Les discours des grands gagnants!

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Parce qu'ils ont ému ceux qui étaient présents à la remise du Prix des libraires du Québec, parce qu'ils ont su faire vibrer la corde sensible de bien des lecteurs et bien des libraires, parce qu'ils ont énoncé des mots d'une grande sagesse, d'une sensible humilité et d'une profonde acuité, voici ici les discours des grands gagnants du Prix des libraires du Québec, Larry Tremblay et Sorj Chalandon. 

Discours de Larry Tremblay : 

Dans Comme un roman, Daniel Pennac a établi une liste des droits du lecteur. En ce jour de célébration du Prix des Libraires du Québec, je me suis dit qu’établir une liste des droits du libraire serait pleinement justifié. Ce serait ma façon de vous remercier, chers libraires, pour votre engagement indéfectible envers ce qui nous réunit tous : le livre. Ma petite liste est loin d’être exhaustive, pas toujours sérieuse, et chacun peut s’amuser à la compléter :

LES DROITS DU LIBRAIRE

1. Droit à la reconnaissance : La chaîne du livre est longue et parfois lourde à porter. À un bout, les auteurs et à l’autre, vous. Entre les deux, les éditeurs, les imprimeurs, les diffuseurs, les distributeurs. Mais c’est vous, les libraires, qui montez au front et défendez le livre auprès des lecteurs. Votre place et son importance dans cette chaîne doivent être pleinement reconnues.

2. Droit à l’indulgence : Combien de fois, quand un lecteur ne trouve pas le livre tant désiré, ne vous dit-il pas, malgré tous les livres qu’il a sous les yeux, qu’il n’y a rien sur vos rayons ? S’il y a des libraires épuisés, il y a des livres épuisés, en réimpression, en rupture de stock ou simplement introuvables. L’indulgence est requise et doit vous être accordée devant les soubresauts de l’offre et de la demande.

3. Droit à la lecture : Où, quand, comment trouvez-vous le temps de lire? Je sais, c’est paradoxal. C’est pourtant une question légitime à poser. Parce que vous êtes vraiment très occupés. Vous devez sortir les livres des cartons, former des piles de livres, préparer des vitrines, mettre en évidence les nouveautés, rencontrer les représentants, retourner les invendus, faire des commandes, préparer des tables thématiques, organiser des lancements, des séances de signature, préparer la rentrée, ranger, être aux écoutes, être aux abois. Dans le meilleur des mondes, vous devriez être payés pour lire!

4. Droit au chapitre : Un libraire heureux est celui qui exprime ses enthousiasmes littéraires. La librairie est un espace où coups de coeur et coups de gueule se répondent. Vous êtes des passeurs mais aussi des créateurs de dialogues et, à ce chapitre, vous participez au « réenchantement » de la littérature.

5. Droit à la bibliodiversité : Comme il y a des espèces en voie de disparition, il y a des livres qui ont plus de chances de disparaître que d’autres. La librairie est un environnement fragile qu’il faut protéger en maintenant un équilibre entre les différentes productions éditoriales. Devant la bestsellarisation et la dématérialisation du livre, des nouvelles règles deviennent nécessaires. La nature a besoin de la biodiversité, la littérature a besoin de la bibliodiversité. Je salue et j’appuie le combat que vous menez actuellement pour sauver le livre de la jungle du marché.

Pour toutes ces raisons, chers libraires, je tiens à vous remercier de tout coeur. Et bien sûr, en cette soirée particulière, mes remerciements vont aussi à ceux et celles qui ont travaillé à l’organisation de ce Prix. Votre engagement et votre passion sont exemplaires. Je suis profondément honoré par la récompense que vous venez d’accorder à mon roman. Sans vous tous, cette orangeraie n’aurait pas produit autant de fruits. Et en terminant, j’offre mon dernier merci – mais non le moindre – à Antoine Tanguay, monsieur Alto, qui a participé depuis les premières plantations à cette fructueuse récolte. 

Larry Tremblay, auteur de L’orangeraie

 

Discours de Sorj Chalandon : 

 

Vous rendez-vous compte? Le Prix des libraires du Québec?

Il y a deux choses fortes dans ce prix là. D’abord, c’est un prix de lecteurs. Après notre éditeur, le libraire est notre premier vrai lecteur. Il ne triche pas, le libraire. Un texte lui plaît ou ne lui plaît pas. Pas de jeu avec la mode, de pression, de coterie. Il est seul avec les mots. Et ces mots là deviennent les siens, parce qu’il va devoir les expliquer, les proposer, les conseiller et les vendre. La vie d’un livre continue par une histoire d’amour entre un libraire et un texte. Ou pas. Il la sent, cette histoire, ou il ne la sent pas. Personne ne lui souffle ce qu’il doit penser ou ce qu’il a à faire.

Le Prix des libraires du Québec, c’est le prix de lecteurs qui doivent en convaincre d’autres. C’est l’honneur fait à un livre par ceux qui vont devoir le défendre. Mon roman est fini. Il a été pensé, écrit, publié, primé. Mais son aventure continue avec vous, ici même. Car si le travail d’un jury littéraire se termine à la remise du prix, le vôtre recommence chaque matin, à l’ouverture des portes de vos librairies. Et c’est une joie de penser que, demain comme hier, le Quatrième mur sera toujours sur vos tables.

Écrire, c’est résister. Lire, c’est résister.

Alors merci d’être à nos côtés.

Sorj Chalandon, auteur du Quatrième mur

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