rang des meilleures dialoguistes de la bande dessinée québécoise. Elle y aborde son rapport amour-haine avec la création artistique, interviewant quelques créateurs pour l’occasion. Comme Michel Tremblay et Siris, son récit marie avec brio l’intime et l’universel.

La rupture
En 2014, la jeune auteure Velm amorce la publication web de La première, qui lui vaut d’ailleurs les honneurs du concours Révélation Blog Sauvage au Festival international de la bande dessinée d’Angoulême l’année suivante. Racontant l’histoire d’une rupture amoureuse entre Ève et Xavier, chaque tome se consacre à un personnage. Dans le second tome, l’artiste braque les projecteurs sur Alex, le coloc coloré de Xavier. Oscillant entre humour et sensibilité, Velm nous plonge avec doigté dans la complexité des rapports amoureux. Son trait élégant, arrondi et expressif nous gagne dès la première page. Nul doute, Velm est promise à un bel avenir!

La tromperie
Le Québécois d’adoption Mikaël revient clore son formidable diptyque quelques mois seulement après la parution du premier tome de Giant. Le colosse irlandais venu aux États-Unis pour fuir un passé trouble travaille sur le chantier de l’Empire State Building. Son collègue et cochambreur périt dans un accident fatal, laissant femme et enfants dans le besoin. Il garde le secret de cette mort et entretient une correspondance avec la veuve, lui envoyant chaque mois de l’argent durement gagné. Incapable de mettre un terme à cette relation épistolaire, le géant rédempteur devra faire faire face à cette famille qui débarque sans s’annoncer. Mikaël conclut magistralement ce poignant récit qui nous plonge dans un New York des années 30 solidement documenté.

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