Stéphane Dompierre exprime son attachement pour les libraires

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Stéphane Dompierre a signé Un petit pas pour l’homme et Mal élevé, deux romans emblématiques dans lesquels il dissèque, avec cynisme, tendresse, justesse et intelligence, les relations hommes-femmes et les remises en question typiques de la génération 25-35 ans, notamment celle qui arpente le Plateau-Mont-Royal. En compagnie du bédéiste Pascal Girard, cet écrivain des plus doués signait, plus tôt cet automne, un album de strips illustrant les affres de la création littéraire (Souffrir pour écrire: Jeunauteur (t. 1)).

Le libraire
Il fait noir mais ce n’est pas qu’il soit si tard, c’est l’automne, on vient de changer l’heure, la digestion est lente et rien à la télé ne capte mon attention. Manteau, foulard et gants, je sors sans emporter le parapluie. Dans les rues désertes, nul autre bruit que le crouche crouche de mes bottes sur les feuilles, j’y vais franchement, j’effraie les chats. Parfois, je crois voir quelqu’un arriver mais, non, ce n’était qu’une ombre, en tout cas ça se déplace sans faire crouche crouche. Je change de côté de trottoir, au cas où ce serait un loup-garou au pied léger. Et puis l’artère éclairée, beaucoup trop de lumière d’un coup, et, tout près, la librairie. Un peu de chaleur, plein de nouveautés et le libraire, de bonne humeur, toujours prêt à me mettre un livre dans les mains, un joyau méconnu ou un best-seller sur lequel j’aurais levé le nez à tort. On discute un moment de tout et de rien et du temps qu’il fait, je me risque et lui demande s’il sait pourquoi on ne voit jamais d’écureuils à la nuit tombée, mais il ne le sait pas plus que moi. On se promet d’avoir la réponse à ma prochaine visite. Il verrouille derrière moi, on se salue encore une fois et je repars dans les rues sombres, toujours aussi désertes, mais je ne suis jamais tout à fait seul parce qu’il y a la librairie en tournant le coin, ses livres et son libraire.

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