© Bouchra Jarrar / Flammarion

Christine Angot
Prix Médicis et prix du magazine Les Inrockuptibles
C’est avec Le voyage dans l’Est (Flammarion) que Christine Angot s’est retrouvée cette année en lice pour le Femina et le Goncourt et pour lequel elle a remporté le Médicis. Dans cette autofiction, genre dans lequel elle excelle depuis des années, l’autrice revient sur un sujet qui lui colle à la peau : l’inceste dont elle a été victime dès ses 13 ans par son père. Cette fois-ci, elle aborde la question dans un récit sans fard, cru et selon le point de vue émotif de l’enfant, puis de l’adolescente qu’elle a été, avant de tracer les contours des répercussions que ce viol a eues sur la femme adulte qu’elle est devenue.

Le prix Médicis étranger a été remis à Jonas Hassen Khemiri pour La clause paternelle (Actes Sud) et le Médicis essai à Jakuta Alikavazovic pour Comme un ciel en nous (Stock).

 

© Antoine Tempé

Mohamed Mbougar Sarr
Prix Goncourt et prix Transfuge
Avec La plus secrète mémoire des hommes (Philippe Rey), véritable hommage aux nécessités de vivre et d’écrire, l’écrivain sénégalais de 31 ans Mohamed Mbougar Sarr remporte notamment le prestigieux Goncourt — et son chèque de dix euros. Les critiques avaient déjà salué son audace, l’intransigeance de sa langue ainsi que son inventivité; sa nomination à plus de dix prix prestigieux confirme d’ailleurs son talent. La plus secrète mémoire des hommes raconte l’histoire d’un jeune écrivain sénégalais installé à Paris qui est fasciné par un livre paru en 1938 et dont son auteur s’est volatilisé à la suite de la parution de son texte qui déclencha un scandale. L’écrivain fictif de Sarr suivra la trace de cet homme, passant par le Sénégal, la France et l’Argentine, et se frottant aux tragédies engendrées par le colonialisme et la Shoah.

 

© Olivier Roller

Clara Dupont-Monod
Prix Femina, Goncourt des lycéens et prix Landerneau des lecteurs
En présentant dans S’adapter (Stock) une famille bouleversée par la naissance d’un enfant handicapé, l’auteure (également directrice littéraire de la non-fiction chez JC Lattès et ancienne journaliste, reporter et rédactrice en chef de différents magazines) partage habilement trois visions — en autant de parties — de la fratrie qui l’entoure. L’aîné s’y attache férocement, la cadette est dégoûtée par cet éternel bébé qui a besoin de soins et le petit dernier, arrivé après le départ de ce grand frère handicapé, regrette de ne l’avoir jamais connu. Ce roman a aussi été en lice pour le Goncourt et pour l’Interallié.

Le prix Femina de l’essai a été remis à Annie Cohen-Solal pour Un étranger nommé Picasso (Fayard) et le prix Femina étranger a été décerné à Ahmet Altan pour Madame Hayat (Actes Sud).

 

© Bonnallie Brodeur

Vincent « Vigg » Gagnon
Prix TD et prix Harry Black de l’album jeunesse
C’est un doublé de prix importants en littérature jeunesse qui couronne Vigg (membre du duo Bellebrute) pour Ma maison-tête (Fonfon), un album exceptionnel permettant d’entrevoir, à travers les yeux d’un garçon qui le vit, les difficultés quotidiennes qu’affrontent les enfants avec un trouble du déficit de l’attention. « À l’aide d’images fortes, toutes simples, mais combien saisissantes, et d’un texte à hauteur d’enfant, sincère et touchant, Vigg cible l’essentiel avec sensibilité et intelligence. Il nous raconte la vie en classe de Vincent qui, pour se protéger de ses mésaventures et de ses différences, se réfugie dans sa maison-tête, pleine de compartiments comme autant d’issues de secours », écrivait à son sujet la libraire Chantal Fontaine.

 

© Claire Désérable

François-Henri Désérable
Grand prix du roman de l’Académie française
Comme s’il déroulait une histoire, partant de ses tout débuts pour en arriver à ce qui justifie que le narrateur soit dorénavant devant un juge (emprunté au roman Article 353 du Code pénal de Tanguy Viel, soit dit en passant) à dépecer publiquement chaque parcelle de l’histoire d’amour entre deux êtres, François-Henri Désérable propose avec Mon maître et mon vainqueur (Gallimard) un roman qui envoûte par la maîtrise de son style, libre et accrocheur. Une écriture jubilatoire qui oscille entre désinvolture et drame, entre langue crue et passages empreints d’humour. Avec ce titre également emprunté, cette fois à un vers de Verlaine — poète que l’on retrouvera abondamment dans l’histoire, d’ailleurs —, on apprend les tourments d’un cœur emprisonné dans un triangle amoureux. Oh, et c’est aussi l’histoire d’un pistolet… Ce roman fut aussi en lice pour l’Interallié.

 

© Mark Pringle

Abdulrazak Gurnah
Nobel de littérature pour l’ensemble de son œuvre
Né en Tanzanie en 1948, Abdulrazak Gurnah a déménagé, en tant que réfugié, au Royaume-Uni en 1968. Il est l’auteur de dix romans, dont plusieurs mettent justement à l’honneur l’expérience de personnes ayant reçu — ou souhaitant recevoir — l’asile politique. Son roman le plus connu est Paradise : écrit en anglais en 1994, il a fait partie de la liste courte du Booker Prize et du Whitbread Prize. Ses livres ne sont actuellement pas disponibles en français : cependant, à la suite de l’annonce du lauréat du Nobel, les éditions Denoël ont annoncé qu’elles sortiraient Près de la mer et Paradis, à 10 000 exemplaires chacun pour décembre, en France. Au Québec, on attendra le premier trimestre de 2022 pour les lire. Denoël a aussi annoncé que sortiront Adieu Zanzibar en 2022 et Afterlives en 2023.

 

© Pascal Ito

Amélie Nothomb
Prix Renaudot
Celle qui ouvre le bal de chaque rentrée littéraire sous l’égide de la maison Albin Michel remporte cette année un honneur de taille : le Renaudot. C’est dans un roman à saveur de conte intitulé Premier sang que l’autrice, dont on souligne souvent l’originalité et rarement le fait qu’elle écrit sous pseudonyme, rend hommage à son père. Elle raconte ainsi l’histoire de Patrick Nothomb, du gamin jugé trop tendre par ses grands-parents et dont le père est décédé avant même sa naissance, jusqu’à ses débuts en tant que diplomate lors de la prise d’otages de Stanleyville. Avec fantaisie et style comme elle nous y a habitués, l’autrice livre ici un roman d’exception dans son œuvre.

 

© Melany Bernier

Paul Serge Forest
Prix d’excellence des Écrivains francophones d’Amérique pour Tout est ori, ex æquo avec Pierre Ouellette pour son roman L’état sauvage (Druide) et prix Robert-Cliche 2021
Tout est ori (VLB éditeur) est un roman événement : le premier de Paul Serge Forest, médecin de profession qui écrit sous pseudonyme, il se déroule sur la Côte-Nord dans un village fictif où l’auteur arrive sans souci à nous faire sentir la mer, le sel, le vent et l’odeur des mollusques. Il met en scène un ingénieur japonais débarqué sur la grève et nous parle de l’ori, dont on ne dira ici rien pour ne pas divulgâcher votre plaisir de lecture. C’est écrit avec soin et minutie, mais aussi avec audace, talent et aspérités bienvenues. C’est grandiose, ça déborde le cadre du roman conventionnel et ça offre un réel voyage à celle ou celui qui en ouvrira la couverture. Pas étonnant qu’il soit également toujours en lice pour le Prix littéraire des collégiens et le Prix du premier roman, et qu’il se soit retrouvé sur la liste préliminaire du Prix du Gouverneur général.

 

© Olivier Clertant

Michel Marc Bouchard
Prix Athanase-David 2021 pour l’ensemble de son œuvre
Depuis une quarantaine d’années, le dramaturge Michel Marc Bouchard met en scène des marginaux et des exclus de toutes sortes en signant des textes habiles et profonds qui remettent en question les préjugés qui pèsent sur eux. En plus de sa rigueur, on peut conclure que c’est bien l’audace du dramaturge qui est récompensée par ce prix hautement convoité. Parmi ses plus importantes pièces, citons Les feluettes, Les muses orphelines, Christine, la reine-garçon, La divine illusion ou encore Tom à la ferme, adaptée au cinéma en 2013 par Xavier Dolan.

 

 

© Mathieu Girard

Tania Langlais
Prix du Gouverneur général en poésie et prix Alain-Grandbois
On souligne le raffinement, mais aussi le côté résolument bouleversant, aromatique et intelligent de Pendant que Perceval tombait (Les Herbes rouges), quatrième ouvrage de la poète qui fut également en lice au Prix des libraires du Québec. Ici, elle nous entraîne dans le monde de Virginia Woolf en utilisant comme porte l’entrée Les vagues, œuvre de la Britannique qui met en scène un énigmatique personnage du nom de Perceval, dont la mort est préméditée. Elle y dépeint une campagne anglaise d’époque, évoque les odeurs et les sens, les incompréhensions et les vies disloquées.

 

 

© Justine Latour

Fanny Britt
Prix du Gouverneur général
Fanny Britt, qui excelle comme traductrice, dramaturge et autrice en littérature jeunesse, rafle le convoité Prix du Gouverneur général, dans la catégorie roman, pour Faire les sucres (Le Cheval d’août). Avec son don particulier pour interroger les époques et les mécanismes de défense internes de chacun, sans jugement, elle dissèque dans ce roman la valeur des choses : des relations, des rêves, de la célébrité et de la famille. Elle met en scène un cuisinier vedette antipathique qui choisit de devenir acériculteur, sans même en parler à sa femme, laquelle est tiraillée par l’idée d’un adultère qu’elle pourrait commettre. En parallèle, une jeune fille loin d’être riche voit son existence basculer à cause d’un groupe de touristes bourgeois.

Le prix GG en littérature jeunesse (livres illustrés) a été remis à Mario Brassard et Gérard DuBois pour À qui appartiennent les nuages (La Pastèque), celui en littérature jeunesse (texte) a récompensé Les avenues de Jean-François Sénéchal (Leméac), alors que le GG côté théâtre a récompensé Copeaux de Mishka Lavigne (L’Interligne). Les gagnants en essai sont le défunt Serge Bouchard et Mark Fortier pour Du diesel dans les veines (Lux).

 

© Céline Nieszawer / Leextra / L’Iconoclaste

Mathieu Palain
Prix Interallié, prix Blù Jean-Marc Roberts et prix Roman-News
C’est pour son roman Ne t’arrête pas de courir (Iconoclaste) que l’auteur et journaliste Mathieu Palain a remporté les honneurs. Selon Livres Hebdo, l’un des jurés de l’Interallié a salué « cette conjonction du romanesque et du journalisme : le jury a aimé la façon dont il interroge notre époque ». C’est que l’histoire racontée par Palain est celle, véridique, de l’athlète Toumany Coulibaly, champion français au 400 mètres, mais également cambrioleur maintes fois pincé par les autorités. Si on a souvent salué le talent de portraitiste de Palain, c’est bien dans ce second roman que sa plume prend toute son ampleur.

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