Qu’arrive-t-il lorsque la mémoire fait défaut ? On oublie tous quelque chose un jour ou l’autre. Des pertes de mémoire surviennent. Mais parfois, la mémoire vacille davantage. On cherche à oublier volontairement pour enfouir des drames trop grands. La mémoire peut aussi s’étioler à cause de la vieillesse, à cause d’une maladie ou en raison d’une amnésie. Voici donc un bref tour de piste de quelques ouvrages sur le sujet, en ce qui concerne cette part de l’être humain qui peut oublier, de cette mémoire parfois intangible. Après tout, la mémoire est une faculté qui oublie. 

Se retrouver pour ne pas oublier
Le dernier roman de l’auteur Matthieu Simard, Les écrivements (Alto), tricote avec finesse, douceur et sensibilité les thèmes du temps qui passe, de la mémoire et de l’oubli. Alors que le passé lui pesait, Suzor est parti sans jamais revenir. Quarante ans plus tard, celle qu’il a quittée, Jeanne, maintenant âgée de 81 ans, l’a presque oublié. Du moins, c’est ce qu’elle s’est efforcée de faire après son départ. Tout ce qu’elle avait enfoui refait surface lorsqu’elle apprend que Suzor est atteint d’Alzheimer. Elle doit le retrouver pour qu’il n’oublie pas ce qu’ils ont été, pour qu’ils partagent encore leurs souvenirs, pour que le lien qui les unit ne s’amenuise pas. Elle part à sa recherche accompagnée d’une adolescente en manque d’amour et de repères.

S’effacer de sa mémoire
Dans la bande dessinée La page blanche de Boulet et Pénélope Bagieu (Le Livre de Poche), une jeune femme se retrouve sur un banc à Paris sans savoir qui elle est et sans se rappeler ce qu’elle fait là. Elle tente de retrouver son identité et de recouvrer la mémoire. Peu à peu, elle découvre qui elle est. Elle s’appelle Éloïse et travaille dans une librairie et ne semble avoir vécu aucun traumatisme qui pourrait expliquer cette soudaine et étrange amnésie. Mais elle n’a aucun souvenir d’elle-même, son passé n’existe plus, elle a l’impression que sa mémoire a été effacée comme si son existence ne comptait plus, comme si elle devait la reconstruire.

La mémoire défaillante
En 1995, en Idaho, un drame survient dans la famille de Wade. Neuf ans plus tard, il a refait sa vie et sa mémoire flanche peu à peu. Afin de sauver sa mémoire qui lui échappe, sa femme Ann s’intéresse alors à son passé, voulant le déterrer pour ranimer la mémoire de son mari. Elle s’attarde donc à son histoire et à sa précédente famille, essaie de comprendre ce qui est arrivé à sa première épouse et à ses filles. Que s’est-il passé à l’été 1995? Afin de découvrir et comprendre la tragédie qu’a vécue son mari, Ann remonte le fil des souvenirs dans Idaho d’Emily Ruskovich (Gallmeister).

Des effacements de la mémoire
L’écrivain André Marois a été inspiré par le thème de la mémoire dans son roman de science-fiction destiné aux adolescents, Les voleurs de mémoire (La courte échelle). En 2039, le Québec, accablé par une chaleur intense, caniculaire, est maintenant un désert aride. Une nouvelle épidémie se répand dans la population, la grure, une maladie étrange et terrible qui efface la mémoire des gens, les rendant donc dénués d’âme en quelque sorte. Cette dystopie s’articule autour de la perte de mémoire personnelle et collective et met en scène une horrible et effrayante version du futur de la société québécoise. André Marois a été de nouveau interpellé par la mémoire dans son dernier roman, À une minute près (Leméac), qui s’adresse aussi aux adolescents et dans lequel les êtres humains peuvent recourir une fois dans leur vie à une fonction spéciale qui permet d’effacer la minute qui vient de s’écouler. La personne qui utilise ce pouvoir est la seule à garder le souvenir de cette minute effacée. Un été, une bande d’adolescents montent une pièce de théâtre et une animosité s’installe entre certains membres de la troupe. Ces jeunes apprendront que certains gestes ne peuvent disparaître complètement de la mémoire.

Publicité