Les éditions Hurtubise célèbrent cette année 60 ans d’existence. Six décennies au cours desquelles elles ont brassé des idées, contribué à l’éducation et édité des plumes qui ont su trouver refuge dans bien des demeures. Regard sur le chemin parcouru.

Si 1960 marque le début de la Révolution tranquille au Québec, elle marque également l’arrivée des éditions HMH dans le paysage littéraire. C’est dans cette effervescence du milieu culturel, dans cette affirmation de soi d’un peuple qui embrassait alors ses libertés, que Claude Hurtubise, d’abord en partenariat avec les maisons d’édition françaises Mama et Hatier, se lance dans la grande aventure. C’est sous leurs initiales réunies — HMH — que la maison fait ses premiers pas.

On souligne la vision avant-gardiste de Claude Hurtubise pour son époque, son flair remarquable. Dès ses premières années, la maison publie Le torrent d’Anne Hébert et les Contes de Jacques Ferron : des œuvres, toujours éditées à cette adresse, qui sont lues et relues, dans les collèges comme dans les maisonnées. Monsieur Hurtubise donne ainsi un souffle à la littérature québécoise et canadienne-française, publiant également Roger Lemelin, Yves Thériault et Gabrielle Roy, pour ne nommer que quelques auteurs.

Mais au-delà de la fiction, HMH se lance rapidement dans les sciences sociales et humaines, publiant les plus grands intellectuels de l’époque, parmi lesquels Gilles Marcotte, Fernand Dumont, Pierre Elliott Trudeau et Pierre Vadeboncœur. En 1968 est publié Introduction à la sociologie générale de Guy Rocher, un ouvrage traduit en dix langues, encore disponible et toujours étudié de nos jours. C’est dans les années 70 qu’est lancée la collection « Les Cahiers du Québec », dont Robert Lahaise est à la barre, et qui fait la part belle à l’histoire, la littérature, la politique, les arts, la géographie et même la criminologue et l’ethnologie. Cinq décennies plus tard, on y dénombre 169 titres — un apport important au développement du patrimoine intellectuel québécois. C’est d’ailleurs au cours de cette décennie que Claude Hurtubise laisse place à Hervé Foulon, lequel rachète l’entreprise en 1979.

Le secteur scolaire
Mise en place en 1966, l’édition scolaire connaît une croissance fulgurante. Coïncidant avec la réforme de l’éducation enclenchée avec la Révolution tranquille, le développement de ce secteur est prospère. C’est à ce moment, notamment, qu’est lancé le Bescherelle : L’art de conjuguer. L’ouvrage, associé à la maison depuis 1960, vend annuellement 85 000 exemplaires — à une époque, cela tournait autour de 130 000 — et cumule des ventes totales de plus de 2 millions d’exemplaires au Canada seulement. Parce que la langue française continue de donner bien des maux de tête à ceux qui l’utilisent et l’apprennent, cet ouvrage demeure un incontournable par sa facilité à s’y repérer et à trouver la conjugaison cherchée. La collection « Bescherelle » réunit six grammaires, totalisant pour sa part plus de cinq millions d’exemplaires vendus au pays. Trente ans après ses débuts, soit en 1996, la maison publie son dernier manuel scolaire, laissant le marché à sa maison sœur, acquise par HMH en 1982, Marcel Didier (aujourd’hui les éditions MD).

En 1985, la maison se tourne vers le marché africain pour les ouvrages pédagogiques : plusieurs éditeurs français y mènent le bal, mais il apparaît évident pour monsieur Foulon que les Québécois pourraient se démarquer dans ce créneau. Des liens sont alors créés, des collections éditées, plusieurs coéditions avec des éditeurs du Maroc, de la Tunisie et de l’Algérie ont lieu et Hurtubise participe même à la création d’Afrique-Éditions, au Zaïre, jusqu’à devenir actionnaire minoritaire du Centre d’édition et de diffusion africaines. De plus, il importe à Hervé Foulon de faire connaître la culture africaine aux Québécois : Hurtubise HMH distribue donc durant plusieurs années des maisons africaines, comme Présence africaine. Aujourd’hui, ces échanges éditoriaux intercontinentaux sont derrière elle, la production ayant été recentrée davantage au Québec, mais ces quelques années en sol africain témoignent de la témérité à braver les frontières de cet éditeur.

Les succès d’aujourd’hui
C’est autour des années 1995 qu’Hurtubise se tourne activement vers l’achat de droits. Arnaud Foulon, fils d’Hervé Foulon, fait son entrée dans l’entreprise en 1997 et est notamment un élément clé du succès obtenu. L’une des collections phare qui résulte d’un achat de droits est « 30 secondes », une collection qui, dans un design graphique recherché, explore des sujets variés à la vitesse de l’éclair sans délaisser la profondeur de pensée.

En 2003, Alexandrine Foulon, fille d’Hervé et sœur d’Arnaud Foulon (devenu vice-président aux opérations et à l’édition), joint l’équipe des communications. Actuellement vice-présidente ventes et marketing, elle dirige l’équipe commerciale et celle des communications, de même que la distribution.

Côté littérature, Hurtubise défend avec vigueur ses parts de marché, avec des auteurs tels Louise Portal, Jean-Pierre Charland, Sarah-Maude Beauchesne, Valérie Chevalier et Michel Langlois. Les romans de Michel David — des sagas historiques qui transportent le lecteur dans le passé rural ou urbain du Québec — se sont écoulés, dans certains cas, à 50 000 exemplaires chacun. Il n’y a pas une année qui passe sans que l’une ou l’autre de ses séries soit rééditée, et ce, même si l’auteur nous a quittés en 2010, laissant derrière lui sept romans posthumes. Du côté jeunesse, la série « Juliette » fait un tabac. En publiant Juliette à New York, Rose-Line Brasset ne se doutait probablement pas de l’énorme succès qui s’ensuivrait! Les aventures de cette adolescente de 13 ans qui parcourt le monde avec sa mère, une journaliste indépendante un peu flyée, se sont vendues à 600 000 exemplaires dans toute la francophonie, en plus d’être dorénavant adaptées en bande dessinée. Oh! Et il ne faut pas oublier Votre grossesse au jour le jour, un des livres sur la puériculture que publie la maison, et qui a franchi le cap des 50 000 exemplaires vendus.

En soixante ans, Hurtubise en a fait du chemin. Mais ce qui est demeuré, c’est que cette maison a toujours su se démarquer, évoluer et transformer des ouvrages en grands succès.

Leur plus grande réussite
« Celle qui est la plus flagrante : publier encore des livres, être encore en activité et être indépendants depuis 60 ans. » — Arnaud Foulon, vice-président

Le premier livre publié
L’essai Convergences, de Jean Le Moyne, qui a d’ailleurs reçu le Prix du Gouverneur général. Une belle entrée en scène pour un nouvel éditeur!

L’erreur qu’ils ne répéteront pas 
« Ce n’est pas tant une erreur qu’un regret : avoir abandonné une grande partie de l’édition du manuel scolaire, même si la décision était sage à l’époque. Je trouve dommage que ce marché soit contrôlé par seulement trois maisons d’édition au Québec. » — Arnaud Foulon, vice-président

Création de BQ
La maison d’édition Bibliothèque québécoise, connue sous le nom de BQ, a été mise sur pied par Hurtubise en 1988, en association avec Fides et Leméac. L’objectif? Assurer une meilleure diffusion du fonds littéraire et des classiques de la littérature québécoise.

Les années 80 et le secteur jeunesse
Les années 80 sont marquées par les premiers succès en littérature jeunesse, avec Les Papinachois, des contes amérindiens signés Michel Noël, puis avec Les parallèles célestes de Denis Côté et Cadavre au sous-sol de Norah McClintock.

Place aux femmes
Le directeur littéraire d’Hurtubise, André Gagnon, travaille avec une équipe bien féminine, dont toutes les éditrices — elles sont cinq — sont des femmes!

Un prix, deux lauréats
En 2013, le président de la maison, Hervé Foulon, reçoit le prix Fleury-Mesplet pour l’ensemble de son œuvre. Claude Hurtubise, le fondateur, avait reçu ces mêmes lauriers en 1999. Ce prix récompense une contribution exceptionnelle au progrès de l’édition québécoise.

Groupe HMH : Une enseigne plurielle
Les éditions Marcel Didier (MD), Hurtubise, MultiMondes et XYZ font toutes partie du groupe HMH et conservent leur identité propre.

Leur souhait pour l’avenir d’Hurtubise
« Garder l’indépendance que nous avons et qui nous donne la liberté de travailler avec les auteurs que nous voulons, de faire les choix éditoriaux que nous souhaitons, de publier et de développer les genres que nous voulons. » — Arnaud Foulon, vice-président

Photo d’Alexandrine et Arnaud Foulon : © Andréanne Gauthier

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