Les contes à travers le monde

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Les contes… ces textes qui n’appartiennent à personne mais forment la culture collective, ces histoires qui sont libres de se glisser à l’oreille de qui ose bien la tendre. Transmis de génération en génération, les contes, qui forment un genre littéraire protéiforme et ancestral, possèdent la qualité de s’adresser à un public multiple, aux petits qui y voient le merveilleux et aux grands qui y cherchent des réponses. Écrits en vers ou en prose, ces récits brefs aux actions rapides ont comme principales caractéristiques d’être issus de la tradition orale. Destinés à instruire, à amuser ou à faire réfléchir, ils ont parcouru le monde, les âges et les époques, pour nous rattacher au passé de l’humanité, pour sceller des ponts entre les générations. Voici venu le temps de leur rendre hommage.

Allemagne
Parmi les noms les plus connus associés au conte, il y a évidemment les frères Grimm. Jacob et Wilhelm ont notamment produit Contes pour les enfants et la maison, un recueil notoire caractérisé entre autres par des personnages qui n’ont pas une grande profondeur, étant soit bons, soit mauvais. C’est en 1806 que les frères Grimm, passionnés par le folklore, se mettent à rassembler des contes de la culture orale, s’inscrivant d’ailleurs dans une certaine effervescence intellectuelle qui régnait à l’époque en Allemagne. Avec les années, ils continuent d’étoffer leurs contes, qui auront de nombreuses moutures. Si certains ressemblent aux contes de Perrault, ils se distinguent par leur poésie, leur humour et leur cruauté. Mais ils n’étaient pas seuls : l’écrivain allemand Ludwig Bechstein a aussi colligé des contes populaires, faisant concurrence aux Grimm, mais l’histoire n’a pas retenu autant son nom. Il y a aussi l’auteur Johann Ludwig Tieck, le prédécesseur de Hoffmann, considéré comme un grand fondateur de la réécriture des contes. Ernst Theodor Wilhelm Hoffmann, quant à lui, a écrit L’homme au sable, Les mines de Falun et, surtout, le célèbre Casse-Noisette et le roi des souris. De son côté, Goethe a écrit le conte merveilleux connu sous le nom Le serpent vert, tandis que Johann Karl August Musäus a publié un recueil de contes (Volksmärchen der Deutschen) qui sera utilisé pour le livret du ballet Le lac des cygnes de Tchaïkovski.

Inde
Qui pense aux contes orientaux pense immédiatement au recueil des Mille et une nuits. Écrits en arabe, ces contes populaires d’origines persane et indienne ont de particulier qu’ils s’enchâssent les uns avec les autres grâce à l’envoûtante conteuse qu’est Shéhérazade. C’est à Antoine Galland, un érudit orientaliste, que l’on doit notre connaissance occidentale d’Aladin, Sinbad le marin et autres Ali Baba et les quarante voleurs, puisque c’est lui qui a colligé les manuscrits de ces contes puis en a fait paraître, dès 1704, une première traduction française déclinée ensuite en douze volumes. Mais outre les Mille et une nuits, on ne peut nier la forte influence de la religion sur les contes indiens, notamment dans le recueil de contes et de fables Pañchatantra, colligé au IIIe siècle avant notre ère. Un conseil? Lisez la version de Galland d’Aladin et la lampe merveilleuse : il faut une sacrée dose de courage pour cesser de le lire avant la fin tellement c’est envoûtant!

Russie
La population russe ayant conservé un taux d’analphabétisme des plus élevés (près de 90 %!) jusqu’en 1930, il n’est pas étonnant d’apprendre que la tradition orale y a acquis une force et une richesse impressionnantes, et ce, même si au Moyen Âge les contes russes étaient perçus comme « œuvre du démon » et incidemment bannis. Comme le « Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants » propre à Perrault, les contes russes ont également leur lot de formules épiques, d’expressions qui rythment l’oralité de leurs histoires. Par exemple, en fin de conte, on lit fréquemment des variations de « J’y étais, du miel et de la vodka j’ai voulu boire, sur ma moustache ils ont coulé, dans ma bouche rien n’est tombé. […]! Voici la fin du conte, donnez-moi un pot de miel! » et, lorsqu’une princesse à la beauté somptueuse fait son irruption dans le récit, on lit souvent ceci : « Si belle que le pinceau se refuse à la peindre, la plume à la décrire! » Pour bien comprendre les contes, un essai paru en 1928 reste encore à ce jour un incontournable : Morphologie du conte, de Vladimir Propp. En 100 contes, l’essayiste russe propose une matrice – une structure et une classification – dont tous les autres contes seraient issus. Un apport incontestable aux théories sur ce genre littéraire.

France
Les contes les plus lus aujourd’hui sont probablement ceux de Charles Perrault, partisan des Modernes. Grâce à celui qui a publié Contes de ma mère l’Oye et Histoires et contes du temps passé, les contes sont devenus un genre littéraire. À partir de contes traditionnels oraux, Perrault se réappropriait l’imaginaire médiéval, chevaleresque et courtois ainsi que les textes de la Renaissance italienne. Comme auteur, il n’a pas osé signer la première édition de ses contes, les faisant plutôt paraître sous le nom de son fils. Ce n’est qu’à sa mort que la vérité fut dévoilée. On lui doit le personnage du chat botté et l’adoucissement des histoires du Petit Chaperon rouge et de Cendrillon, notamment. La France fut également le berceau d’où provient la très célèbre histoire – issue de la tradition orale de Bretagne – de Tristan et Iseut, ainsi que d’une autre grande histoire aujourd’hui racontée comme un conte, soit La belle et la bête, l’œuvre de l’écrivaine française Jeanne-Marie Leprince de Beaumont, née en 1711 à Rouen.

Pays scandinaves
Au Danemark, Hans Christian Andersen ne collige pas uniquement des contes populaires, il les crée, mêlant le merveilleux, la philosophie et l’ironie. Le vilain petit canard, La reine des neiges, Les habits neufs de l’empereur et La petite sirène se trouvent ainsi parmi ses créations de grand renom. En Norvège, Askeladden, qui signifie « le garçon des cendres », est personne récurrent, un oisif rêveur, qui, même s’il ne semble bon à rien, accomplit pourtant de grandes choses. Dans le folklore scandinave, on croit aux dieux anciens, tels Odin, dieu des morts, de la victoire et du savoir et Thor, le dieu du tonnerre. Dès le Moyen Âge, le troll, une créature malfaisante à l’origine, apparaît dans cette mythologie.

Afrique
Traditionnellement, en Afrique, le conte, ancré dans la société, était raconté à la tombée de la nuit et se révélait une occasion de préserver le patrimoine, d’éduquer et de prôner certaines valeurs, comme la sagesse et l’expérience de l’âge. Il s’agit donc principalement de contes moralisateurs. Pensons au personnage de Kirikou, inspiré de l’histoire de Bâgoumâwel, un enfant confronté à la sorcière Njeddo Dewal, dont la plus célèbre variante se trouve dans le recueil Contes initiatiques peuls d’Amadou Hampâté Bâ. En plus de la présence du merveilleux dans les contes africains, les animaux y jouent souvent un rôle important. Le recueil Les contes d’Amadou Koumba est considéré comme la première recension écrite des contes de tradition orale. L’écrivain Birago Diop a d’ailleurs repris ces contes en 1947, puis en 1958.

Irlande
L’Irlande est un pays où le folklore et la mythologie foisonnent. On y découvre des fées, des dieux, une petite créature malicieuse, trapue, vêtue de vert, appelée Leprechaun, qu’on connaît aujourd’hui surtout grâce à la fête de la Saint-Patrick, Jack O’Lantern (nommé aussi Stingy Jack ou Jack the Smith), condamné à errer entre le monde des morts et celui des vivants, Finn McCool (ou Mac Cumaill en gaélique), un grand guerrier, protecteur de l’Irlande, ou encore la Banshee, une créature féminine qui annonce l’approche de la mort par ses hurlements. Cette dernière figure mythologique se retrouve aussi dans les écrits d’Écosse, du Pays de Galles et de la Bretagne. Les contes irlandais mettent souvent en scène des destins sombres et tragiques avec des morales, empreintes de sagesse.

Angleterre
Dans le folklore anglais, il y a bien sûr la légende du roi Arthur et celle du célèbre héros Robin des Bois, le défenseur des pauvres, qui, selon certaines versions de l’histoire, s’appelait Robin la Capuche ou Robin le Truand (Robin Hood); en le traduisant, on aurait confondu hood avec wood. La première mention de ce mythe remonterait au Moyen Âge. Tom Pouce s’avère un autre personnage du folklore britannique, appelé ainsi à cause de sa petite taille : il est tellement petit qu’il n’est pas plus grand que le pouce de son père. Cette histoire, qui sera ensuite reprise par les Grimm, serait le premier conte merveilleux à avoir été publié au Royaume-Uni, au XVIIe siècle.

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