Passer au salon: Tendances actuelles des Salons du livre

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On compte aujourd'hui pas moins de neuf Salons du livre au Québec. Depuis leur fondation, qui remonte dans certains cas à plus de quarante ans, ces événements littéraires ont beaucoup changé. Richard Lafleur, directeur du Salon du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean depuis 1992, fait le bilan de la situation actuelle.

Les Salons du livre québécois se distinguent des Salons canadiens et européens en ceci : ils sont réunis en un réseau concerté, l’Association québécoise des salons du livre (AQSL). «Quand nos homologues français apprennent ça, ils n’en reviennent tout simplement pas», lance Richard Lafleur avec une certaine fierté. Fondée en 1979, l’AQSL a défini clairement les trois objectifs communs de ses membres: «promouvoir la lecture durant toute l’année», «favoriser les contacts professionnels entre éditeurs, libraires, bibliothécaires et professeurs» et «offrir un moyen de promotion directe (vente au public)».

«Le marché québécois n’est pas très grand», explique M. Lafleur. Les Salons québécois ne peuvent donc pas se payer le luxe d’événements qui seraient un tant soit peu concurrents. Les éditeurs n’ayant ni grosses équipes ni gros budgets, ils ne peuvent pas être partout à la fois… Nous nous sommes toujours entendus sur un calendrier ferme, qui tient aussi compte des événements internationaux majeurs comme les Salons et les foires du livre de Paris et de Francfort», poursuit le directeur du Salon du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean, qui a lieu à Jonquière.

Mais concertation ne signifie pas uniformisation, s’empresse de préciser M. Lafleur : «Je crois que ce qui fait la beauté des Salons québécois à l’heure actuelle, c’est justement leur diversité. Oui, nous nous concertons, mais nous gardons tous notre originalité.» Que ce soit en mettant l’accent sur les auteurs régionaux, en créant des prix et des concours ou en proposant des activités uniques, chaque Salon se démarque des autres et tente de refléter l’âme de sa région.

Un peu de controverse…
«On ne se contera pas d’histoires : il y a un volet commercial aux Salons du livre», reconnaît sans ambages notre interlocuteur. Le ton est donné : Richard Lafleur en a plus qu’assez des accusations de mercantilisme qui pèsent, indûment selon lui, sur les Salons du livre. «Je laisserai à d’autres l’emploi des qualificatifs là-dessus, poursuit-il. Mais je tiens à mettre une chose au clair: le revenu que me procure la location des stands aux éditeurs est directement investi dans l’accueil d’auteurs québécois au Salon du livre du Saguenay.»

Comme tous les événements culturels, les Salons du livre sont tiraillés entre une mission désintéressée (promouvoir le livre et la lecture auprès de la population) et d’incontournables impératifs de survie économique. « Si la vente de livres doit être honnie, trouvez-moi une autre façon de générer des revenus pour survivre, s’exclame Richard Lafleur. Et pourquoi y aurait-il une telle honte à faire acheter des livres? C’est un investissement dans la culture!»

Le directeur du Salon du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean précise par ailleurs que le prix des stands a augmenté alors qu’en parallèle, le Salon a réduit son prix d’entrée à 1$. «On a une vocation éducative et populaire, rappelle M. Lafleur, qui s’est battu pour obtenir cette baisse de tarif. Beaucoup de gens doutaient du bien-fondé de cette décision, et surtout de sa viabilité financière. Mais il faut rejoindre le plus de monde possible, c’est l’objectif principal des Salons. Et on ne le perd jamais de vue.»

Hors les murs, le salut
Rejoindre le plus de monde possible… Pour y arriver, les Salons du livre ont dû sortir de leur enceinte et mettre en place des activités «hors les murs» qui s’échelonnent sur toute l’année. «C’est un volet extrêmement important, note Richard Lafleur. Quand je suis arrivé au Salon du Saguenay, à la fin des années 1980, il y avait une refonte. On se disait : Si les gens ne viennent pas au Salon du Saguenay-Lac-Saint-Jean, le Salon ira à eux!»

À cette époque, l’affluence diminuait dans presque tous les Salons du livre du Québec. Il fallait trouver un moyen d’accroître leur rayonnement. Richard Lafleur enchaîne : «C’est ce qui nous a incités à organiser des rencontres littéraires dans les cégeps et les universités, des tournées d’auteurs jeunesse dans les écoles primaires et secondaires, des soirées de poésie, des tournées dans les bibliothèques de Saguenay, dans les cafés culturels, etc. En 2006, on aura plus de 80 activités hors les murs!»

Ces activités revêtent une importance particulière dans les régions, où les événements littéraires, les bibliothèques et les librairies se font plus rares qu’en milieu urbain. Mais bien entendu, les événements hors les murs sont aussi, voire surtout, des moyens de promotion pour les Salons. Au Saguenay par exemple, le Salon organise un concours littéraire dans les écoles. «Il suffit souvent de peu pour donner la piqûre de la lecture aux jeunes, note M. Lafleur. Le concours était une bonne façon de les motiver. Et en plus, ça a donné un gros boom à nos visites scolaires…»

Tout le monde est content, donc. Même les éditeurs y ont trouvé leur compte, puisque les prix de ce concours sont remis sous forme de livres jeunesse. «Nous sommes allés chercher des commanditaires parmi les éditeurs, explique M. Lafleur. En seize ans, nous avons remis environ 300 000 $ en livres neufs. On signe maintenant des ententes annuelles avec les éditeurs jeunesse: en échange d’une commandite d’au moins 2000$ en livres neufs pour notre concours, on leur garantit que le Salon va inviter un de leurs auteurs (tous frais payés), que cet auteur va faire une tournée dans les écoles, qu’on va le retrouver dans les animations du Salon, etc.»

Une popularité bien méritée
Si ce «partenariat» avec des éditeurs fait dresser le poil des puristes, il n’en demeure pas moins que les Salons du livre québécois remplissent leur mission première : toucher le plus grand nombre de personnes possible. En une quinzaine d’années, leur affluence a doublé, triplé, et dans certains cas, quadruplé.

Autre signe indubitable de leur réussite : les Salons intéressent même des gens qui ne lisent pas beaucoup. Ainsi, de 35 à 40% des visiteurs du Salon du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean ne mettent jamais les pieds dans une librairie et ne fréquentent leur bibliothèque municipale qu’une ou deux fois par année. Comment le Salon les attire-t-il? «À grands renforts de publicité!, lance M. Lafleur, mi-blagueur. Le Salon est surtout, par nature, un événement populaire. Tout le monde s’y reconnaît parce que chacun peut y trouver des livres qui le concernent. Évidemment, les animations et la présence d’auteurs-vedettes attirent aussi des visiteurs. Mais de manière générale, un Salon est simplement plus convivial et moins intimidant qu’une librairie ou une bibliothèque.»

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