Un prix, ça change pas le monde , sauf que…

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Dans les rayons des librairies, on repère aisément ces livres pas tout à fait comme les autres, souvent bagués tels des oiseaux précieux promis à un grand voyage, entourés d’un bandeau ou étampés d’un sceau discret, qui se démarquent de la masse. Bague blanche, bandeau rouge, Femina, Gouverneur général, Renaudot, Prix des libraires du Québec: ce sont les ouvrages qui ont remporté l’un des nombreux prix littéraires d’ici ou d’ailleurs. L’éventail de ces récompenses toujours plus nombreuses, plus spécifiques, est très large, allant du prestigieux Goncourt français aux distinctions très pointues, quelquefois obscures, même.

Au sens strict, un prix littéraire est une distinction remise pour une performance en écriture parti­culière par des institutions gouvernementales ou non, des associations, des académies, des fondations ou des individus. Les prix reviennent à intervalles réguliers, qui sont variables, mais la plupart des remises se font annuellement et sont accompagnées d’une somme d’argent, d’une médaille ou d’une bourse, dont le montant est, lui, extrêmement fluctuant.

Pour un auteur, recevoir un prix constitue une forme de reconnaissance non négligeable, puisqu’elle consacre non seulement la qualité de son travail, mais lui permet de sortir du lot, d’attirer les médias et, parfois, de donner un coup de pouce aux ventes de son ouvrage. Pour l’éditeur, aussi, les prix sont prisés puisqu’ils représentent un outil de valorisation de leurs auteurs.

Le degré de notoriété d’un prix semble bien influer sur les chiffres de ventes. Par contre, certains prix ont avant tout une force de rayonnement et constituent une caution intellectuelle immense, que l’on pense entre autres au Nobel de littérature ou aux Prix littéraires du Gouverneur général.

Au Canada comme ailleurs, l’année est ponctuée par l’attribution des diverses récompenses. Ces rendez-vous, dans le monde du livre, sont plus ou moins attendus, plus ou moins incontournables, donnant parfois lieu à des spéculations intenses, en particulier dans le cas des grands prix français comme le Goncourt ou le Femina. Les jeux d’influence sont souvent féroces. Au Canada et au Québec, certains prix sont également des trophées très convoités.

Constellation de prix, donc, à un point tel que l’on est en droit de se demander s’ils sont trop nombreux, s’ils servent bien la cause des écrivains, de l’industrie du livre mais, aussi et surtout, celle des lecteurs. Les prix ont d’ailleurs, sur tous les continents, leurs détracteurs féroces, notamment parmi les auteurs, dont quelques-uns se refusent à jouer le jeu de la course aux trophées. Dans certains cas, même, le processus qui mène au couronnement est fortement contesté, parfois accusé de partialité et sans rapport avec la valeur littéraire des ouvrages.

À quoi, à qui servent les prix littéraires? Quels sont les enjeux derrière leur attribution? Ces
récompenses, très nombreuses, ont-elles toutes leur raison d’être? Parmi les éditeurs interrogés, aucun ne se mouille jusqu’au cou pour affirmer que non. Cependant, ils laissent tous entendre que voir un livre coiffé d’un prix, ce n’est pas rien; que ces distinctions ont de la valeur dans la mesure où elles provoquent, dans le meilleur des cas, une augmentation des ventes, relancent le livre, apportent du prestige à la maison et de la reconnaissance à l’auteur.

Genèse des prix au Québec
C’est en 1922 qu’Athanase David, secrétaire et registraire de la province de Québec, fait adopter la Loi pour encourager la production d’œuvres littéraires et scientifiques. Des concours naîtront dans le sillage de cette loi, d’abord financés par l’État, puis ils s’en émanciperont graduellement et se diversifieront. On estime qu’aujourd’hui, c’est près de 500 000$ qui sont remis chaque année par soixante-cinq organismes publics et privés qui gèrent des prix littéraires. Pour donner une idée de grandeur, on peut mentionner que l’édition 2006 du Répertoire des prix littéraires du Québec compte 85 inscriptions, avec parfois plusieurs catégories pour un même prix. Ainsi, si en 2003 on comptait 108 récompenses, en 2006, on en dénombrait 130.
Source : Prix littéraires du Québec: Répertoire 2006

Québec Édition
Québec Édition, un comité de l’ANEL dédié au rayonnement de l’édition québécoise et canadienne de langue française sur la scène internationale, s’est engagé à faire la promotion de douze prix littéraires d’importance remis au Québec dans les foires et les salons auxquels il participe, notamment la Foire du livre de Bruxelles, le Salon du livre de Paris et le Salon du livre et de la presse de Genève. Pour ce faire, des bandeaux ont été produits et un espace central sur le stand est réservé aux récipiendaires des prix littéraires promus. La liste des prix littéraires a été sélectionnée par les éditeurs. Le souci premier dans la création de cette liste était de promouvoir le plus grand nombre de genres littéraires.

Les 12 principaux prix concernant les œuvres d’ici
Grand Prix Quebecor du Festival international de la poésie
Prix du livre jeunesse des bibliothèques de Montréal
Prix Athanase-David
Prix TD de littérature canadienne
pour l’enfance et la jeunesse
Prix littéraire du Gouverneur général (toutes catégories)
Grand Prix du livre de Montréal
Prix Anne-Hébert
Prix Émile-Nelligan
Prix littéraire des collégiens
Prix littéraire Ville de Québec/SILQ (littérature
adulte et jeunesse)
Prix Adrienne-Choquette
Prix des libraires du Québec
Source : Association nationale des éditeurs de livres

Quelques prix remis au Québec, au Canada…

Prix littéraires du Gouverneur général du Canada
En 1937, Lord Tweedsmuir décernait les premiers Prix littéraires du Gouverneur général (GG). Au cours de leur histoire, ils sont devenus les prix canadiens les plus prestigieux. Depuis 1987, les Prix de littérature de jeu­nesse (texte et illustrations) et les Prix de traduction du Conseil des Arts du Canada (CAC) portent à sept le nombre de GG. Chacun des lauréats reçoit un exemplaire de son livre relié par un maître relieur et une somme de 15 000$ offerte par le CAC. Les prix sont accordés dans les catégories suivantes: romans et nouvelles, études et essais, poésie, théâtre, littérature jeunesse (texte et illustrations) et traduction. Les jurys de « pairs » (écrivains, critiques ou professionnels indépendants du secteur du livre) examinent tous les titres admissibles dans chacune des sept catégories, en fonction de leur qualité littéraire et artistique. Bourse: 25 000$ pourchaque prix.

Médaille de l’Académie des lettres du Québec
La Médaille de l’Académie canadienne-française a été décernée pour la première fois en 1946 à Gabrielle Roy, et l’année suivante à Germaine Guèvremont. Par la suite et jusqu’en 1980, elle n’est attribuée qu’occasionnellement. Depuis 1984, elle est appelée Médaille de l’Académie des lettres du Québec, et souligne l’importance de l’œuvre d’une personnalité de la vie culturelle québécoise.

Anne-Hébert
Le prix Anne-Hébert, créé en 2000 au Salon du livre de Paris, récompense un premier roman de langue française. Il est attribué par un jury franco-canadien. Les auteurs Mélanie Vincelette, Nicolas Dickner, Gilles Jobidon, Hélène Dorion et marie-Hélène Poitras l’ont déjà reçu. Bourse: 7 500$.

Prix littéraire des écrivains francophones d’Amérique
La Société des Écrivains francophones d’Amérique décerne chaque année un prix à une œuvre ainsi que trois mentions. Bourse: 1000$.

Gilles-Corbeil
Une bourse de 100 000$ est remise au lauréat. Ce prix, décerné pour la première fois le 27 novembre 1990, est triennal. Jacques Poulin l’a reçu en 2008. Prix des libraires du Québec
Ce prix a été créé en 1994 par le Salon international du livre de Québec en collaboration avec l’Association des libraires du Québec (ALQ). Il souligne l’excellence d’un roman québécois par sa qualité d’écriture et son origina­lité. Un roman étranger est aussi primé. Bourse: 2 000$.

Athanase-David
Ce prix a été décerné pour la première fois en 1922 à la suite de la création des concours littéraire et scientifique du Québec par Athanase David, alors secrétaire de la province. Il s’agit de la plus haute distinction du gouvernement du Québec en littérature. Le lauréat reçoit un chèque de 30 000$, accompagné d’un parchemin et d’une médaille en argent créée par un artiste québécois.

Grand Prix du livre de Montréal
Généralement décerné à la mi-novembre de chaque année et toujours la veille de la remise des Prix littéraires du Gouverneur général du Canada. Il récompense plusieurs genres (poésie, roman, nouvelle, conte, récit, littérature jeunesse, bande dessinée, écriture dramatique, essais). Bourse: 15 000$

Prix Trillium
Le Trillium Book Award a été créé en 1987 par le gouvernement de l’Ontario, qui voulait ainsi souligner l’excellence des écrivains et des écrivaines de la province, contribuer à leur promotion et sensibiliser le public à la qualité et à la diversité de leurs œuvres. Bourse: 20 000$

Grand Prix littéraire international Metropolis bleu
Ce prix honore dans une acception très large de grands écrivains contemporains. Bourse: 10 000$.

Chasse-Spleen de poésie
Ce nouveau-né existe depuis décembre 2008 à l’initiative des poètes Kim Doré, Jean-François Poupart et Catherine Lalonde. Il tient son nom d’un vin du même nom de la région de Bordeaux. Pour cette première édition, le jury était composé de soixante-quinze personnes. Il couronne une œuvre poétique qui a suscité chez les auteurs du Québec un enthousiasme spontané, et vise une œuvre encore
non primée.

Robert-Cliche
Institué en 1979, le prix Robert-Cliche est parrainé par la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) et par Québec Loisirs. Il est attribué à l’auteur d’un premier roman. La fiction primée est publiée chez VLB Éditeur. Le gagnant reçoit, en plus de ses droits d’auteur, une bourse de 5 000$ offerte par la CSQ.

Ringuet
Le prix Ringuet du roman de l’Académie des lettres du Québec a été créé en 1997 en remplacement du prix Molson de l’Académie. Une bourse de 1 000$ est remise au lauréat.

France-Québec
Ce prix se divise en deux volets, celui des lecteurs et celui du jury. Lancé à l’occasion du trentième anniversaire de l’Association France-Québec, le Prix des lecteurs vise à favoriser la diffusion et la connaissance en France de romans publiés au Québec et à susciter des rencontres entre les auteurs québécois et les lecteurs français. Fondé en 1965 avec la collaboration de la Délégation générale du Québec à Paris, le Prix du jury honore, quant à lui, la mémoire de l’écrivain québécois Jean Hamelin. Bourse: environ 8 000$.

Prix littéraire des collégiens
Prix annuel décerné annuellement à une œuvre littéraire de fiction québécoise par un jury composé de jeunes lecteurs de toute la province. Né en 2003, entre autres d’une volonté d’appliquer ici le modèle français du Goncourt des lycéens, ce prix gagne chaque année en popularité. Bourse: 5 000$.

Saint-Pacôme du roman policier
Le prix Saint-Pacôme du roman policier récompense, depuis 2002, l’auteur d’un roman policier québécois qui s’est signalé par ses qualités littéraires. Le lauréat reçoit une bourse de 3 000$.

Cécile-Gagnon
Créé en 1997 par l’Association des écrivaines et des écrivains québécois pour la jeunesse (AEQJ), le prix Cécile-Gagnon veut rendre hommage à cette grande écrivaine pour la jeunesse, l’une des pionnières de cette forme très particulière de littérature. Bourse: 1 000$.

… et en France

Goncourt
Le plus couru, le plus prestigieux, le plus vendeur. Il récompense le meilleur auteur de la littérature française chaque année. Les étapes du vote sont rendues publiques trois fois avant le résultat final. Décerné traditionnellement le premier lundi de novembre par un jury de dix membres.

Goncourt des lycéens
Ce prix littéraire a été créé en 1988 pour donner aux jeu­nes l’envie de lire, le goût de l’écrit et de l’échange littéraire. Il est devenu un rendez-vous incontournable de la rentrée littéraire.

Renaudot
Créé en 1926 avec l’ambition d’être un « anti-Goncourt », le prix Renaudot est proclamé simultanément au Goncourt par un jury composé de dix membres, tous journalistes et critiques littéraires.

Femina
Créé en 1904 par la librairie Hachette avec pour but de lever l’interdiction (tacite) du Goncourt de couronner une femme, d’encourager la littérature et de rendre plus étroites les relations de confraternité entre les femmes de lettres sans pour autant y interdire l’accès aux hommes.

Médicis
Créé le 1er avril 1958 par Jean-Pierre Giraudoux, qui désirait fonder un prix « pas comme les autres ». Composé de dix membres à sa création, avec cinq hommes et cinq femmes, le jury est aujourd’hui passé à douze. Il est décerné à un roman, un récit ou un recueil de nouvelles dont l’auteur débute ou n’a pas encore une notoriété correspondant à son talent.

Grand prix du roman de l’Académie française
Créé en 1918, il couronne un roman publié dans l’année, parmi une douzaine, puis trois titres sélectionnés — on ne peut faire acte de candidature — par une commission restreinte de douze membres. Proclamé à la fin octobre à l’Académie française, il donne le coup d’envoi des grands prix littéraires de l’automne.

Interallié
Le seul statut du prix Interallié, créé par des journalistes, c’est de ne pas avoir de statut. Il est né comme une farce en 1930, et à l’époque, personne n’a cru qu’il survivrait longtemps. Il est le seul grand prix d’automne qui ne soit remis que dans une catégorie, celle du roman français.

Prix des cinq continents
Ce prix existe depuis 2001 sous l’égide de l’Organisation internationale de la Francophonie. Il récompense le roman d’un écrivain témoignant d’une expérience culturelle spécifique qui enrichit la langue française. Il accueille « tout auteur d’expression française quelle que soit sa maturité littéraire ». À noter que le jury du Prix 2008 était présidé par Lise Bissonnette.

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