Marie-Hélène Vaugeois: Entre rires et conseils

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Quiconque a un jour rencontré Marie-Hélène Vaugeois se souvient assurément de son ton jovial, de son rire contagieux et de son regard lumineux. Mais au-delà de cette riche personnalité existe une libraire qui vibre pour son métier et qui oeœuvre pour la survie des librairies indépendantes. Plongeon dans une histoire de famille et de passion.

« Petite, j’étais une enfant ordinaire qui voulait devenir vétérinaire », lance en riant Marie-Hélène Vaugeois, rencontrée dans un café de la rue Maguire, à quelques pas de sa librairie. Cependant, dès son plus jeune âge, son terrain de jeu, plutôt que d’être le carré de sable du parc du quartier, se résumait aux recoins du commerce de sa mère, la librairie Vaugeois. Prédisposée, direz-vous, à évoluer dans le milieu de la culture avec une mère libraire ainsi qu’un père, Denis Vaugeois, qui est notamment éditeur en plus d’être l’instigateur de la loi 51 sur le livre? Peut-être. À l’université, c’est pourtant vers le cinéma et les communications que s’est tournée Marie-Hélène. « Après avoir travaillé en librairie à temps partiel durant mes études, j’ai finalement choisi de m’investir dans l’entreprise après l’obtention de mon bac », explique celle qu’une belle et longue carrière de libraire attendait.

L’énergie de Marie-Hélène est contagieuse et, au grand bonheur du milieu culturel québécois, elle la met au service de diverses associations. Après avoir siégé au comité du Prix des libraires durant quatre ans, elle préside maintenant l’Association des libraires du Québec (ALQ). À ce titre, elle plonge dans la dimension politique des enjeux liés au livre : « Je m’intéresse au prix unique, aux fermetures de librairies, à la situation des librairies indépendantes et, présentement, surtout à ce qui concerne la loi C-32. » En fait, elle apporte beaucoup par sa présence au milieu littéraire, qui le lui rend bien : « Une librairie est un lieu clos où les gens viennent à toi. Être présidente de l’ALQ me permet de sortir de ce lieu-là et de voir ce qui se passe ailleurs, d’avoir une vision globale de la situation du livre au Québec. »

Question de conseils
Ce fut une belle expérience, également, que celle du passage de Marie-Hélène au comité du Prix des libraires. Ce qu’elle en retient, c’est la possibilité d’échanger avec d’autres libraires et, surtout, de sortir de sa zone de confort : « On finit toujours par lire les mêmes types de livres. Par exemple, il y a des auteurs que j’aimais beaucoup avant d’avoir mes enfants, comme Paul Auster, et que je n’ai pourtant jamais relus après avoir accouché. Mon arrivée au Prix des libraires coïncidait avec cette période. J’avais alors envie de découvrir autre chose. Faire partie du jury m’y a forcée: c’est plutôt agréable de se faire conseiller! Parce que quand tu es libraire, c’est toi qui proposes, mais c’est aussi plaisant de se faire suggérer autre chose, d’être obligé de lire un livre qui ne te tente pas et de découvrir que, finalement, c’est bien! »

Et les conseils, Marie-Hélène les maintient au sommet des priorités de son service à la clientèle. Pas étonnant, donc, qu’elle conserve des clients fidèles et que certains Montréalais viennent même lui rendre visite. Pour l’anecdote, Jacques Poulin est du lot des habitués! Selon Marie-Hélène, pour qu’un libraire soit apprécié de ses clients, il faut qu’il soit à leur écoute, sans jamais porter de jugement. À l’inverse, à quoi ressemblerait le client idéal? « C’est quelqu’un qui a le temps d’écouter, quelqu’un qui va se promener en librairie, être curieux, qui ne prendra pas nécessairement le premier livre qu’on lui proposera, qui posera des questions et avec qui on finira par avoir une discussion », nous explique-t-elle, ajoutant qu’il est important de s’adapter à chaque personne, et que ce rôle d’adaptation revient au libraire et jamais au client. De plus, Marie-Hélène joue la carte de la franchise et ne se gêne pas pour exprimer les raisons qui font qu’elle n’a pas aimé tel ou tel titre. Selon elle, il n’existe pas de livre qui convienne à tout le monde, quoiqu’en ce moment, elle n’hésite pas à suggérer HKPQ de Michèle Plomer (pour lequel toute l’équipe de chez Vaugeois a craqué!) à un grand nombre de visiteurs. Parmi les autres coups de cœur suggérés par Marie-Hélène, soulignons L’élégance du hérisson de Muriel Barbery, Le soleil des Scorta de Laurent Gaudé, Rosa Candida d’Audur Ava Ólafsdóttir et l’oeœuvre complète d’Arnaldur Indridason.

La femme derrière la libraire
Au-delà de son métier, Marie-Hélène est à la fois amoureuse, lectrice, mère et voyageuse. Et tous ces chapeaux, elle les porte avec brio. Tout d’abord, il n’y a pas de cachette: plusieurs lecteurs savent d’ores et déjà que les éditions Septentrion, maintenant dirigées par le conjoint de Marie-Hélène, se trouvent au deuxième étage de la librairie. Lorsqu’on lui demande si partager sa vie avec un éditeur, à la maison comme au travail, crée certaines frictions, elle répond qu’au contraire, cela ajoute des cordes à son arc: « Un des défauts du milieu du livre est qu’on se connaît très peu les uns les autres. Lorsqu’en tant que libraire, on chiale contre les éditeurs, c’est surtout parce qu’on ne comprend pas que ce n’est pas si simple, par exemple, de faire une réimpression. Comprendre ce qu’est une maison d’édition, c’est super important. »

Comme tout bon libraire, Marie-Hélène est également une bonne lectrice: elle lit tous les jours, termine pratiquement tous les livres qu’elle commence et se fait un point d’honneur de cultiver sa curiosité. En effet, son infidélité face à ses auteurs fétiches lui ouvre la porte sur des découvertes intéressantes: « Je ne me sens jamais obligée de lire tout un auteur. J’aime en découvrir de nouveaux, et ce, même si j’en ai beaucoup aimé un et que j’ai hâte qu’il sorte un autre titre. Il y a peut-être Olivier Adam et Martin Page qui sont mes exceptions, puisque je lis pratiquement tous leurs livres. Pourtant, je ne sauterais peut-être pas sur leurs prochaines nouveautés! » En outre, petite coquetterie, elle aime les histoires dont les chapitres sont très courts, citant au passage les ouvrages de Milan Kundera. Entre les romans étrangers, québécois, policiers et jeunesse, elle n’a pas de préférence. Elle mentionne cependant que lorsqu’elle lit, elle aime voyager, d’où son intérêt pour les œuvres indiennes ou nippones, par exemple.

En parlant de voyage, certains libraires francophones de partout sur la planète ont eu la chance de rencontrer Marie-Hélène, que ce soit lors de sa visite à Venise pour des formations de perfectionnement sur le livre numérique, au Liban, pour des rencontres avec l’Association internationale des librairies francophones (AILF) ou encore à Bruxelles et à Paris, pour les différents salons ou foires du livre. « Ce n’est pas dans mes plans à court terme, mais quand mes enfants seront plus grands, aller en Afrique avec l’AILF pour y donner des formations m’intéresserait. J’adorerais pouvoir voyager en rencontrant les gens de l’endroit », explique-t-elle.

Une libraire 2.0
Le dossier du numérique, quant à lui, n’inquiète pas trop Marie-Hélène: dans ce domaine, la librairie Vaugeois compte notamment sur les différents portails de vente tels LivresQuebecois.com et le futur RueDesLibraires.com: «Je n’ai pas envie d’être contre le numérique; ça, c’est clair dans ma tête. J’espère cependant qu’on trouvera le moyen d’en vendre en librairie, pourquoi pas en faisant des combos composés d’un livre papier et d’un numérique.» Marie-Hélène soulève un argument fréquemment oublié lorsqu’il est question du numérique, soit le besoin de conseils des lecteurs: «J’ai lu une étude l’année dernière qui disait que 65% des gens qui entrent en librairie ne savent pas du tout ce qu’ils veulent. C’est beaucoup! Si tu vas sur Internet, oui, il y a les blogues et les sites pour t’aider à trouver de l’information, mais ça ne vaut pas les conseils personnalisés d’un libraire! Je pense que ce sera très difficile pour les librairies, dans les cinq prochaines années, avec le numérique et les grandes surfaces. Mais je suis une personne positive et je crois beaucoup au phénomène de quartier, depuis toujours. Les gens vont tester, aller s’acheter des livres sur Amazon, et après quelques déceptions, je pense qu’ils vont revenir dans la librairie de leur quartier.»

Suivant le cours de la technologie, la librairie Vaugeois a développé son propre blogue (Librairie-Vaugeois.blogspot.com), mis à jour hebdomadairement par différents libraires. Conseils de lecture, coups de cœur, citations de la semaine: il y en a pour tous les goûts et, surtout, pour tous les types de lecteurs: « C’est un moyen d’être présent sur le Web et de montrer la personnalité de la librairie Vaugeois. On s’amuse, on rit beaucoup, on donne de bons conseils et on ne se prend pas au sérieux! »

Coordonnées:

Librairie Vaugeois
1300, avenue Maguire, Québec
[email protected]

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